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« Il y a bien longtemps avant même que les gens n'habitent dans le ciel. Une guerre terrible éclata entre les hommes et une Déesse malfaisante. Après des combats sanglants, nos ancêtres aidés de Dieu scellèrent le pouvoir de cette Calamité. Puis quittèrent la terre souillée et stérile pour construire leur avenir dans le Ciel. »
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{ [Terminé] En descendant du train [PV Thae]
 :: Gear V1 ()
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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 12/3/2018, 10:40 ►
Le prochain investissement de Selden ne comporterait aucun risque, mais pourrait offrir bien des avantages si cela venait à porter ses fruits. Concrètement, les fruits récoltés seraient bien maigres mais ce petit arbre au feuillage touffu parviendrait peut-être à masquer encore un peu plus les buissons épineux que le marchand voulait secrètement entretenir. Un arbre de plus dans le verger des affaires, qui tendait de plus en plus à ressembler à une jungle sans limites.
    Selden songeait à toutes les ramifications possibles, le regard dans le vague, feignant de contempler le paysage qui défilait devant les fenêtres du train. Il aimait aller vers l'ouest, et s'il n'y avait pas toujours régné un climat aussi dur, il aurait adoré cela. Le froid n'était pas fait pour lui, mais sans le froid tout ce qui poussait là-bas n'existerait pas, et Selden ne serait pas aussi riche. Voilà pourquoi il aimait cette région : sans elle il aurait été un vulgaire marchand de province. C'était en mettant un pied à Falias pour la première fois qu'il avait comprit que sa carrière allait enfin prendre son envol. Et, de fait, elle était montée bien haut depuis.

    La première fois qu'on lui avait parlé de faire commerce de fourrures, l'idée lui avait parue idiote. Le conseiller qui avait fait cette proposition avait dû essuyer les éclats de rires de son employeur, accentués par les regards moqueurs de ses homologues. Qui donc pouvait avoir besoin de fourrures sinon ceux qui vivent dans le froid polaire de Falias ? Selden jouait dans la cour des grands, dans l'import-export, et aucunement dans les marchés locaux.
    Laissée de côté, presque ignorée, la proposition était revenue à l'esprit du marchand lors d'une soirée mondaine à Majoris. Là il avait vu quelque dame de la haute arborer fièrement une cape, soit disant de voyage, au tissu bordé de fourrure. Et ses amies de glousser et de s'extasier. Cela lui allait à ravir, et ce côté sauvage, ma chère ! Surprenant et audacieux ! Nouveaux éclats de rire de l'assistance.
    En entendant ces mots, Selden avait flairé le filon. La mode serait vite lancée. Combien de personnes habitaient à Majoris ? Combien seraient assez riches pour pouvoir s'offrir les fourrures exotiques venues de la lointaine contrée de Falias ? Suffisamment pour rapporter gros. Quand bien même il se serait trompé, il pourrait toujours revendre ses stocks à l'armée. Du bon cuir trouverait toujours preneur dans ce milieu. Aucune perte en vue.

    Aucun risque donc, il en était sûr. Alors qu'il descendait du train, valise en main, il commença à balayer les lieux du regard. Si ses informations étaient bonnes, donc si son assistant avait correctement travaillé, quelqu'un devait l'accueillir là, sur les quais. Un femme, comment s'appelait-elle déjà ? Impossible de s'en souvenir. Il ne savait même plus qu'elle était sa fonction ici. Chevalière ? Conseillère ? Peu importait, tant qu'elle lui montrait ce pour quoi il était venu. Son chapeau vissé sur sa tête, elle le reconnaitrait parmi la foule, comme convenu. Selden n'avait donc plus qu'à attendre. Pas trop, il l'espérait. Les affaires n'attendent jamais, et plus vite il trouverait ce qu'il voulait, plus vite il y gagnerait...
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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 12/3/2018, 15:14 ►
En descendant du train
“Price is what you pay.
Value is what you get.”
Thæ leva les yeux vers le ciel azuré. Le soleil était déjà haut, signe d’une journée déjà bien avancée. Elle fit signe à ses hommes de continuer la patrouille matinale sans elle. Partie il y a déjà quelques heures, elle avait profité de l’air frais des routes de Falias pour se mettre les idées en places. Elle en aurait besoin, lors de son prochain rendez-vous. Préparé depuis un certain temps, la chevalière avait eu le temps de se renseigner sur le marchand avec lequel elle allait devoir parler affaire. Or celui-ci avait la réputation d’être dur lors des négociations, et il lui faudrait toute sa tête pour parvenir à ses fins, elle aussi.

Au-delà de l’ouverture d’une nouvelle route commerciale et d’un nouveau commerce, il s’agissait, pour Falias, de l’opportunité de s’imposer à l’échelle inter-régionale sur un marché luxueux. L’idée que lui avait fait parvenir le dénommé Selden Vestrit correspondant visiblement aux intérêt des deux parties. Encore fallait-il que le marchand, qu’une réputation de rapiat sans égal collait à la peau, se montre conciliant sur les modalités de commerce qu’ils allaient définir.

Vêtue pour l’occasion de ses vêtements de chevalière, sans pour autant porter une armure intégrale, elle arriva en avance à la gare et attendit patiemment l’arrivée du train, la main sur son arme. Lorsqu’elle vit la machine métallique s’approcher en hurlant, elle scruta la foule pour repérer son contact. Ne l’ayant jamais vu, elle ne connaissait que ses habitudes vestimentaires.

La jeune femme lissa ses vêtements et ajusta sa cape de fourrure – élément indispensable de l’uniforme d’extérieur de garde et on ne peut plus approprié à l’occasion. Elle aperçut sans mal un large chapeau dépasser les têtes rassemblées autour du train. Rejetant sa tresse blanche en arrière, elle avança avec assurance vers son invité.

La chevalière lui tendit la main, et se présenta simplement, d’un ton neutre :

— Selden Vestrit ? commença-t-elle. Thæ Helvall, Chevalière de Falias.

La jeune femme le détailla discrètement. Ce devrait être lui, puisqu’il était vêtu comme convenu et qu’il correspondait aux descriptions qu’on lui avait faites de lui – à ceci près que l’une de ses informatrices lui avait prêté une panse bien plus arrondie. En tous cas, son air déterminé et son regard acéré coïncidaient avec ce qu’elle avait lu au sujet du marchand.

— Bienvenue à Sedna. Suivez-moi, je vous prie, ordonna-t-elle avec calme.

Un serviteur se présenta à eux à la sortie de la gare, avec un sourire poli, regardant avec méfiance le marchand vêtu de couleurs vives. Thæ leva les yeux au ciel. Si une chose ne changeait pas, à Falias, c’était la petite pointe de rejet dans le regard des locaux face aux étrangers.

— Avez-vous des bagages, et un logement déjà réservé ? Si je puis me permettre, l’Hôtellerie Ronceglace est une bonne adresse.

Sans se permettre d’ajouter qu’elle ne doutait pas qu’il aurait les moyens de se loger dans l’auberge la plus chère de Sedna, la jeune femme regarda le serviteur hésiter, trépignant en attendant la réponse du marchand. Néanmoins, s’il voulait se loger pour peu cher, il lui restait nombre d’autres possibilités, qu’elle lui indiquerait si nécessaire – autant faire tourner l’économie locale.

Suivant du regard le serviteur s’éloigner, la chevalière fit signe à son invité de la suivre. Le faisant passer par la route principale, elle le conduisit au grand manoir qui accueillait les hautes sphères de Falias, et, plus précisément, à son bureau. Là,  Thæ l’invita à s’assoir dans l’un des grands sièges confortables, et pris place de l’autre côté de la table en marbre, posant un regard impénétrable sur l’étranger.

— Quelque chose pour vous désaltérer ?

Il avait dû faire un long voyage, et la jeune femme n’était pas certaine que le marchand ait pu se rafraîchir depuis.

— Il semblerait que vous ayez une proposition à faire à Falias, si je ne m’abuse. Ma dirigeante ne pourra être des nôtres, aussi je vous prie de ne pas y aller par quatre chemins. Je vous écoute.

Elle attendit que l'homme devant elle expose ses plans et ses attentes, loin d'imaginer que cette transaction se déroulerait sans compromis de la part des deux parties.

© ASHLING POUR EPICODE
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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 13/3/2018, 10:50 ►
La jeune femme était à  l'heure. Peut-être était elle même arrivée à la gare en avance. Bien. Quelqu'un qui n'est pas totalement sûr de soi ne peut pas se permettre d'être en retard. Selden nota mentalement cette première information. Soit elle était nerveuse et incertaine face aux enjeux qui seraient mis sur la table plus tard, soit elle devait sa ponctualité à sa formation militaire.
    Car elle était chevalière, sa tenue ne mentait pas. Elle avait choisit une tenue pratique plutôt qu'une armure imposante et nettement plus impressionnante. Que voulait-elle montrer en se vêtant de la sorte ? Car tout à une signification lors de telles entrevues. Quel sens, donc, donner à cela ? Je suis ici chez moi, et en terrain conquis je prend mes aises ? Votre statut de riche marchand ne m’impressionne pas, inutile donc de vous rendre la pareille. Ou encore : je suis chevalière, mon travail avec vous ne nécessite pas d'armure. Je me plie donc aux règles et me contente de faire mon travail. Selden n'arrivait pas à trancher. La suite des évènements l'y aiderait sûrement.

    Thae Helvall : oui, cela lui disait vaguement quelque chose. Il avait donc dû lire ce nom quelque part. Sa poignée de main était franche et puissante, digne de la force d'une femme d'arme. Mais la force physique ne serait pas de la partie dans cet échange, il ne s'agissait donc peut-être là que d'une façade, ou d'une habitude. Cela n'impressionnait en tout cas aucunement le marchand. Il en avait vu d'autres.
    Sur son invitation, il la suivit, sans piper mot. Il ne voulait pas parler trop tôt et préférais jouer sa première carte au moment opportun. De plus, son silence pouvait passer pour un signe de malaise, celui qui prend tout homme quand il arrive dans une contrée qu'il ne connait pas. Il préférait jouer ce rôle, dans un premier temps, et laisser croire à cette Thae qu'il ne connaissait pas le pays. Cela pourrait s'avérer utile quand la question des prix serait abordée. Il pouvait bluffer mieux que personne, alors pourquoi s'en priver ?

