L’eau se retire à marée basse, écume s’accrochant aux grains de sable alors que se découvre une épave. Polie par l’érosion. Gravée par le temps. Un ensemble d’imperfections qui laisse apparaître, sous couvert de l’astre lunaire, la majestuosité de ce qu’elle aurait pu être. Inébranlable carapace qui vous fixe de ces yeux glacials, observant, analysant, pouvant ancrer un malaise palpable. Une coquille affreusement vide pour ceux qui tenteront de s’immiscer sans y être invité. Un monstre du néant se faisant un plaisir de dévorer les âmes égarées afin de, parfois, les remettre sur le droit chemin. Une épave invariablement stable. Imposante et indomptable, qui ne révèle son innocence qu’à quelques élus. Enveloppe bien trop épaisse, qui n’a servit que de prison pour la chaleur et la pureté.

(introverti — froid — flegmatique — réfléchit — observateur — cruel — solide — sec — patient — indomptable — prudent — persévérant — honnête — égoïste — réaliste — fidèle — réservé — moralisateur — renfermé — calculateur — lucide — mesquin — responsable — antipathique — impitoyable — résolu — rigide — obstiné — dense — prévoyant — sévère — rigoureux — fiable — indépendant — insensible — stratège — détaché — protecteur — possessif — distant)

Tu as fait tes premiers pas dans les couloirs délabrés d’un orphelinat surpeuplé de rires et d’insouciance enfantine. Vie rythmée par les allées et venues de ces essences, liens se brisant aussi vite qu’ils avaient été créés. Vous étiez nombreux, sans pour autant avoir la prétention de former une famille. Au milieu de toutes ces têtes qui, pourtant, souffraient comme toi de l’absence de figures parentales, tu avais cette impression de nager dans le néant. Essence inexistante dans un réel utopique et dissonant.

Puis elle est arrivée, comme un écho à tes prières nocturnes. Une vague de gentillesse s’abattant sur ta vie de petit garçon turbulent. Vous vous êtes rapidement liés. Toi, le gamin solitaire, apprécié des victimes, et détesté des dominateurs. Pourquoi étais-tu toujours prêt d'elle ? Pourquoi commençaient-ils tous à murmurer, à se plaindre, de ne jamais vous voir l’un sans l’autre ? Tu n’étais pas de ces enfants tactiles, réclamant sans cesse de l’attention ou communiquant par un langage corporel enfantin. Pourtant ils savaient. Ils en étaient tous conscients. Tu accourrais dès qu’il y avait ne serait-ce que l’ombre d’une complication.

L’obscurité t’avait engloutit. Ombre te dévorant alors que tu ne pouvais comprendre ce qu’il t’arrivait. La solitude. La douleur. Et la peur, t’assaillant de toute part, alors que tes doigts se serraient avec bien trop de force autour de cet anneau en argent, bien trop grand, et pourtant si précieux. L’image de celle qui portait la bague jumelle à la tienne se dessinait sous tes paupières closes alors que tes forces t’abandonnaient. Et tu disparais. Comme si tu n’avais jamais existé. Sans laisser de trace.

Les jours pouvaient sembler être des heures comme des mois. Le temps n’avait plus réellement de mesure, et tu n’y pensais pas. Tu avais oublié les jours heureux de ton enfance qui te faisaient souffrir. Tu avais appris à te détacher de ces sentiments contradictoires, te raccrochant uniquement à cet anneau d’argent, seul restant de ce passé trop flou pour être évoqué. Tu te tenais droit, dans une posture rigide devant un bureau, attendant presque avec impatience l’ordre qu’on allait te donner. Car cet ordre, aussi cruel pouvait-il être, sonnait le glas de cette vie fantomatique. L’heure était venue. Tu pouvais à nouveau fouler les terres de Caelum. Telle une renaissance, tu voulais hurler ta rage au monde. Tu existais, et c’était tout ce qui comptait.