Petit feu d'artifice à elle toute seule. C'est une brève explosion, un court instant d'illumination et d'émerveillement condensé. Lyph a ses hauts et ses bas. Elle brille chaque fois qu'elle part explorer. Ce qu'elle aime par-dessus tout, c'est l'aventure. C'est l'appel grisant de l'adrénaline, de l'inconnu. C'est sa curiosité brûlante, qui touche les autres comme un feu se propage. Lyph se fiche des circonstances, des mais, des non mais et encore plus des tu ne devrais pas. Ce petit tourbillon vous entraînera de gré ou de force dans ses aventures, pour le meilleur ou pour le pire. Souvent c'est le second. Elle ne vit que pour un seul instant : celui où l'adrénaline parcourt ses veines. Comme un feu d'artifice, le reste du temps elle ne brille pas. Elle observe avec dépit, se languit de son prochain moment fort. Une vraie râleuse. Elle se laisse parfois abattre par les remarques des autres, incapable de comprendre pourquoi on lui dirait ça. Un brin étourdie, elle s'est montré à plusieurs reprise chanceuse (même si son gardien frôle l'arrêt cardiaque par moment). Les choses sont moins extrêmes depuis qu'elle a son gardien, cela dit.

Il neigeait, ce jour-là. Elle détestait son anniversaire. C'était une manière de plus de lui rappeler que les autres enfants de son âge n'avait rien de commun avec elle. Elle ne les appréciait pas, ni eux ni leur attitude. Encore aujourd'hui, l'un d'entre eux avait essayé de la faire tomber. Manque de bol pour lui, il avait glissé sur du verglas et c'était lui qui était tombé. N'empêche. Boudeuse, la presque adolescente ruminait dans sa chambre, enfermée dans ses quatre murs. La ville, la cité, les militaires, tout ça c'était plus qu'elle ne pouvait en supporter. Et ce, même sous l'épais manteau blanc, cachée par le froid et le vent. Lyph aimait l'hiver. Plus exactement, elle aimait le froid. Sans vraiment savoir pourquoi, elle se sentait naturellement attirée par cela. Mais ce n'était pas comme si elle pouvait sortir de cette fichue cité. Elle voulait aller voir ailleurs, trouver de grandes plaines vastes et sans limite, comme on pouvait les décrire. Elle étouffait. A treize ans, elle avait l'impression de ne pas vouloir être là. Ses parents étaient des commerçants ; ils avaient toujours su profiter de l'affluence de gens pour gagner de l'argent. Occupés à faire du bénéfice comme ils disaient, leur réponse à une quelconque sortie était toujours la même. Non.
Surprenant. Bien évidemment, elle reprendrait le commerce familial et elle s'enrichirait plus qu'eux encore, et bla bla bla. Ces histoires l'énervaient. Militaire ? Même pas en rêve. Exploratrice ? Alors là tu rêves ma grande. Si seulement elle avait eu un frère qui aurait pris toutes ces responsabilités. Grand, des cheveux aussi noirs que les siens. La fillette soupira. Si seulement.

C'était arrivé un jour, par hasard sans doute. C'était dans l'un des cartons qu'on leur avait envoyé, c'était peut être tombé dedans ou quelqu'un l'y avait glissé, qu'en savait-elle ? Mais alors qu'elle aidait à ranger les stocks, elle l'avait vu. Cette petite chose minuscule. Aucune idée. Curiosité, toujours cette même curiosité. Et puis soudain à toute allure, comme enveloppée d'un manteau d'ombre, la pierre qu'elle aurait juré brillante ne l'était plus. Elle n'était plus tout simplement. La dévisageait maintenant un jeune homme pourvu d'yeux ambrés qu'elle avait imaginé souvent. Son apparence lui parla immédiatement, plus que les mots. Confuse, elle observa l'inconnu sans comprendre. Lui comprenait très bien. Avant de se décider à dire quoi que ce soit, il préféra jauger son environnement. La mère de sa nouvelle protégée lâcha le carton qu'elle tenait dans les mains. Une drôle d'expression horrifiée se forma sur son visage, alors qu'elle se précipitait vers sa fille.
Sa fille était maintenant condamnée à une vie courte.