    Lorsqu'un serviteur vint à leur rencontre, elle lui proposa de loger à Ronceglace. Eh bien, elle ne se moquait pas de lui ! Il connaissait bien l'établissement pour y avoir ses habitudes, et le luxe que l'on y trouvait égalait presque celui de certains des meilleurs hôtels de Bara ou de Skadi. Toujours sans parler, il hocha la tête pour signifier son accord, comme quelqu'un qui se soumet aux choix de son hôte.
    Il marchèrent ensuite en gardant le silence jusqu'à une grande bâtisse de pierre, siège du pouvoir de Falias. Selden n'y était encore jamais entré, mais ce qu'il y vit était conforme à ce qu'il s'imaginait. La décoration faisait montre d'une certaine richesse, mais restait froide, en adéquation avec le climat de la région. Si l'on voulait être impréssionné par les décors das cette région, mieux valait visiter un édifice religieux. Ici tout inspirait l'ordre, la rectitude.
   En entrant dans ce qui devait être le bureau de Thae Helvall, le décor ne changea guère. Un bureau de marbre, banal, des fauteuils confortables, certes, mais peu clinquants. Toujours rien d'impressionnant.

    Toujours sans parler, le marchand refusa la collation proposée. Il voulait se présenter comme quelqu'un qui n'était là que pour parler affaires, et qui ne se laisserait pas déconcentrer par une petite attention. Cela dérogeait peut-être aux règles de bienséance, mais il voulait rester distant pour le moment. Il ne savait pas encore précisément à qui il avait à faire et préférait continuer de donner l'impression d'être froid.
    Puis la jeune femme lui donna la parole. "Ne pas y aller par quatre chemins", telle était sa demande. Soit. L'heure était venue pour Selden d'abattre sa première carte. La phase d'observation laissait place au jeu, enfin.

    - Tout d'abord madame, je vous remercie pour votre accueil. Je regrette que votre supérieure ne puisse se joindre à nous, mais je ne doute pas un seul instant de vos capacités. Si elle vous a jugée digne de confiance et à même de discuter avec moi, c'est sans doute que je puis moi aussi vous estimer comme digne des fonctions qui sont les vôtres.
    Un peu de flatterie pour commencer. Prenant ses aises, Selden croisa les jambes, puis ses mains qu''il posa dessus. La pose se voulait significative. Il avait de l'argent à investir, il avait donc la main. Restait à se lancer dans une tirage pour la garder. Avoir le monopole de la discussion pourrait l’amener à avoir celui des négociations.
    - J'ose imaginer que vos assistants vous ont déjà présenté la raison de ma venue ici, du moins en surface. Falias a bien peu de ressources à proposer au reste de Caelum, mais l'une d'elle pourrait faire sa renommée, et sa richesse. Je ne sais d'ailleurs pas comment personne n'a put y penser avant, mais je ne vais pas me plaindre d'être pionner dans ce domaine. Votre région regorge de bêtes sauvages et rudes, et si leur viande peut vous nourrir, leurs fourrures pourraient bien vous enrichir. Je connais des gens à Majoris qui pourraient faire fructifier un tel commerce. Des gens riches qui rêvent de se vêtir de fourrure de qualité. Ça leur donne un air exotique, voyez-vous, bien que le climat de cette ville ne se prête guère à l'usage de telles tenues.
    Vous l'aurez compris, c'est de luxe ont il s'agit. J'ai déjà contacté quelques maisons de grande couture qui seraient prêtes à y mettre le prix. Mais tout dépend bien sûr de la qualité des produits que vous me proposerez. Je me propose donc d'acheter ces fourrures, en quantité respectable mais tout de même raisonnable, et régulièrement, à un prix jamais atteint ici, ou de tels produits sont usuels et purement pratiques. S'ils deviennent esthétiques, les prix vont enfler, à n'en pas douter. Et cela soulève un problème : si les prix flambent, comment les habitants de cette région vont-ils pouvoir continuer à exploiter cette ressource pour leurs propres besoins ?
    C'est la que ma proposition se précise.Je veux le monopole des ventes de ce domaine, et ce afin d'éviter la concurrence. Je m'engagerait à acheter au juste prix, mais tout en maintenant ce marché dans le domaine du confidentiel, et ce afin d'éviter, ou de limiter au maximum, tout risque d'inflation préjudiciable au peuple de Falias.
    Une fois une telle affaire mise en route, le reste suivra. Quelques tanneurs s'enrichissent, fond construire de nouvelles maisons. Cela crée de l'emploi, pour un temps. Mais ces gens riches auront de nouveaux besoins, ils demanderont plus de produits venus d'ailleurs. De l'importation donc. Libre à vous de taxer ces échanges par la suite. Les recettes engrangées alors pourront être réinvesties comme il se doit. Et ainsi la région va de développer, lentement mais sûrement. Et qui sait, l'attrait pour les fourrures sauvages pourrait attirer des touristes en quête d'aventure dans un avenir proche. Tout une foule de conséquences bénéfiques sont imaginables.
    Qu'en dites vous ?
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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 13/3/2018, 13:45 ►
En descendant du train
“Price is what you pay.
Value is what you get.”
Jusqu’à présent, le marchand n’avait presque pas ouvert la bouche, si ce n’est pour échanger les politesses de mise dans de genre de situation. Thæ n’était pas certaine de la manière dont elle devait interpréter ce silence, mais préférait se méfier de son hôte, qui avait une réputation à la hauteur des affaires qu’il avait mis sur pieds à l’étranger. Un allié de cette taille serait plus qu’utile à Falias, et la jeune femme se doutait que le commerçant en avait parfaitement conscience. Personne d’autre n’avait eu cette idée farfelue avant lui, et, mis à part cet amoureux de l’argent, personne n’accepterai de monter un tel projet, pour le moment. Il avait donc toutes les cartes en mains, ou presque, et le savait pertinemment.

Mais la chevalière n’était pas là pour le flouer, elle voulait avant tout faire prospérer Falias, et s’attendait à ce que le marché établi soit un accord de charité. Elle écouta donc le marchand, qui obtempéra et lui expliqua son projet sans détour, après avoir refusé son offre de rafraichissement. Décidément, le marchand était plein de surprise. Les informateurs de la jeune femme lui avait prêté un don d’adaptation et une ruse idée, et lui avait conseillé de se méfier de lui. Et effectivement, son attitude silencieuse et passive cachait quelque chose.

Pendant qu’il parlait, elle ne détacha pas son regard du sien, tentant de déceler l’attitude cachée derrière ses mots, et surtout, parce qu’il s’agissait d’un moment important. Elle désirait lui montrer qu’il avait toute son attention, et, par-là, toute celle de Falias. Le visage de Thæ ne changea pas lorsqu’il la brossa implicitement dans le sens du poil. Elle aurait voulu hausser un sourcil sceptique, mais s’en gardait bien, conservant à l’esprit l’importance de cette rencontre.

La chevalière aux cheveux d’argent observa l’attitude du marchand. Sûr de lui, il expliqua les motifs qui l’ont poussé à l’élaboration d’un tel projet, et Thæ ne chercha pas à l’interrompre, soulignant simplement certaines de ses phrases d’un hochement de tête, en signe d’assentiment. Il était vrai que son idée, qui avait du paraître farfelue aux yeux de ses associés, avait du fond, et un certain potentiel. Faire naître un artisanat de luxe dans une contrée telle que Falias, il fallait y penser. A Sedna, comme dans tout le reste de la région, presque tout le monde possédait un manteau de fourrure, parfois complété de bottes dont l’intérieur en était recouvert. Les armures étaient doublées de cuir, pour réchauffer les corps des troupes. Bref, ici, la fourrure animale était d’usage banal, tandis que la chair demeurait une nécessité absolue, et cela signifiait qu’un massacre de masse au nom du commerce n’était pas envisageable.

Elle nota, peut être avec erreur, une pointe de raillerie dans le discours du marchand. Sa langue ne ventait pas les goûts de l’oligarchie de Majoris, mais il apparaissait comme un homme qui se moquait du client, tant qu’il obtenait le profit escompté. Il marquait cependant un point : climat de Majoris ne se prêtait pas le moins du monde aux épais vêtements de fourrure produits à Falias.

Néanmoins, quelque chose chiffonnait la jeune femme. Elle n’était pas certaine d’apprécier l’intégralité de la proposition du commerçant, qui ne manquait pourtant pas d’intérêt pour Falias. L’idée d’exporter les fourrures, sans produire les pièces de vêtement, signifiait une perte à un moment ou un autre de la chaine commerciale. Ils allait fournir la matière première, sans y toucher plus, tandis que des maisons de couture étrangères allaient s’accaparer les bénéfices de la vente du vêtement.

De plus, cela signifiait que Majoris aurait un moyen de pression de plus sur Falias. Or les deux régions étant déjà en proie aux tensions liées au marché noir, la région Est ne pouvait se permettre d’agir sans prudence, lorsqu’il s’agissait de la capitale. Mais le fait est que personne, si ce n’est les riches des hautes sphères de la capitales, n’achèteraient ce genre d’extravagance.

Encore une fois, cela soulevait un nouveau problème, et, peut-être, un point positif pour Falias : la mode est fugace, mais s’étend. Si les têtes pensantes des autres régions venaient à apprendre l’existence d’un marché luxueux tel que celui-ci, ils pourraient vouloir l’employer pour leurs activités. Idye, par exemple, pourrait en avoir besoin, pour sa flotte et pour ses commerçants, contre les vents marins. Cependant, une simple lassitude de la part des clients, ou un ordre de la part de Majoris pourrait faire flancher le marché, aux dépends de Falias. Ainsi, l’idée de se contenter d’exporter la matière première n’était pas si mauvaise, et mettait la région Est à l’abri d’un quelconque changement d’avis.

— Merci d’avoir parlé sans détour. Elle s’éclaircit la voix. C’est bien aimable de votre part de penser à toutes les éventualités, et également au bien-être du peuple de Falias.

