Notre jeune femme est, pour le meilleur comme pour le pire, aussi pure que le suggèrent les apparences. Prude, réservée et humble, la belle n'aime guère monopoliser l'attention et surtout moins de façon choquante. Melodia est surtout du genre à juger ceux dont la conduite lui semble répréhensible, étant ce que beaucoup qualifieraient de coincée. Non pas qu'elle soit réellement rigide ou stricte, la blonde est simplement traditionnelle. Ayant grandit auprès des autres soeurs de Falias, il était évident qu'elle en ressortirait avec des manières dignes d'une religieuse. Elle aime faire les choses en accord avec les traditions et, pour elle, la famille et la foi occupent une place centrale dans la vie d'un individu. Ce faisant, Melodia encourage autrui à se focaliser sur ces mêmes priorités, convaincue qu'elle peut ainsi les aider à trouver un bonheur similaire au sien.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que Melodia pense toujours bien faire. Ses gestes partent toujours d'une bonne intention, mais les résultats sont parfois plus ou moins concluants à cause d'autres facteurs. Possédant une grande mémoire et se fiant sur ses expériences passées pour aiguiller son jugement, la bonne soeur est souvent convaincue que ce qui a fonctionné pour elle fonctionnera aussi pour autrui. Réticente au changement, il peut lui être difficile d'envisager les choses sous un jour nouveau, différent de sa propre perspective. Ça ne fait pas d'elle une personne méchante, loin de là. Elle n'en demeure pas moins patiente, pleine de compassion et très aimante. Melodia aime protéger les autres, mettre leurs intérêts avant les siens et parfois négliger sa propre personne pour mieux atteindre ses objectifs.

Pour autant, la jeune femme demeure sensible et peut facilement être blessée par un rejet. Recevoir l'amour et l'approbation des autres est quelque chose de fondamental à son bonheur. Elle craint de décevoir autrui, de ne pas être à la hauteur ou d'échouer à exprimer ses sentiments. Cela lui cause parfois de l'anxiété et lui fait vivre des moments d'insécurité où elle se remet en question et a besoin de se ressourcer auprès des gens qu'elle aime ou dans la solitude. Car malgré l'importance des autres dans sa vie, c'est dans l'isolation qu'elle trouve le repos. Melodia aime faire des tâches de son côté, bien que souvent dans le but de profiter à autrui. Par exemple, elle aime lire un livre de cuisine en solitaire pour mieux préparer un plat qui fera plaisir à un proche. Elle aime s'adonner au jardinage ou au tricot pour offrir un légume ou un foulard à un être aimé.

Elle est fermement convaincue que l'on peut être heureux à condition de simplement arrêter de chercher plus loin. Le bonheur se trouve déjà là, à notre portée. Il suffit de se tourner vers les gens que l'on aime et de prendre soin d'eux. De se réaliser dans sa communauté, son milieu et de s'en contenter. Ce faisant, elle ne comprend guère les explorateurs qui désirent découvrir ce qui se trame sous les nuages. Pour elle, il s'agit d'une hérésie. Le dieu Niantu n'a-t-il pas offert à l'humanité tout ce dont elle avait besoin pour prospérer ? Une belle terre, des ressources, des saisons, la sécurité. Pourquoi chercher à s'émanciper et risquer de tout perdre sur de simples suppositions ? Pour elle, les explorateurs ne sont que des gens ingrats et malheureux qui ne savent pas profiter de ce qu'ils ont. Elle éprouve une grande pitié pour ces gens, espérant qu'ils arriveront à trouver la paix intérieure et à voir la vérité.

Ulysse et Bérénice Rosenthal ont toujours eu cette qualité singulière dont ils se vantaient humblement, résistant de peu à l'envie de crier leur amour de Niantu sur tous les toits. Oui, les parents de Melodia ont toujours été et sont toujours de dévoués et fervents croyants. Portant chacun une bague sertie d'un rubis, ils pratiquaient la prière chaque jour et fronçaient les sourcils de manière réprobatrice en apprenant que leurs riches amis ne faisaient pas de même. Car oui, leur niveau de vie était plus que confortable, Ulysse étant un couturier de haute volée dont les créations faisaient jaser dans tout Majoris, là où ils résidaient. Sa femme, pour sa part, avait mis ses propres aspirations professionnelles de côté pour plutôt gérer l'entreprise de son mari, tant du point de vue publicitaire que financier. Cette entente leur réussissait bien et, quand leur fille naquit, ils furent ravis d'avoir un petit mannequin très mignon qui pourrait les aider à promouvoir une nouvelle ligne de vêtements pour enfants.