Par la suite, les choses étaient bizarres. Elle n'était plus jamais seule. Il y avait toujours ce garçon là, plus âgé qu'elle qui la suivait partout sans vraiment avoir l'air de vouloir lui adresser la parole. Des fois il s'en allait, mais jamais bien loin. Comme son ombre. Noctis n'était pas exactement le compagnon loquace qu'elle aurait espéré. Mais à défaut de faire la conversation, il avait d'autres atouts. Comme par exemple, c'était un grand. Un adulte. Enfin un truc du genre. Il pouvait aller un peu partout et avec lui, elle n'avait aucun mal à se faufiler là où elle voulait. Une montagne de possibilités s'ouvraient grâce à lui. Sans compter sur sa magie. Alors ça. C'était sacrément bizarre. Elle qui avait toujours eu peur du noir trouvait soudainement les ombres beaucoup plus rassurantes.


« Lyphie. J'espère bien que tu vas le finir, ce gâteau. Franchement, me faire faire la cuisine à 3h du mat'... »
L'adolescente observa son gardien une seconde, avant de lui tirer la langue. Bien qu'il sembla faire une grimace, Lyph savait qu'il sourirait dès qu'elle aurait la tête tournée. Elle était seule chez elle – enfin aussi seule que Noctis lui permettait de l'être – et elle profitait de sa nouvelle vie, loin de son insupportable famille. Destinée à une vie courte, elle avait brisé les rêves de ses parents. La simple présence de son gardien leur avait forcé la perspective que peut être, elle ne serait pas la grande héritière dont ils rêvaient. Cela l'avait soulagé d'un énorme poids. Elle l'entendit bouger, toujours avec son pas si léger. Il tira une chaise avant de s'y asseoir, goûtant d'un air peu convaincu sa propre cuisine. Il n'aimait pas le sucré. Urk. Qu'est-ce qu'elle aimait là-dedans ?
« Je comprends bien que tu as l'intention de profiter de ta vie en tant qu'adulte, tout ça... Même si bon, tu es encore une gamine pour moi. Mais franchement, tu ne crois pas que tu devrais dormir ?
-Je peux pas. Je suis trop excitée. J'arrête pas d'imaginer ce sur quoi on va tomber demain. »
Exploratrice. Finalement, elle avait pu réaliser son rêve, grâce à lui. Le garçon paraissait nettement plus pessimiste qu'elle. A son air rabougri, elle ajouta :
« Ne t'inquiètes pas, tu auras le droit de te lâcher, je sais à quel point ma sécurité est une source de stress pour toi ! »
Elle disait ça en plaisantant, mais le gardien était bien plus que stressé. Elle était pire que quelqu'un de maladroit ou de peu chanceux. Elle aimait ça, les ennuis. Elle les cherchait autant que possible pour avoir sa dose d'aventure. Et c'était lui qui était chargé de trouver des solutions. Duo peu viable, avait-il souvent pensé. Mais Lyph avait toujours été à côté de lui pour tout. Il l'avait vu passer par toutes sortes d'émotions, et il s'était attaché malgré lui. Il soupira, se contentant de pousser sa chaise avec une ombre.
« Ouiii, ça va, je vais au lit. »


L'exploration, c'était plus difficile que prévu. Plus amusant aussi. Enfin ce n'était certainement pas le terme qu’emploierait son gardien, qui l'observait d'un air épuisé. Elle était là, la tête posée sur son torse en train de regarder le ciel nocturne. Franchement, il n'avait qu'une seule envie : dormir. Mais il essayait de lutter un peu. Il l'écoutait parler.
Elle déballait un tas de choses – et franchement il n'en comprenait pas la moitié – mais il la connaissait bien. Quand elle déballait autant de choses...
« J'aurais voulu que mes parents soient fiers, je crois. »
...elle finissait toujours par dire ce qu'elle avait sur le cœur. Il posa sa main sur son épaule pour l'entourer d'un bras. C'était suffisant. C'était sa manière à lui de dire qu'il était fier.