La chevalière n’était pas dupe. C’était du bien-être de ses affaires dont il se souciait, mais préférait placer les négociations sous le signe d’une bonne étoile, imitant la légère flatterie dont il avait précédemment fait preuve à son égard.

— Une question me taraude cependant, reprit-elle. Qu’obtenez-vous en échange de ce monopole ? Loin de moi l’idée de mettre en doute la sincérité de votre proposition, mais je vois mal la raison d’un tel investissement de votre part. Vous n’agiriez qu'en tant que relais entre Falias et les maisons de couture de Majoris, n’est-ce pas, monsieur Vestrit ?

Thæ ne pouvait pas se permettre de ne pas explorer toutes les possibilités, et de sonder avec précision les intérêts du marchand, en l’absence de sa dirigeante. Elle se raidit sur son siège. La proposition du marchand était riche d’intérêt, et il semblait avoir pensé à tout, même aux possibilités futures pour la région. Mais cela lui semblait trop beau pour correspondre au personnage, loin d’être un innocent commerçant.

Si cela n’avait tenu qu’à elle, elle aurait répondu par l’affirmative à sa question. Mais c’était là la prospérité de la région qui était en jeu, et elle ne pouvait se permettre de bâcler sa tâche. Et puis l’on disait que les meilleures négociations prennent le plus de temps.

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PS:
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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 13/3/2018, 21:54 ►
Alors qu'il écoutait la réponse de la chevalière, Selden dénoua ses jambes et appuya ses bras sur les accoudoirs de son siège. Ses mains, aux doigts toujours entrecroisés, se tenaient sous son menton. Cela lui donnait l'air attentif qui convenait à ce moment. Il lui fallait absolument montrer son intérêt pour les paroles de son interlocutrice. Le succès de sa démarche en dépendait.
    De fait, il n'avait d'autre choix que d'écouter son discours. Il ne pouvait pas simplement imposer ses plans et ses objectifs sans recevoir ceux de l'autre partie. Il devait donner l'impression à son interlocutrice que son avis et ses exigences comptaient pour lui. Il ne fallait pas trop laisser transparaître qu'il était seul vrai maître de la décision qui serait prise. C'était lui qui était venu offrir quelque chose, non l'inverse, et la chevalière ne devait que trop le savoir. Mais il ne devait pas la laisser penser qu'il ne servait ce faisant que ses propres intérêts, et que, d'un simple claquement de doigts, il pourrait repartir et clôturant les négociations. Il serait idiot d'agir de la sorte. Les enjeux étaient trop importants pour le marchand, bien qu'il ne le cacha bien. Son offre devait contenter les deux camps, ou tout au moins le faire croire à Thae Helvall.

    La jeune femme savait mener sa barque. Elle était précise, prudente et intelligente dans la construction de ses propos. L'espace d'un instant, bien que toujours attentif à ses mots, Selden pensa qu'une telle personnalité pourrait lui être bien utile. Elle ne semblait pas corruptible, mais si elle attachait tant d'importance au développement de sa région, peut-être ne verrait pas de mal à mettre ses capacités et ses connaissances des lieux au service de domaines bien plus sombres de l'économie de Falias. L'idée se révèlerait peut-être bonne.
    Mais il n'aurait peut-être même pas besoin de recourir à elle. Si tout se déroulait comme il l'avait prévu, s'il parvenait à révéler l'entièreté de son offre sans soulever de soupçons, l'investissement qu'il offrirait à Falias serait tel qu'il viendrait à pouvoir y agir presque comme bon lui semblerait. On ne jette pas en prison un homme qui mise une telle fortune sur le développement d'une région si peu attrayante, quelques que soient ses activités parallèles.
    Plus tard, plus tard. Restons concentré sur cette première approche.


     Alors qu'elle terminait son discours, le riche Idyen se leva, délicatement, puis fit quelques pas à gauche de son siège pour se donner le temps de réfléchir. Comment débuter sa réponse pour qu'elle ait l'impact escompté ? Puis il revint vers son fauteuil, mais au lieu de s'y rasseoir, il se plaça derrière, les mains posées sur le dossier. Il prenait ainsi le dessus de manière physique, la jeune femme étant restée assise. Cela ne passerait pas inaperçu, mais il ne devait pas perdre le contrôle de l'échange. D'un ton décidé, mais calme et plutôt doux, il reprit la parole :

    - Pourquoi croyez-vous qu'un homme tel que moi prenne la peine de venir jusque dans cette contrée reculée, alors qu'il a déjà tout ce qu'il lui faut loin d'ici, dans des régions bien plus agréables ? Vous connaissez la réponse, c'est évident : je cours après l'argent, et je veux être le premier sur la lignée d'arrivée de Falias.
    Voyez-vous, je n'ai jamais été le premier. Je viens du peuple, de la plèbe, et j'ai grappillé chaque place une par une pour parvenir en quelques années seulement dans le peloton de tête. J'ai pris des risques pour cela, des tas de risques, et aujourd'hui me voilà ici.
    Alors qu'ai à y gagner ? Telle est votre question : qu'est-ce qu'un homme de mon engeance peut bien avoir à faire de quelques balles de fourrures revendues à la capitale ? Cette interrogation est légitime.
    J'ai gravi les marches une par une pour bâtir ma fortune. Mais plus on monte, plus les contremarches sont hautes et plus il est difficile de continuer à progresser. On commence par investir quelques Caeli pour espérer repartir le lendemain avec la moitié de plus. Moi j'en suis à dépenser des dizaines de milliers, sinon des centaines,  à investir sur des années.
    C'est un projet de long terme que je vous propose, et ceux qui m'aident à monter sont toujours récompensés. Pas par moi, mais par le fruit de leur labeur. Les gains ne sont jamais unilatéraux.

    Selden lâcha sa cathèdre, joignit de nouveau ses mains, derrière son dos cette fois, puis entreprit de faire lentement les cent pas, le regard légèrement tourné vers le bas, le tout devant faire penser qu'il n'était plus aussi sûr de lui, qu'il prenait un peu de recul.
    - Mon idée est inédite, et elle peut ne pas aboutir. Mais si vous me laissez tenter ma chance, et que cela fonctionne, je vous assure que je n'oublierai pas à qui je dois mon succès. Je vous ai parlé des perspectives nouvelles qui pourraient s'ouvrir si notre petit accord devenait une réussite. Si cela devait arriver, sachez que je serai le premier à revenir vers vous, à investir de nouveau dans vos projets, et ce que j’attends, c'est que vous ne me fassiez pas uniquement confiance cette première fois, mais que vous sachiez qui appeler en premier si d'autres projets venaient à se profiler. Les bénéfices seront partagés je vous l'assure. Et si cela m'est possible, je ne m'arrêterai pas au commerce des fourrures, soyez-en assurée.

    La balle n'était plus dans son camp désormais. Il avait fait tapis, toutes ses cartes posées face visible, sauf, bien évidemment, celles qu'ils gardait encore cachées dans sa manche. Il ne lui restait plus qu'à espérer que son interlocutrice ne le laisse empocher sa mise.
    Sa voix se taisant il s'était rassit. Il regardait la chevalière avec dans les yeux un air interrogateur.  Comment vas-tu réagir face à une telle somme, Thae Helvall ? pensa-t-il. Une fois qu'il aurait sa réponse, il saurait pleinement qui il avait en face de lui...


Spoiler:
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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 14/3/2018, 01:02 ►
En descendant du train
“Price is what you pay.
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La chevalière observa les réactions de son invité avec attention. Il avait l’air de pouvoir passer d’une émotion à une autre quand cela lui chantait. C’est pour cela que tout le monde détestait les marchands. Bien trop rusés pour le commun des mortels. Avec calme, il l’écouta sans l’interrompre, sans montrer d’offense face à ses questions, ni de surprise. Prenant ses aises, il se leva avant que la jeune femme n’eut terminé ses propos. Sa voix ne vrilla pas, mais elle le suivit du regard, avant de se taire. Indéniablement, il maitrisait le langage du marchandage, que ce soit par les mots ou par le corps. Heureusement pour elle, elle avait appris auprès des plus hautes sphères de la politique de Caelum, et n’était pas sans atout face à ce stratège du marché.

Thæ tiqua légèrement, sans rien laisser paraître, lorsqu’il commença sa réponse par parler de Falias. Néanmoins, il s’était contenté de parler d’une « contrée reculée », ce qui la détendit légèrement. Elle avait l’habitude d’entendre des insultes cordiales à l’égard de son pays proférées par les habitants des autres régions, qui bénéficiaient d’un climat généreux et d’une situation plus prospère et stable que celle de Falias. Peut-être était-ce parce que le jeune marchand n’était pas originaire de Majoris.

Sa réponse, plus appropriée à une scène de théâtre qu’à des négociations, amusa la jeune femme, qui se garda bien de le montrer. Le marchand mettait en avant ses origines populaires, son ascension fulgurante au sein d’un métier dans lequel il était très rare de percer à partir de rien. De cette manière, il lui montrait qu’il n’était pas personne, et que ses objectifs n’étaient pas secrets, puisqu’ils devaient servir son ambition.  Enfin, c’était ainsi que Thæ l’interprétait. La chevalière n’aimait guère les personnes qui parlaient du peuple pour mieux parvenir à leurs fins.

Insondable, elle l’observa se mouvoir, en silence, soulignant ses paroles de quelques hochements de tête, sans pour autant changer de position. Elle ne détournait pas son regard du sien, n’appréciant pas qu’il se place ainsi en position de supériorité. Pourtant, il se mit à faire les cents pas devant son bureau. La jeune femme suivait ses lentes allées et venues des yeux, tentant de sonder son visage, qu’il maintint baissé un moment, avant de reprendre avec une certaine ardeur. Elle se retint de pousser un soupir – les marchands. Elle voyait clair dans son jeu, et ne tenait pas en grande estime les jolies paroles. Parfois, les actions valaient bien mieux que trois heures de négociation. A ses yeux, il avait répété beaucoup trop de fois le mot « assurer » pour paraître sincère.

Néanmoins, ses propos étaient loin de manquer d’intérêt. Falias avait tout à gagner, et pas grand-chose à perdre, de cette transaction. Mais elle avait l’impression de se faire acheter, et ne voulait pas donner l’impression d’être quelqu’un que l’on manipule facilement. Peut-être avait-elle ses ambitions pour la région, mais elle n’était pas désespérée au point d’accepter une proposition beaucoup trop belle pour être dénuée d’une contrepartie, quoiqu’il puisse en dire.

