froide - peu expressive - distante - maternelle - indépendante - solitaire - égoïste - rancunière -  vindicative - patiente - charismatique - brutalement franche - têtue - sure d'elle -  quelque peu vaniteuse - intraitable - jalouse - envieuse - soucieuse - fière - superstitieuse

Dans l'errance d'une discussion sans réel but, il l'avait décrite semblable aux sommets enneigés de Caelum, froide et intraitable ; il avait aussi ajouté qu'à devoir refaire tout ça, il ne l'aurait pas choisi parce qu'il n'était pas de taille face au monstre qu'elle était. Mais Nótt n'avait rien de monstrueux et il le savait très bien, un mot choisi pour semer la confusion dans le regard du voyageur, qui tout à coup inquiet osait un regard apeuré en direction de la femme se tenant plus loin. Il aurait pu en rire évidemment mais pas l'ombre d'un sourire n'était venu tordre ses lèvres, tandis qu'il hochait la tête, pensif. Non sa femme n'était pas une créature cauchemardesque mais son caractère avait de quoi mettre ses nerfs à rude épreuve, entre sa rancune indéfectible et sa tendance à toujours souligner ses maladresses, d'un ton qui plus d'une fois lui avait donner envie de lui tordre le cou -sentir son  souffle mourir sous ses doigts!- pour ensuite chasser l'idée. Non, mieux valait-il peut-être la voir comme une étendue glacée, ne faisant jamais de cadeaux ou si peu, difficile à conquérir mais en valant surement la peine une fois la tâche réussie.

C'était là ce qu'il s'était longtemps dit, durant dix, quinze, vingt ans même! avant de réaliser qu'il n'était peut-être pas l'aventurier qu'il fallait. Tout avait commencé par une erreur, et peut-être n'était-il pas celui qui aurait dû la commettre.

Hallbjörn était mort. Son mari était mort, et la simple vue du sang tâchant le drap recouvrant son corps avait suffi à lui faire tourner les talons. Oh, l'odeur également : ces relents métalliques qui  saturaient l'air glacé de ce matin-là, la prenant à la gorge de façon traîtresse, menaçant à rendre le  contenu de son estomac. Ou peut-être que c'était l'émotion qui l'avait rendue nauséeuse, l'émotion et le souvenir des derniers mots qu'elle lui avait adressés. Ils revenaient furieusement à son esprit, tranchants et cruels comme hiver. Et ça, c'étaient des regrets.

Elle ne l'aimait pas, pas de la façon espérée du moins. Pas avec la passion qu'ont certains jeunes mariés, insouciants et amoureux. Oh, peut-être qu'il y a trente ans de cela, elle avait ressenti quelque chose pour lui s'y apparentant, mais ça n'étaient que des fantaisies de jeune fille ennuyée, de demoiselle rêvant naïvement d'un homme rien qu'à elle. Ils avaient été idiots, profondément cons même. Assurément pas assez prudents, au point de les pousser vers une vie qu'ils n'auraient jamais choisi de leur plein gré — une vie ensemble.

Elle ne l'avait jamais follement aimé, et en y réfléchissant Nótt n'avait pas souvenir d'avoir jamais ressenti  ça, ni même le besoin de le ressentir. Ça n'était pas un manque, oh non. Car de l'amour, elle en avait pour ses enfants, qu'ils soient de sa chair ou non, pas d'importance, pas de différence. Mais elle s'était attachée à son mari, s'était faite à sa présence à ses côtés, son regard si pâle qui la jugeait à la moindre parole et son air arrogant. Oh oui, elle s'était habituée à lui comme on se fait à  la chaleur de son foyer, un point de repère, parfois confident — il y a des années. Et les ans étaient passés, l'habitude avait pris un goût amer à la découverte de ses infidélités. De là naquit le regret de ne jamais en avoir fait de même, de ne jamais lui avoir dit à quel point elle pouvait le haïr. Il ne lui restait que les regrets et quelques mots glacials brûlant sa langue. Puis ce vide. Grandissant, trop grand même et menaçant de l'engouffrer. Un chagrin dont elle ne veut pas, qu'elle dissimule et oublie, une solitude qui pèse, et les ans qui menacent toujours de se faire plus pesants.

Il était mort et c'était surement pire que de supporter sa présence.