D’un pas rapide, tu franchis la distance qui te sépare de ton repère. La caverne dissimulée au creux de la roche te sert de refuge, de canalisateur, d’exutoire. Tu peux y passer des heures, tandis que personne ne sait où tu es passée. Tu manques pourtant à ton devoir, avec ces escapades, mais tu ne peux t’en empêcher, tes jambes retournant toujours à cet endroit qui t’es si cher.
D’un regard impassible, tu contemples la neige tomber depuis l’intérieur de la grotte. Tu n’as pas toujours appartenu à ce monde, froid, dur et pourtant si attirant. Mais tu ne regrettes pas ton choix.
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Née dans une famille d’agriculteurs du territoire de l’Est, entre deux bœufs et un mouton, ta vie commence dans la paille et la boue. Fille, tu déçois ton père, qui espérait avoir un héritier dès le premier coup. Raté. Les deux suivantes seront aussi des filles, et Ethan ne naîtra que douze ans après toi. Ta mère te chéris, jusqu’au moment où les deux jumelles naissent. Là, tu existes encore un peu, mais moins, et tes parents n’auront aucune pitié pour toi.
Tu assistes aux cours élémentaires, mais ce qui t’intéresse, ce sont les épées des soldats en patrouille. Tu pourrais les regarder briller au soleil assez longtemps pour en attraper une insolation. Dans ton coin, lorsque tu n’as pas cours, ou que tu n’es pas obligée d’aider tes parents dans les champs, tu t’entraines à l’épée avec un bâton à la main.
Tu déteste ta vie, depuis toute petite. Obligée à travailler comme une esclave dans les champs, à t’occuper de tes frères et sœur lorsque tes parents ne le peuvent pas, tu es responsabilisée dès ton plus jeune âge, sans égard pour ton enfance, sacrifiée au nom de la prospérité familiale. Avec ta maîtresse, tu as de longue discussion, et elle fait tout pour inventer des excuse pour que tu passes plus de temps à l’école, tandis que tes parents te le font payer par le double de travail. Elle te regardait avec un sourire triste, quand tu lui rapportais un livre avant d’en demander un autre. Petit génie pour ton âge, tu cherches à t’échapper, mais ne connais pas encore le moyen de parvenir à tes fins.
Un jour – tu as dix ans, tu croise le chemin d’un aventurier, Owen. Il te surprend à fendre l’air avec ton épée de fortune, et te prend sous son aile. Il reste quatre ans dans la zone est, à explorer les champs, les montagnes et les bois, prétextant vouloir allonger son séjour pour prendre des vacances, il devient en réalité l’amant d’une fille du village – à ton grand dam. Oui, Owen est ton premier amour, un amour d’adolescente, parce qu’il est celui que tu admire du plus profond de ton être. Durant ces quatre ans, il t’enseigne comment te battre, comment manier différents types d’armes. Il dénote en toi quelque chose de particulier, une force, et te pousse plus loin que tu ne l’aurais cru possible.
Pour ramener de l’argent chez toi, tu te dégotte un travail dans l’auberge du coin – faut dire qu’avec ton joli minois et ton sourire angélique y’avait pas moyen de refuser. Tes sœurs t’ont remplacée dans les champs, et ta mère est enceinte d’un nouveau loupiot. Tu passes tes matinées à t’entrainer avec Owen, et le reste de ta journée à l’auberge, jusqu’à tard le soir. Là, tu écoutes des récits de voyages, tu apprends des choses nouvelles sur le monde, et comprends où est ta place. Ta volonté est de fer, ton rêve grand. Tu sais à présent ce que tu veux être, quel sens tu veux donner à ta vie.
Chevalière.
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A l’âge de quatorze ans, Owen quitte ta vie, laissant derrière lui une villageoise enceinte et inconsolable. Tu bouillonne de rage, tandis que celui que tu as admiré durant toutes ces années s’est juste comporté comme un porc. Comme tous ceux qui te lorgnaient de leur regard lubrique à l’auberge, qui posaient leur mains sales sur ton corps, malgré le fait que tu n’étais qu’une gamine. Alors tu précipites tes plans. Une nuit, tu quittes ta maison avec quelque maigres bagages – tu n’as jamais vécu dans le luxe.