La chevalière s’avança et appuya ses coudes sur la pierre froide de son bureau, et posa les mains à plat sur ce dernier, sur le sous-main de cuir. Elle jeta un regard acéré au marchand, qui s’était rassis, et pris un peu de temps pour calculer sa réponse, sans détourner les yeux.

Malgré ses belles paroles, elle était incapable de lui faire confiance aveuglément, comme il le demandait. Qu’importe que les bénéfices soient partagés, s’il devait y avoir une contrepartie de dernière minute. De plus, la jeune femme n’avait pas écarté la possibilité qu’il pouvait être un instrument des hautes sphères de Majoris. Or, il était bien connu que la capitale n’avait de cesse d’agir contre Falias et son commerce officieux. Thæ était parfaitement consciente de ne pas pouvoir se permettre de perdre se pourquoi Deyris se battait, d’une part parce que c’était là son devoir, et qu’elle mettait un point d’honneur à l’accomplir, malgré sa noirceur, et d’autre part parce que la dirigeante ne serait pas la seule à tomber dans la disgrâce.

D’une voix froide, elle prit la parole après un certain moment de silence, laissant volontairement une légère tension s’installer.

— Ecoutez, je vais vous parler franchement , elle fit mine de vouloir laisser ses paroles agir quelques secondes. Votre proposition, vous le savez aussi bien que moi, n’est pas sans intérêt pour Falias, et au vu de ce que vous offrez, ce serait absurde de ma part de refuser tout accord avec  vous. Au-delà des quelques détails qu’il reste encore à régler, quelque chose me dérange, monsieur Vestrit.

La chevalière se redressa sur son siège, se tenant parfaitement droite, et le toisa avec suffisance.

— Que désirez-vous réellement ? Si vous voulez que je vous accorde ma confiance, je poserais cette unique condition : que vous soyez sincère avec moi. Rien ne sortira de cette pièce, mais je refuse d’être surprise par vos actions futures, et encore moins de voir Falias se compromettre dans des actions qui ne lui apporteraient que la ruine.

Remettant sa tresse en place, la jeune femme se leva et se planta devant la fenêtre derrière elle, faisant toujours à moitié face à son hôte.

— Vous n’êtes pas quelqu’un qui agit par hasard, monsieur Vestrit , commença-t-elle en plantant son regard glacé dans le sien, avant de continuer : néanmoins, les stratégies commerciales n’ont pas leur place dans un endroit rude comme celui-ci. Nous n’aimons pas les cachotteries, et les imprévus non plus.

Loin d’être le genre de parole que l’on entendait lors de négociations commerciales, elles étaient plus approprié au moment crucial d’une alliance politique. La chevalière avait décidé d’abattre la carte de la franchise, comme elle l’avait déjà fait lors de rencontres diplomatiques. Elle ne mentait pas sur le fait que son peuple refusait d’être regardé de haut pour mieux être berné. Et, surtout, elle ne changerait pas d’avis avant d’entendre les véritables objectifs de Selden Vestrit, qui savait manier l’art du marchandage comme personne, et qui était loin d’être un innocent plébéien au service du développement régional.

Thæ revient à son bureau, s’appuyant d’un poing ferme contre ce dernier, sans se rassoir, inversant ainsi les rôles, fixant de nouveau les yeux de son hôte, pour jauger ses réactions. L’homme qui lui faisait face était-peut être habitué aux transactions commerciales, mais elle avait ainsi replacé la balle dans son camp. Sur le champ de bataille. Et sur ce terrain-là, elle était maîtresse des cartes, refusant de n'être qu'un vulgaire pion dans l'obscur jeu du marchand. Elle aurait voulu sourire, mais conservait son masque de glace.

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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 14/3/2018, 22:32 ►
Elle aurait pu accepter. Elle aurait dû, c'eût été plus simple pour chacun d'eux. Trop simple. Dans  une telle situation, Selden aurait dit oui. Il n'aurait pas pu résister à une telle offre. Le risque était grand, certes, mais les prendre tous était sa marque de fabrique. Il aurait ensuite trouvé le moyen de doubler son associé.
    Elle aurait pu refuser. C'eût été compréhensible. Autant d'argent en perspective, cela cache forcément quelque chose – elle ne s'y trompait d'ailleurs pas. Mais l'appât du gain avait outrepassé la raison. Ce qui se disait dans ce bureau était inespéré, aussi la jeune femme avait-elle choisit une autre voie.
    Elle hésitait. Cela se lisait sur tout son corps. Elle était tiraillée entre deux extrêmes : empocher l'argent au risque de se faire avoir - et pas seulement elle, mais tout Falias avec - ou refuser et regretter par la suite.
    Ou refuser et aller trouver quelqu'un d'autre pour prendre ma place. Seulement nul n'est aussi fou que moi pour tenter une telle chose...

    La riposte de la jeune femme avait bien montré ces deux extrêmes. Elle ne niait pas l'intérêt que l'Ouest pourrait trouver en travaillant avec Selden. Un point pour lui : elle n'était donc pas fermée, pas encore. Et le simple fait qu'elle ait conscience des gains potentiels allaient en faveur de l'Idyen. Si cette idée faisait son chemin elle pourrait renverser toutes les autres.
    Mais, parallèlement, elle ne lui faisait pas assez confiance pour céder aussi facilement. Elle était prudente, très prudente, trop même au goût de Selden qui se demandait comment quelqu'un d'aussi circonspect avait put rejoindre la chevalerie. Ne fallait-il pas être courageux, oser se jeter à l'eau, pour emporter un combat ? Il se rendit alors compte qu'il avait sous estimé son adversaire. Il n'avait pas prit le temps de se renseigner sur elle  auparavant, malgré les quelques rapports qu'il avait vu défiler sous ses yeux à son sujet, sans prendre la peine d'y accorder son attention.
    Il avait été certain qu'une chevalière bourrue venue de l'ouest serait facile à séduire, qu'il suffirait de faire tinter une poignée de pièces d'or pour parvenir à ses fins. Or il avait devant lui un mur que ses coups avaient du mal à faire trembler.
    Patience, persévérance ! Sors une première carte de ta manche, observe, et agis en conséquence. La partie est loin d'être terminée...

    Thae Helvall avait inversé les rôles. C'était elle qui se tenait debout désormais. Elle apprenait vite : quelques années encore et elle pourrait devenir une commerçante avisée ou une négociatrice de premier plan. Mais elle faisait une erreur cependant si elle croyait que le marchand n'avait pas calculé son coup. En se levant avant elle, il lui avait montré l'exemple. Il lui avait fait comprendre ce que c'était d'être en position d'infériorité. Elle pensait peut-être en faire de même et reprendre la main. Mais une personne debout qui ne sait pas à quoi s'attendre tombe de plus haut si un coup bas fait trembler ses fondements.
    Selden décida de sortir une première carte du fond de sa manche, deux en fait. Avec précaution, il sortit deux lettres d'une de ses poches intérieures. Tout en les posant l'une à côté de l'autre sur le bureau de marbre, il annonça :

- Je vous ai amené deux petits présents. Les lettres que vous voyez ne m'étaient pas adressées, mais j'ai des amis qui ont été en mesure de me les procurer. Ils y ont vu une menace pour moi, et donc pour eux. Vous verrez en les lisant qu'elles me concernent, j'en suis même le principal objet. A moins que ce ne soit Falias ? Je vous laisse juger par vous même.
    Et il se rassit au fond de son siège, laissant  à la chevalière le soin de lire ces deux missives.

Première lettre:


Deuxième lettre:

    Selden laissa à la chevalière le temps de lire ces lettres, mais pas celui de réfléchir à leur propos. Tout de go, il dit :
    - Je connais bien ce Javieri. C'est l'homme le plus riche d'Idye, mais aussi le plus assujetti à la capitale. Il n'a aucune preuve à apporter concernant mes soi-disant lien avec le marché de la drogue, et ce pour une simple raison : il n'y a pas de tel lien ! Il est jaloux de mon succès, il a peur pour sa place et n'hésite pas à vous mêler à ces accusations sans queue ni tête ! Aviez-vous jamais entendu parlé de moi auparavant ? Croyez-vous qu'un baron de la drogue serait inconnu de vos instances dirigeantes ?
     A propos de Rincors, inutile de s'effrayer. J'ai mené une petite enquête et il s'avère qu''il n'a pas de lien d'importance avec les membres du gouvernement. C'est un simple conseiller qui joue à manigancer pour obtenir quelque menue monnaie en échange. Mais peu m'importe que son siège soit si bas placé !
    Ils me traitent de manant, de rat puant, et osent me calomnier ! Je ne le tolèrerai pas ! Et vous, laisserez-vous ces gens insulter votre peuple sans riposter ?
     Voilà ce que je veux ! Riposter ! Répondre à leurs menaces. Et dans leur idiotie il m'ont indiqué comment agir pour le faire : "Qu'il aille dans l'ouest s'il le veut." Eh bien me voilà ! Je veux leur couper le souffle, leur montrer que le rat puant peut même réussir là où personne n'aurait imaginé y gagner. Ils nous croient seulement bons à produire et revendre ces substances ignobles : prouvons leur le contraire, ensemble.
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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 15/3/2018, 09:10 ►
En descendant du train
“Price is what you pay.
Value is what you get.”
Thæ attendit patiemment la réponse du marchant assis devant elle. Celui-ci était loin d’en être à sa première négociation, et ne se laissa pas ébranler par l’attitude de la jeune femme. Elle était ravie, au fond d’elle, d’avoir trouvé un adversaire pour une joute verbale des plus étranges, dont l’objectif semblait les dépasser. Elle l’observa siller légèrement. Il ne devait pas s’attendre à cette réaction, qui eut l’effet attendu. Il avait cru pouvoir faire de la chevalière un simple pion dans ses manigances, et s’était mis le doigt dans l’œil.