Ne venez toutefois pas croire, à cause de cela, qu'ils ne prenaient pas leur rôle de parents très au sérieux. Ils se faisaient un devoir de l'élever dans la foi et la bonne humeur, de lui inculquer des valeurs de famille, de travail et de dévotion à la religion. Et, pendant quelques années, tout se passa très bien. Malheureusement, il n'y a pas que des avantages à vivre dans la grande ville. Ulysse et Bérénice l'apprirent à la dure, lorsque leur fille de sept ans revint à la maison avec des étoiles plein les yeux. Cette dernière s'assis à table, ses petites jambes battant l'air énergiquement avant de finalement commencer à parler. Melodia demanda à ses parents s'ils avaient déjà vu ce qui se trouvait en bas, si elle-même pourrait le découvrir un jour ou, au moins, rencontrer un explorateur. Inutile de dire qu'on lui coupa fort rapidement la parole, lui suggérant brutalement d'oublier ces histoires. Mais le mal était fait et les parents devaient trouver une solution.

Melodia fut donc envoyée dans l'ouest, pour que son éducation se fasse sous la tutelle des bonnes soeurs de Niantu. Là-bas, elle ne pourrait s'égarer, cette pauvre petite brebis aux grands yeux bleus. Bien sûr, pour une enfant, le changement drastique fut un choc d'une ampleur inégalée. Elle quittait sa famille, la chaleur et l'ambiance vibrante de Majoris pour la forêt, la montagne froide et le silence du couvent à Falias. Elle ne comprenait pas ce qu'elle avait fait de mal, mais n'était pas non plus du genre à se rebeller. Tout ce que l'enfant désirait, c'était d'être aimée de nouveau. De se racheter. Bien sûr, on lui dit que la meilleure façon de se repentir était de vivre dans la foi, de laisser Niantu lui accorder son pardon. Et c'est donc ce qu'elle fit. Elle se mit à prier, encore et encore. Melodia étudia les textes du culte et s'impliqua dans la vie au couvent. Elle apprit même les bases de la cuisine, motivée qu'elle était à offrir à ses consoeurs, espérant que cela lui apporterait l'affection dont elle avait violemment été privée.

Tristement, on ne la renvoya pas chez elle. Son voeu ne fut pas exaucé de la façon dont elle aurait voulu. Néanmoins, cela ne signifie pas que Niantu demeura sourd à ses prières. C'était un peu plus de deux ans après son arrivée au couvent. Melodia était sortie, marchand dans les bois pour se recueillir, une autre façon de dire qu'elle avait simplement envie de s'isoler un moment pour aller prier et observer la nature. Ce jour-là, ses espoirs furent récompensés puisqu'elle trouva, au niveau du sol, une petite pierre plus brillante que les autres. L'enfant pris l'Eärendil entre ses mains, en position de prière, et demanda à Niantu de lui permettre d'être réunie avec sa famille. Elle désirait quelqu'un qui soit toujours là pour elle, pour la protéger et veiller sur elle. Un individu qui la chérirais et ne l'enverrais pas dans le froid toute seule. Ce jour-là, Melodia pria pour qu'on lui offre un grand frère. Et c'est ce qu'elle reçu.

Gaius naquit ainsi. S'il était désorienté, l'enfant qui se jeta à son cou en criant et en pleurant de joie devint rapidement une priorité qu'il ne pouvait ignorer. Quand bien même il n'avait qu'une envie, partir, la petite main de Melodia dans la sienne le tirait vers le couvent sans qu'il ait le coeur à la quitter si vite. Toute fière, la petite blonde le guida vers la première soeur qu'elle pu trouver, pour présenter son frère, leur montrer que Niantu avait répondu à ses prières. Bien sûr, devant le sacrifice que l'éveil d'un gardien représentait, le premier réflexe des soeurs était de la réprimander, de la punir. Mais c'était sans compter sur la présence de Gaius qui s'interposa sans trop comprendre pourquoi. Tout ce qu'il savait, c'est que la première personne qu'il avait vue était justement cette enfant qui lui avait donné la vie et qui était fière de son gardien plus qu'il n'était décent de l'être. À partir de là, son instinct lui ordonnait de la défendre, de les empêcher de lui faire du mal ou de la contrarier, comme l'aurait fait un véritable grand frère.

Après cela, la tristesse de Melodia s'évanouit presque du jour au lendemain, tout comme son pressant besoin de retourner à Majoris. Elle était bien, à présent, et n'avait besoin de rien d'autre. Il lui suffisait de chercher Gaius du regard, de se tenir à ses côtés et de discuter avec lui pour retrouver le sourire. Le concerné se prêtait d'abord au jeu mais, avec les années, commença à prendre un peu plus de distance avec Melodia. Il commença à lui dire non, à lui dire de se débrouiller toute seule, pour son plus grand malheur. Gaius voulait la protéger et, parfois, cela signifiait de la repousser. La forcer à être seule, à se débrouiller et à faire preuve d'indépendance. Et, pourtant, il est toujours le premier à se porter à sa rescousse, car malgré tout certaines choses ne changent pas. Telle est la nature de leur relation à présent. Melodia est toujours à Falias, avec les autres soeurs, et prend son rôle et sa foi très au sérieux, peut-être trop au goût de son gardien. Gaius est du genre plus sceptique. Du genre à chercher la vérité, à pousser un soupir après les longs monologues religieux de sa protégée. Qu'adviendra-t-il d'eux dans l'avenir ? Seul le temps nous le dira.