Tu pars vers l’ouest, sans aucun adieu, sans aucun mot d’excuse. Tu ne veux plus appartenir à ce lieu, ni dépendre des autres. Tu veux être libre, et faire ce que tu as choisi d’accomplir, et non obéir aveuglement aux ordres de ton père. Débrouillarde, tu te dégotte une charrette rapidement, partant en direction de Sedna. Après quelque temps de voyage, alternant transports et efforts physiques, tu finis par arriver à la capitale de l’ouest. Habituée au soleil de l’est, tu mets un peu de temps à t’acclimater à la rigueur de cette région.
Contre toute attente, les gens de Sedna ne sont pas aussi froids que les montagnes au pied desquelles ils vivent. Tu trouves rapidement un endroit où loger, avant de trouver une situation stable. Comble de la chance, tu aides la mère d’un des hauts gradés de Sedna. Pourtant, tu ne l’apprends que plus tard, après avoir gagné son affection. Trop pris par son travail pour avoir un foyer, il te considère comme une fille. Un jour – tu as maintenant seize ans, il te demande ce que tu veux faire, et tu te confies à lui. C’est grâce à lui que tu entre à l’école militaire, et que rapidement, tu mets à profit tes années d’entrainement. Ton corps est forgé par le travail agricole, ton esprit, intellectuel et politique, aiguisé par les récits de voyageurs et les livres que tu dévores, quant à tes techniques, elles sont améliorées, à tel point que tu n’as aucun mal à te faire une place parmi les militaires de Sedna.
Tu ne penses plus à ta famille, préférant omettre qui tu étais avant, lorsqu’on te pose la question. Sans vraiment savoir pourquoi, tu es habitée par une sorte de rage sourde à l’égard de tes parents, qui acceptent sans broncher leur simple condition, sans même chercher à l’améliorer. A la rigueur, tu voudrais revoir tes sœurs et ton frère, mais tu n’en as pas le temps.
A vingt-deux ans, tu deviens la plus jeune templière recrutée, mais ta carrière ne s’arrête pas là. Ton respect, ton obéissance, ta vivacité d’esprits et tes conseils te valent de monter une nouvelle fois en grade, six ans après. Ainsi, largement intégrée à Sedna, qui est désormais ta patrie, tu deviens chevalière, comme tu en rêve depuis que tu es petite.
Ta vision du monde a changé, ta culture te permettant de prendre avec recul les objectifs des dirigeants de chaque région. La tienne a tendance à te faire lever les yeux au ciel, mais si le marché noir permet de développer la région – loin de pouvoir compter sur un tourisme fructifiant, tu ne vois pas pourquoi t’y opposer. Naturellement altruiste, tu n’hésites pas à faire tomber le mur de glace qui te sert de masque pour aider le peuple de la région, participant à la fortification des villes, aux patrouilles locales, supervisant les chantiers de constructions, etc. Les gens t’apprécient, t’acceptent comme l’une des leur.
Parce que c’est ce que tu es, à présent. Thæ, chevalière de Sedna. Alors, être une humaine comme les autres ne te semble pas si dur, au milieu de ceux que l'on appelle les mages.
Thæ aime se réfugier dans une grotte dans les montagnes, pour méditer et penser à autre chose. En réalité, c'est aussi le lieu qu'elle a partagé avec son premier amour, lieu de leurs rencontre et de leur complicité. Elle ne sait pas ce qu'il devient, il est peut être mort ou disparu, mais elle lui a accordé une trop grosse place dans son cœur pour l'oublier aussi vite.
Elle aime voyager, et demande souvent à faire partie des convois diplomatiques. Elle visite donc les villes dans lesquelles elle est envoyée...et surtout les restaurants locaux, parce qu'elle raffole de trois chose, qui lui permettent d'oublier momentanément ses tracas : la bouffe, l'alcool et les hommes.