Certes, Falias n’avait pas bonne réputation, et tous les étrangers débarquaient dans la région en croyant avoir face à eux des barbares illettrés facile à manipuler. Tous repartaient la queue entre les jambes, et quelques dents en moins – si l’analphabétisme et la stupidité étaient des préjugés, la violence n’était jamais loin, dans une contrée aussi austère.

D’un œil méfiant, Thæ observa le marchand déposer sur son bureau deux lettres rédigées sur des feuilles de parchemins usées. Elle reporta son attention sur ces dernières, les saisissant pour les lire, tout en restant droite, vérifiant aux passage leur authenticité en les manipulant.

La première missive lui donna envie de la déchirer en petit morceaux, jusqu’à ce qu’il n’en reste que des confettis. Or c’était le dernier endroit où elle pouvait agir de la sorte, et il s’agissait de pièces importantes. Le marchand était rusé, très rusé. Elle savait devoir agir avec prudence. Elle nota mentalement le nom de son auteur, « Rincors », un soit disant conseiller économique, dont le nom ne lui était pas familier. Au-delà des insultes proférées tout au long de la première missive, quelque chose attira l’attention de la jeune femme. Selden Vestrit était une menace pour Majoris, et avait donc des ennemis hauts-placés, parmi les politiques comme les marchands. Elle lui jeta un regard en biais, avant de lire d’un trait la seconde lettre. Celle-ci était bien plus virulente que la précédente, et montrait clairement que l’hôte de la chevalière était loin d’être apprécié de tous – comme tout bon marchand qui se respecte, me direz-vous. De plus, cette missive-ci ne lui apprenait rien de nouveau sur la situation concernant les relations entre Falias et Majoris. En effet, la seule chose que cette correspondance apportait à Thæ, c’était des informations sur les faiblesses du marchand. Elle ne laissa rien paraître de ses pensées, et conserva son impassibilité de roche, avant de reporter son regard sur le marchand, tandis qu’il reprenait le monopôle de la parole.

La chevalière le trouva soudain très exposé, comme un adversaire laissant entrevoir une ouverture. Lors d’un combat, elle se serait permise d’esquisser un sourire, mais ne s’y risqua pas face à son interlocuteur, lui laissant la liberté de s’exprimer autant qu’il le souhaitait.

Le marchand aux cheveux dorés disait vrai : s’il avait fait partie des petits papiers de la dirigeante de Falias, Thæ le saurait, puisqu’elle avait, à son grand dam, l’obligation de tremper ses mains diaphanes dans les affaires concernant le marché noir. De plus, il aurait été reçu par Deyris en personne, qui s’était d’ailleurs justement déplacée hors de Sedna pour s’assurer que tout se déroulait selon ses plans. Elle hésitait à nier l’existence de tout commerce officieux, mais cela n’aurait servi qu’à la décrédibiliser, d’autant plus qu’elle lui avait demandé d’être sincère avec elle.

Elle attendit patiemment qu’il ne finisse sa tirade vibrante d’émotion, et s’éclaircit le voix, les mains croisées dans le dos.

— Si j’ai bien compris, monsieur Vestrit, je dois croire sur parole des missives que VOUS m’avez apportées, et croire l’enquête que VOUS avez menée sur ce… Rincors ? Excusez-moi, mais cela me semble beaucoup demander.

Elle posa ses deux mains à plat sur le bureau et le darda de toute sa hauteur, sa tresse argentée tombant le long de son épaule dans un bruit feutré.

— Vous savez ce que je vois, dans ces missives ? demanda-t-elle de manière purement rhétorique. Je vois que vous êtes un homme qui a quelque chose à perdre. Au hasard : votre fortune, votre réputation, peut-être même votre vie. Ce n’est pas un marchand venu de la plèbe qui va s’opposer aux gens de la trempe de Rincors et de Javieri, peu importe l’empire que vous avez bâti.

Thæ marqua une pause.

— Falias n’a rien à perdre, dans cette affaire, mais vous oui. Or, dans cet affrontement, entre vous et les grands de Majoris, se trouve Falias.

La chevalière se détendit, et se redressa, croisant à nouveau les bras dans son dos, posant son regard sur la neige qui recouvrait les toits de la petite ville de Sedna. La ville était fragile, comme toute sa région. Et pourtant, elle était bien la seule à s’opposer à la suprématie de Majoris. Moquées de tous, c’était pourtant bien les « barbares » de cette région reculée qui faisaient trembler les hautes sphères de l’auto-proclamée capitale. Seule Deyris continuait de refuser de se soumettre à l’hégémonie du Sud.

— Vous comprenez que nous ne pouvons pas nous permettre de ratifier un accord avec vous, si nous n’avons pas la certitude que Majoris ne s’en servira pas comme d’un prétexte, non pas en nous accusant d’étendre notre commerce, cela n’aurait pas de sens, mais en précipitant votre chute, et ainsi la nôtre.

La jeune femme se retourna vers son hôte pour le toiser à nouveau.

— Je suis certaine que vous avez conscience des tensions entre nos deux régions, si vous êtes ici pour jeter de l’huile sur le feu, je vous serai grée d’aller régler vos différents en dehors de Falias. Votre égo en a peut-être pris un coup, dans ces lettres, mais réagir de la sorte ne vous apportera rien de bon. Et je ne vois pas l’intérêt de m’allier à quelqu’un qui agit par rancœur.

Elle s’appuya sur le bord du bureau, et observa à nouveau la correspondance apportée par le marchand.

— J’admire votre ambition, monsieur Vestrit, de même que votre impressionnante ascension. Mais je ne peux me résoudre à accepter que Falias ne devienne l’instrument provisoire de vos objectifs.

Elle osa le fixer d’un regard un peu plus chaleureux, en un changement à peine perceptible.

— D’un point de vue personnel, mes valeurs chevaleresques voudraient que je défende votre cause. Mais l’argent peut faire le bonheur comme la ruine de celui qui le manipule, et je ne peux, actuellement, prendre part à ce projet. Vous allez avoir besoin de bien plus de cartes, si vous voulez me démontrer que je peux placer en vous les intérêts de Falias. Telle que vous la présentez jusqu’à présent, votre proposition est bien trop dangereuse pour nous, car nous n’avons pas les moyens de nous opposer aux grands de Majoris, et, comme vous venez de le souligner, VOUS avez été calomnié. Pour Falias, pour son peuple, c’est une habitude, et non plus un motif de vengeance.

Par ces missives, il lui avait exposé un point faible : lui aussi nécessitait cette alliance commerciale, par principe, pour défendre son honneur, mais aussi parce qu’au fond de lui, la chevalière était certaine qu’il envisageait la possibilité que quelqu’un s’intéresse à une idée folle comme la sienne, et ne lui prenne sa place de « pionnier ». Ce serait le comble du déshonneur, pour un marchand, puisque cela serait signe d’échec, et diminuerai sa réputation et son influence.

La chevalière menait ces négociations comme la guerre, n’hésitant pas à faire preuve de franchise. Néanmoins, elle voyait un véritable potentiel dans cet arrangement, et s’en voudrait de passer à côté. Le but de la jeune femme était maintenant de faire comprendre au marchand qu’elle n’était pas dupe face à ses tactiques rhétoriques, et qu’elle ne se contenterait pas de lui lécher les pieds pour obtenir une part convenable de ce marché au nom de Falias.

Thæ craignait que l’assurance de cet Icare aux cheveux de blé ne brûle ses ailes coulées dans un or durement gagné, tirant Falias à sa suite, dans son agonie.

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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 15/3/2018, 20:41 ►
Selden était stupéfait de la réaction de son interlocutrice. Il s'était peut-être trop enflammé dans sa dernière tirade. Sa nature sanguine était parfois difficile à réprimer. Elle avait du mal à accorder sa confiance à quelqu'un d'aussi acculé que lui et il fallait désormais adoucir le ton, revenir à un échange calme et réfléchi, reprendre le contrôle et reprenant cet échange à sa base.
    Néanmoins le marchand ne pouvait s'interdire de répondre à la dame. Il ne pouvait pas la laisser croire que lui seul était en danger. Elle  n'était pas au fait de tous les détails qu'insinuaient ces lettres. Elle y voyait simplement les conséquences des manœuvres d'un commerçant peu scrupuleux qui craignait les conséquences de ses actes passés. Elle le pensait incapable de clouer le bec de Rinconrs et Javieri et elle se trompait, évidemment. Nul n'était plus à même de le faire que Selden Vestrit. Il n'en était pas à son coup d'essai et n'entendait pas s'arrêter là sans s'être donné la peine de tenter le coup. Il avait bien trop à y gagner, et bien trop peu à y perdre en réalité, pour pouvoir se permettre de laisser passer l'occasion.
    Cette Thae  Helvall le pensait fini. Elle risquait de tomber de haut d'ici peu. Mais Selden devait garder le meilleur pour la fin. Bien assis dans son fauteuil, feignant le malaise qui prend un homme venant de dévoiler ses faiblesses, il continua sur  cette voie. Il fallait qu'elle pense avoir le dessus et la maîtrise de la situation, qu'elle croie que ses quelques fourrures sans allure constituaient la dernière chance de Selden avant sa chute. Il replia les lettres avant de les replacer soigneusement dans sa poche, puis, d'un ton calme, presque de celui d'un homme soumis et désespéré, il répondit :

- Dites moi, dame Helvall, s'ils mènent l'enquête dont il est  question dans ces lettre, s'intéressent à votre dirigeante et s'aperçoivent qu'elle trempe dans le commerce de stupéfiants que se passera-t-il ? Je doute qu'elle y soit réellement impliquée, mais le fait qu'elle laisse faire – ce dont je ne doute absolument pas en revanche, j'ai mes sources - pourrait lui porter préjudice. Nierez-vous fermer parfois – souvent même - les yeux sur ces affaires illégales ? Comment serait-il possible, sinon, de pouvoir se procurer aussi aisément ces multiples plantes séchées dans tous les villages d'Idye ? Vos gens sont-ils donc des bons à rien pour que leur douane laisse filer autant de marchandises sans s'en apercevoir ? Je ne le crois pas. Mais si Majoris découvre la moindre preuve de cette négligence voulue mais cachée, ils feront tomber Deyris Keruto, vous avec, et mettront à sa place un de leurs pions. Qui restera-t-il alors pour protéger Falias ?
    Or donc je suis là, prêt à vous proposer de développer une nouvelle branche, et certainement d'autres après, pour vous défaire de vos liens avec le marché noir. Si nous agissons suffisamment vite, vous n'aurez bientôt plus nécessité de feindre de n'avoir aucun rôle – fût il celui de de spectateur muet – dans ces sombres échanges si juteux, et qui ne manquent pas de remplir les caisses de quelques uns de vos habitants. Offrez donc leur de l'argent propre, et nous auront tous à y gagner.
    Je suis leur cible principale, certes, mais comme vous avez pu le lire, ils entendent s'intéresser à vous pour me faire tomber, et croyez-moi, ils ne feront pas dans la dentelle. Ils ne verront aucun inconvénient à faire tomber Keruto avec moi, bien au contraire. Il nous faut donc être solidaires. C'est du moins mon point de vue. Construisons notre défense ensemble, soyons irréprochables dans cette entreprise et alors seulement ils ne pourront plus nous atteindre.


    Le jeune homme laissa un court silence planer entre eux. L'un de ses sourcils s'était arqué. Il voulait arborer cette expression interrogatrice. Qu'avez vous à répondre à cela ?
    Mais c'était encore à lui de parler. Il ne fallait négliger aucun détail avant de laisser la parole une nouvelle fois.

- Vous dites être habitués à leurs insultes envers vous, mais n'avez-vous jamais rêve leur prouver qu'ils se trompent ? Imaginez leurs têtes quand ils prendront conscience que Falias n'est plus à négliger, que cette région compte finalement comme un pion d'importance sur l'échiquier de ce monde ? Ils voudront tous alors en avoir leur part. Il viendront bien vite gratter à votre porte. Que ferez-vous alors ? Leur ouvrirez vous pour accueillir, la bouche en cœur, ceux qui vous ont conspués et négligés depuis tant de générations ? Ou leur rirez-vous au nez en sachant que vous avez déjà à votre disposition les partenaires qu'il vous faut ?

    Selden se leva, laissant croire qu'il tentait, sans y parvenir totalement, de revenir sur un même pied d'égalité.
- Vous doutez de moi, je le sais. Vous vous imaginez que les conditions que j'ai à vous proposer ne feront gagner que moi. Vous avez raison d'être prudente, mais vous savez aussi pertinemment que suis le seul capable de vous proposer un tel bénéfice à venir.
    Mais votre répugnance à me faire confiance est tout à fait compréhensible. Pour que cet échange soit fructueux, il faut qu'il aille dans les deux sens. Je vous apporte mes idées, mon argent et les informations dont je dispose, en espérant que nous arrivions à avoir la même lecture de la situation actuelle. Mais quelles sont vos conditions, alors ? Comment voulez-vous que j'use de ma fortune pour aider Falias à se développer ? Quelles clauses souhaitez vous voir apparaître sur le contrat que nous pourrions signer ?

    Après avoir débuté ces négociations en se présentant comme celui qui impose sa loi, Selden effectuait désormais un virage à cent quatre-vingt degrés. Elle le croyait faible désormais, en danger. Bien. La chevalière pensait certainement qu'elle pouvait faire pression sur le marchand, lui imposer ses conditions. Ils en viendraient donc bientôt à parler de choses concrètes.


PS:
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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 16/3/2018, 12:11 ►
En descendant du train
“Price is what you pay.
Value is what you get.”
La chevalière observa la réaction du marchand. Il eut l’air surpris par la répartie offerte par la jeune femme. Elle l’observa réfléchir, sachant pertinemment que l’homme ne se laisserait pas ébranler par ce simple échange un peu houleux. Toute son attention était revenue sur le jeune homme, aussi, elle se se redressa et croisa les mains dans son dos, consciente de la nécessité de radoucir le ton de leur conversation. Thæ regarda les traits de Vestrit changer, pour n’afficher qu’un air dévasté, et, incapable de déterminer s’il bluffait ou non, elle se contenta de l’observer avec attention. Elle appréciait la lueur qui animait le regard du marchand : à la fois force, par son ambition, et faiblesse, par la dangerosité des actions qu’elle pouvait le pousser à entreprendre. Lorsqu’il ouvrit la bouche, son discours assuré et maîtrisé tranchait complètement avec son attitude déconfite, mais elle l’écouta attentivement.

Thæ aurait pu ricaner, mais elle s’en garda bien. Son visage ne changea pas, mais elle aurait voulu rétorquer « mais c’est déjà le cas, monsieur Vestrit, tout le monde est au courant », mais se méfiait encore trop du commerçant pour laisser échapper ce genre de remarques à la légère. Elle n’était pas encore certaine qu’il ne s’agissait pas d’un espion de Majoris ayant pour but de la faire confesser des paroles qu’elle regretterait amèrement. Quelques phrases plus loin, elle manqua de s’étrangler. Comment dire, elle ne se contentait pas de fermer les yeux, mais participair, avec Deyris, au bon fonctionnement du marché illégal. Mais elle ne laissa rien paraître, ravie que ce genre d’information ne soit pas arrivée aux oreilles du marchand, et donc, à celles des puissants de Majoris. En tous cas, la chevalière ne se faisait aucune illusion : les enquêtes étaient en cours, et c’est bien pour cela que cette proposition, qui semblait tomber du ciel, lui semblait quelque peu louche.

Encore une fois, la chevalière aurait souri s’ils n’avaient pas été au beau milieu d’un échange commercial. « Offrir de l’argent propre » aux habitants de Falias ? Se « défaire du marché noir » ? Deyris n’accepterait jamais d’interrompre le commerce noir, fut-ce-t-il au prix de sa tête. Cette femme était crevée d’ambition, elle aussi, et ne semblait avoir pour but que la défiance de Majoris, et la défense de Falias. Or, c’était quelque chose dont peu de gens avaient conscience. Pour beaucoup, la dirigeante de la contrée enneigée se contentait de tolérer le marché noir, et n’avait pas la force nécessaire pour le maîtriser et le supprimer, alors qu’en réalité, elle était l’une des têtes pensante du commerce illégal.

Néanmoins, il marquait un point. Ces échanges montraient une certaine intensification de l’agacement des gens de Majoris, et Deyris comme Thæ ne pourraient pas se reposer indéfiniment sur l’incompétence des informateurs de la capitale. De plus, son sang chevaleresque ne pouvait s’empêcher de bouillir à l’évocation du funeste destin de Falias.

Le marchand était un adversaire rusé, elle avait du mal à discerner le vrai du faux, dans ses paroles et ses tons. « Ensemble », voilà maintenant deux fois qu’il employait ce mot. D’après son expérience, c’était le terme des politiques et des amants, celui des menteurs, en somme. Se jouait-il d’elle, ou demandait-il sincèrement une alliance d’intérêt, pour faire d’une possible chute un moyen d’ascension sans pareille ? Elle n’en avait aucune idée, et plissa les yeux tandis qu’il reprit la parole.

La suite de sa tirade la laissa pensive. Non pas qu’elle n’ait jamais envisagé cette possibilité, mais l’occasion ne s’était jamais véritablement présentée, puisque Falias n’avait jamais eu la force officielle pour s’opposer à Majoris, et se contentait de le faire depuis l’ombre de ses bois. La remarque du marchand devait avoir pour but d’exhorter la chevalière à faire le grand saut et dire « oui ! », l’acclamant presque comme le salvateur de Falias. Il n’avait peut-être pas tort, et apportait une belle et séduisante solution à notre conflit avec Majoris, mais ce n’était pas assez pour la convaincre. Il avait toutefois raison : les hautes sphères de la capitale se retrouveraient dépendantes de la « misérable » région de Falias pour satisfaire leurs besoins. D’un geste machinal, Thæ caressa la fourrure qui recouvrait sa cape de garde, et qui serait peut être l’instrument de l’élévation de la contrée de l’Ouest. Néanmoins, tout ceci lui paraissait beaucoup trop simple et trop beau.

Elle observa le marchand se relever, pour se mettre à sa hauteur, revenant ainsi sur le devant de la scène. Elle fut surprise par les mots du marchand, qui semblait avoir l’habitude d’être regardé avec méfiance et condescendance. Encore une fois, l’homme avait raison, Falias comme lui avaient des intérêts convergents, et son idée était largement capable de porter ses fruits. La fin de sa tirade surpris de nouveau la jeune femme, qui du réfléchir un moment avant de pouvoir lui apporter une réponse digne de ce nom, et de cette négociation. Il avait parlé pendant un moment, comme tout bon marchand qui se respecte, et elle choisit de commencer par l’interrogation la plus récente.

Après avoir pris une grande inspiration, Thæ s’approcha à nouveau de la fenêtre. La neige tombait à gros flocons. Elle parla ensuite d’un ton calme, mesurant ses propos :

— Si nous arrivons à la signature d’un contrat, mes conditions seraient les suivantes : que votre nom ne figure à aucune étape des transactions, les rumeurs iront vites, mais les preuves seront absentes, je suis persuadée que cela en énerverait plus d’un, à Majoris. Ensuite, je souhaiterais, au nom de Falias, qu’après une période d’essai à la capitale, notre exportation, en cas de succès, s’oriente vers les autres régions, et plus particulièrement Idye. Etant originaire de cette région, vous n’êtes pas sans ignorer que les marins sont exposés aux vents du lac, et des manteaux chauds pourraient les soulager du froid. Je vous demande donc d’ouvrir deux champs de commerce ; un luxueux, réservé aux excentriques de Majoris, et un autre purement pratique, pour les compagnies professionnelles. J’attends bien sûr que vous me donniez votre avis sur la question, vous connaissez sans doute mieux Idye que moi. Pour finir, il me semblerait normal que le prix d'achat aille de pair avec celui de revente. Je suis certaine que, si tout se déroule selon vos plans, vous ferez de monstrueux bénéfices, peu importe le prix d'achat de la matière première.

La chevalière marqua une pause.

— Vos conditions, énumérées plus tôt, seront acceptées. A savoir, le monopole du commerce et la confidentialité des transactions. Vous êtes un marchand éclairé, monsieur Vestrit, et je suis certaine que vous saurez apporter à Falias la renommée qui lui fait défaut, quitte à nous nous retrouvions dans le même bateau bringuebalant.

Elle lui jeta un regard en biais, lourd de sens.

— Mais faites bien attention à mesurer votre ardeur, certains ont visiblement l’intention d’en profiter. Elle soupira, avant d’ajouter : de même que pour Falias. Si nous allons vers un commerce sur le long terme, il nous faudra user d’une grande prudence, puisque, diplomatiquement, Majoris ne tardera pas à faire savoir son mécontentement. C’est d’ailleurs pour cela que je vous demande de vous engager sur le papier à mes côtés, et non à ceux de ma dirigeante.

Aux yeux de Thæ, Deyris avait bien assez de poids à porter au nom de Falias, et d’elle-même, pour s’encombrer d’un accord commercial qui pourrait tout aussi bien la mener à sa perte. S’asseyant sur son siège, le jeune femme croisa les jambes, et posa ses mains sur les accoudoirs du fauteuil.

— Ce sont là mes seules conditions, je ne suis pas en mesure d’exploiter notre possible alliance, puisque comme je vous l’ai dit plus tôt, j’ai parfaitement conscience des bénéfices qu’une telle affaire pourrait apporter à Falias, et je ne compte pas vous faire tourner les talons avec des conditions exubérantes. Pour votre part, avez-vous d’autres conditions que vous n’avez pas portées à ma connaissance ? demanda-t-elle avec un regard sévère.

Elle se redressa et s’avança vers le bureau pour y poser ses coudes, et plaça son menton dans ses mains entrelacées.

— Gardez toutefois à l’esprit que ma dirigeante doit avoir connaissance des termes de cet accord, et il vous faudra donc attendre son retour. Cela signifie qu’elle peut vouloir y apporter des modifications, ou même le refuser. Je crains que vous ne soyez pas au bout de vos peines, monsieur Vestrit.

Il ne lui restait plus qu’à attendre la réaction du marchand. Se remettant droite sur son siège, elle espérait ne pas se tromper, en avançant vers l’acceptation de cet accord commercial.

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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 17/3/2018, 13:32 ►
Voilà, c'était plié. Tout n'était pas arrangé, bien entendu, mais Selden avait réussit son coup. En laissant croire à la chevalière qu'elle était désormais maîtresse de la situation, il l'avait amenée à énoncer d'elle même tout ce que lui désirait, et même plus. L'offre n'émanant pas directement de lui, elle croyait certainement contraindre le marchand, mais, bien au contraire, elle lui offrait même plus que ce qu'il aurait pensé, y ajoutant l'une de ses idées. Il n'avait pas pensé aux marins Idyens et devait bien avouer qu'un marché de cuir de qualité avait de grandes chances de se développer dans ce milieu.
    Alors qu'il l'écoutait lister les conditions de leur futur accord, Selden eut du mal à réprimer le sourire narquois que ses zygomatiques semblaient vouloir à tout prix afficher. Parvenant de justesse à garder un visage de marbre, il fit quelques pas devant le bureau, sa tête baissée acquiesçant faiblement à chaque fin de phrase. Il se permit un instant de relever son regard et de le diriger vers la fenêtre. La neige tombait dru, mais un timide rayon de soleil parvint à percer ce rideau blanc, éclairant pour un court instant la pièce d'un éclat flavescent, avant de s'éteindre aussi rapidement qu'il était apparut. Le soleil déclinant était bien bas de le ciel. Du temps avait passé, beaucoup même, et à une vitesse fulgurante.
    Cette négociation avait été des plus intéressantes, et Selden s'y était pleinement investi, accélérant de ce fait la prise du temps sur sa personne. En son for intérieur, il se réjouissait du cours qu'avaient pris les choses. Il avait même, à un certain moment, cru perdre la partie quand il avait annoncé n'être en rien versé dans le commerce des psychotropes. Cela avait pimenté encore un peu plus cet échange. Il savait à quel point la dirigeante de la région y était investie car lui même en tirait de juteux bénéfices. Mais sa couverture était parfaite. Sa conseillère n'avait jamais entendu parler de lui ce qui prouvait qu'il n'avait finalement laissé aucune trace. Il faudrait qu'il songe à remercier grassement ceux qui s'échinaient à les effacer toutes. Mais si une seule de ses empreintes avait été aperçue il aurait put tout perdre en une seconde. La chevalière n'aurait certainement pas plié aussi aisément s'il elle avait ne serait-ce que soupçonné qu'il lui ait menti. Peut-être même l'aurait elle dénoncé, ou arrêté sur le champs.

    Il avait donc écouté dame Helvall annoncer ce que lui considérait comme sa victoire du jour. Que son nom ne figure nulle part : bien, la surprise ne serait que plus grande quand ils seraient forcés de le citer pour justifier leur commerce. Javieri ne s'en remettrait jamais, et, elle avait raison, cela irriterait Majoris au plus haut point. Étendre le commerce des fourrures en Idye : de mieux en mieux, même si lui n'estimait pas nécessaire d'attendre en mettant en place une période d'essai. Cela marcherait, il en était sûr et certain. Mais soit, cette petite concession lui couterait bien peu. Ensuite, un prix d'achat calqué sur celui de la revente : quoi de plus normal pour un début ? Selden aurait par la suite tous le loisir de justifier une baisse du prix de la matière première si cela devait s'avérer utile, ce dont il doutait pour le moment.
    A cela elle ajouta encore monopole et discrétion : c'était tout ce qu'il désirait. Décidément, c'était trop facile. Selden pensa même qu'elle était peut-être en train de tester sa réaction, d'y déceler une faiblesse ou un aveu quelconque. Il prit donc le plus grand soin d'afficher un air résigné. Il lui fallait montrer qu'il acceptait sa défaite, n'ayant d'autre choix que de se soumettre aux décisions d'une autre pour espérer garder encore un tant soit peu la tête hors de l'eau. Restait à être convaincant. Il n'avait pas l'habitude d'arborer de telles expressions, usant bien plus souvent de son sourire d'homme victorieux. Mais le bluff était son plus grand talent, et il ne lui avait jamais fait défaut jusqu'ici. Discrètement, il croisa les doigts, priant pour que ce don continue de servir ses intérêts aujourd'hui encore. Il n'était plus très loin de la victoire mais il fallait encore tenir bon.
    C'est à ce moment la que la chevalière lui intima de "mesurer son ardeur" : elle ne s'imaginait certainement pas à quel point ses paroles étaient justes. Continuant d'agir selon ce conseil, il se contenta encore une fois de hocher la tête avec sérieux et résignation.
    La dernière des conditions le surprit un peu, cependant. Il ne s'était pas attendu à ce que la jeune femme s'engage elle même dans cette affaire. Qu'elle représente sa dirigeante, oui, mais qu'elle aille jusqu'à inscrire son nom sur le contrat ? C'était étonnant. Stupéfiant même. Cherchait-elle à doubler Keruto ? Ou bien la dirigeante de Falias avait-elle une telle confiance en sa conseillère qu'elle lui laissait carte blanche pour agir comme bon lui semblait lors de ces tractations ? La réponse ne tarda pas à venir. Keruto aurait tout de même le dernier mot. Elle souhaitait donc seulement se cacher, et sa chevalière devait lui être extrêmement fidèle pour oser s'exposer ainsi au probable courroux de Majoris. Selden le savait déjà, mais cet élément venait corroborer le tout : il n'avait pas n'importe qui en face de lui. L'engagement de Thae Helvall envers Falias était total, et cela expliquait pourquoi il avait été si difficile pour le marchand de débuter ces négociations. Le mérite qu'il ressentait à en ressortir vainqueur n'en était que plus grand.
    Pourtant, il ne pouvait pas se permettre de tout accepter sans rien ajouter. Cela paraitrait louche. Il devait donc se risquer à formuler quelques conditions, fussent-elles de pure forme, pour compléter le tableau. Il regagna son fauteuil avant de commencer sa réponse. Il mit dans sa voix ce qu'il fallait de résignation, relevée d'un soupçon d'espoir et d'optimisme, mais dans des proportions qui étaient censées rester convaincantes.

    - Entendu. S'il me faut attendre l'accord final de Deyris Keruto, je patienterai, même si je ne vous cache pas le caractère urgent de cette signature pour moi. Vous avez connaissance de la pression que font peser les menaces de la capitale sur mes épaules, et si vous voulez garder ouverte l'opportunité que je vous propose, il s'avère nécessaire de ne pas tarder à mettre en place le commerce dont il est question aujourd'hui. Il serait dommage en effet de perdre votre partenaire avant même d'avoir débuté les échanges.
    Concernant les conditions de notre accord, je n'y vois rien à redire. Vous avez clairement détaillé tous les éléments à prendre en considération, et les évidences qui en découlent ne me permettent pas de vous contredire sur ces points. Aussi mes exigences sont-elles purement pratiques.
    Si mon nom ne doit pas apparaître, il me semble évident qu'il ne me faudra pas être trop visible lors de mes visites ici. Je propose donc que la production, ou du moins la collecte des fourrures, se fasse en un point unique et facilement accessible par les moyens qui sont les miens. Un entrepôt situé sur les berges de l'un des fleuves de Falias se jetant dans le lac d'Aegir me semble idéal. Un simple trajet en bateau, sans que nul ne puisse m'apercevoir sera des plus pratiques à mon avis.
    Je demande également à pouvoir refuser les lots qui ne me sembleraient pas de qualité suffisante si d'aventure il devait en apparaitre de tels dans les stocks qui me seront proposés. Pour ce faire, j'aimerai avoir un droit de regard quant à la fabrication de cette matière première, et la possibilité de suggérer des modifications quand à la modalité de production. Cela implique des visites régulières de moi ou de mes émissaires sur place, afin de rendre compte du bon fonctionnement de cette industrie.
    Enfin, en plus du monopole demandé et que vous avez accepté, je souhaiterai qu'aucune limite de temps ne soit précisée sur le contrat que nous pourrions signer, une fois la période d'essai arrivée à son terme. Si celui-ci affichait une durée limitée à quelques années, cela bloquerait les perspectives d'évolution sur le long terme, voir le très long terme, et cela ne serait bénéfique pour aucun de nous. Je veux pouvoir me projeter dans le temps sans limite
    Cela vous convient-il ?



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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 17/3/2018, 23:32 ►
En descendant du train
“Price is what you pay.
Value is what you get.”
Suivant du regard le marchand, Thæ constata en même temps que lui que le temps avait filé à toute vitesse sans qu’ils s’en aperçoivent. Alors qu’il était arrivé à Sedna en début d’après-midi, le soleil entamait déjà son déclin dans le ciel, plongeant la ville enneigée dans une quiétude doucereuse. Son hôte menait les transactions avec la même attitude que la jeune femme, ne montrant à aucun moment ses émotions – si ce n’est plus tôt, lorsqu’il avait eu l’air de perdre son calme. Pourtant, il devait se réjouir intérieurement de voir se réaliser ce pour quoi il était venu dans cette région reculée. Il ne restait que quelques détails avant de faire de ce commerçant ambitieux l’un des acteurs du développement de Falias. La jeune femme se demanda un instant s’il ne voulait pas justement que l’on le voie comme cela, afin de mieux utiliser le prétexte d’une « dette » pour imposer de nouvelles conditions. Il faudrait qu’ils précisent dans le contrat que les clauses demeureraient limitées à celles énoncées sur le papier

Alors qu’elle achevait d’énoncer ses conditions, la chevalière s’étonnait de voir le marchand afficher un air presque résigné. Ne sachant pas comment interpréter cette réaction, elle ne put s’empêcher de penser qu’il y avait anguille sous roche. N’importe qui aurait presque sauté de joie, ou du moins manifesté sa satisfaction, devant les avantages d’un tel accord. Qu’il ne laisse rien paraître, certes, mais que signifiait cet air dépité ? Peut-être cette négociation avait-elle était une partie remportée trop vite, à ses yeux ? Thæ n’en avait aucune idée. Elle mit ça sur le compte d’un bluff louche, et distilla les paroles avec attention. Avec justesse.

Premièrement, il laissa entendre que Majoris et ses pions laissaient planer une certaine menace sur le marchand et sur cette négociation. Or ce n’était pas exactement ce qu’il avait laissé entendre plus tôt, affirmant que l’enquête des marchands ne mènerait à rien, et que les deux correspondants n’étaient en réalité personne. Thæ s’en était inquiétée, mais lui non, alors pourquoi changer ainsi d’avis ? Si ce n’est pour accélérer la ratification de l’accord, et faire pencher la balance en sa faveur. Elle nota ce détail, en apparence insignifiant, dans un coin de son esprit. Le marchand continua d’énumérer ses propres conditions, tout en la brossant dans le sens du poil.

La jeune femme ne put s’empêcher de hausser un sourcil surpris lorsqu’il évoqua le lieux où auraient lieux des échanges commerciaux. Il s’agissait d’un endroit limitrophe de Falias, bien connu par tous ceux qui trempaient dans le commerce de stupéfiants. La chevalière ne fit aucune remarque, mais n’en pensa pas moins. Pour que le marchand connaisse cet endroit, uniquement utiliser pour stocker les marchandises illégales destinées à être exportées vers les autres régions, cela ne pouvait signifier qu’une chose : qu’il n’était pas aussi ignorant qu’il le prétendait quant à sa connaissance de l’organisation du marché noir à Falias. Donc qu’il lui mentait. Thæ détourna le regard, et se raffermit dans son siège, le visage soudain plus sévère. Se jouait-il d’elle depuis le début ? Elle ne se souvenait pas d’avoir vu son nom apparaître à un quelconque moment des opérations, et ne pouvait donc pas l’accuser sans preuves, à moins de lui donner un bon motif pour sortir de son bureau et annuler ces négociations. Et cela, elle ne pouvait se le permettre.

La jeune femme darda un regard scrutateur sur le marchand, qui continuait à lui exposer ses perspectives d’un air innocent et détaché. Quel pouvait donc être son but ? Thæ avait conscience que le commerce de cuir et de fourrures leur rapporteraient gros à tous les deux, et qu’elle n’avait pas de raison de s’attendre à une entourloupe de ce côté-là. Où était donc le piège dans lequel il attendait qu’elle tombe ? Pour la première fois dans toute sa carrière, elle n’en avait aucune idée, et se sentait dépassée. Elle avait accordée trop d’importance au marchand, en misant sur l’intérêt de ce projet pour Falias, sans penser à qui elle avait en face d’elle. Selden Vestrit, un des marchands les plus détesté par ses pairs depuis longtemps, parti à partir de rien jusqu’à fonder un empire commerciale aux rouages établis avec minutie.

La chevalière ne silla pas plus, et continua de l’écouter, quoi que légèrement ébranlée par ses précédentes paroles. Le reste lui semblait anodin. Quoi de plus normal que de vérifier la production, pour des marchandises destinées à un usage luxueux. Bien que cela la pique dans son amour pour Falias et dans son égo que son hôte pense que les gens de Falias pourraient chercher à vendre des articles de mauvaise qualité. Néanmoins, Thæ comprenait que l’erreur est humaine, et que le marchand souhaitait pouvoir s’assurer de la qualité de ce qu’il s’engageait à fournir. Il en allait de sa réputation.

Cependant, l’absence de limite de temps la laissa pensive. Effectivement, aucune des deux parties ne seraient avantagée par l’existence d’une telle restriction. Lorsque l’homme lui demanda son avis, Thæ posa doucement les bras sur les accoudoirs et croisa les jambes, tout en se maintenant bien droite.

— Vos demandes me semblent en tous points légitimes, monsieur Vestrit. Je vous suis reconnaissante de comprendre la nécessité de la discrétion, dans cette affaire.

Elle hésita avant d’aborder le sujet qui la fâchait, à savoir : l’entrepôt, mais décida de garder le meilleur pour la fin, faisant mine d’être ignorante de ce petit détail, qui avait pourtant une importance capitale dans la gestion du marché noir. Il voulait lui faire croire que tout était joué, elle ne lui laisserait pas ce plaisir.

— Je comprends vos inquiétudes quant à la limitation dans le temps. Effectivement, aucune durée maximale ne devrait être imposée, je vous rejoint là-dessus. Mais que dites-vous d’une limite minimale, que nous déterminerions comme « période d’essai » ?

La chevalière posa la question d’un air détaché, mais ce qu’elle voulait, par là, c’était pouvoir s’assurer que le marchand n’essaie pas de la manipuler pour mieux mettre fin à cet accord une fois ses intérêts personnels atteints, s’il en avait. Elle n’était sûre de rien, mais préférait avancer avec prudence.

— Evidemment, votre présence serait tout à fait justifiée, et je comprends que vous désiriez vérifier la marchandise. Aussi je vous propose de visiter nos ateliers de tannerie une fois que nous nous serons mis d’accord sur les modalités de cette transactions, pour que vous puissiez vous-même jeter un œil sur le cycle de production de la marchandise.

De toutes manières, le soleil étant déjà bien bas dans le ciel, ils ne pourraient se rendre sur les lieux de travail du cuir, la nuit n’allant pas tarder à tomber. Avec le climat glacial, les jours étaient également plus courts, à Falias, et plus particulièrement à Sedna, au centre de cette abomination météorologique. Le verre se couvrait déjà de givre, ne laissant plus apercevoir qu’un aperçu flou du village de pierre. Ravie que les flammes crépitent encore dans la grande cheminée de son bureau, réchauffant la pièce, la chevalière repris la parole avec une mesure prudente :

— Ma dernière condition est de rester auprès de la marchandise jusqu’à son arrivée à l’endroit où vous la récupérerez. Nous agirions comme un relais de sécurité, en quelque sorte. Je n’ai pas un poste assez important pour être repérée comme une représentante de Falias, ni comme une menace pour Majoris, et c’est d’ailleurs pour cela que vous avez affaire à moi, aujourd’hui. Ne craignez donc pas que j’attire l’attention, je vous assure.

Cela lui permettrait surtout de surveiller de près le jeune marchand. La chevalière ne voulait pas qu’il la double, et s’il tentait de faire quoi que ce soit d’autre dans cet entrepôt, ou si c’était déjà le cas, d’ailleurs, il ne tarderait pas à changer d’avis sur le lieu des échanges. Il n’avait pas intérêt à tenter de la doubler, s’il tenait à sa réputation. Comme Thæ l’avait déjà indiqué : Falias n’avait rien à perdre, dans cet échange, mais lui était à la tête d’une puissante organisation commerciale, et entouré d’ennemis comme un agneau par des loups. Un agneau intelligent et sans scrupule, mais qui comptait ainsi sur l’appui de ses alliés. La moindre incartade à leur accord pouvait signifier le début de la fin pour lui et son empire.

Elle se laissa aller contre le dossier de son siège et, après avoir marqué une pause relativement longue, osa lancer à l’homme devant elle :

— Mais dites-moi, monsieur Vestrit, comment se fait-il que l’emplacement d’un tel un endroit vous soit connu ? Il s’agit d’une zone relativement…délicate pour Falias. Dois-je comprendre que vous êtes loin d’être irréprochable sur ce qui touche au marché noir, alors que vous essayez de me faire croire que vous en savez peu.

La chevalière le darda d’un regard plus froid que la vitre gelée.

— Je pensais avoir été claire sur l’importance de votre sincérité, monsieur Vestrit. Je vous sait marchand, mais je n’ai pas envie de faire affaire avec un menteur.

Elle ajouta, sur le ton de la menace, sans prendre la peine de s’en cacher :

— Je saurai trouver un autre partenariat, si votre droiture et votre bonne foi vous font défaut, vous pouvez en être certain.

Ne jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Une expression plus qu’adaptée à la situation. On lui avait toujours reproché son pointillisme quant au moindre détail, ce « défaut » allait aujourd’hui se révéler pourtant bien utile.

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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 18/3/2018, 14:06 ►
Décidément, la chevalière était bel et bien faite pour être une grande commerçante. Le marchand pensa même un instant, avec un amusement mêlé d'amertume, qu'elle avait raté sa vocation. Car malgré son amateurisme encore très probant, elle parvenait à chaque fois à déranger Selden dans leur échange. Lui qui avait pensé en finir très bientôt se voyait contraint de riposter une nouvelle fois. Il espérait secrètement que ce soit la dernière car cette négociation commençait à traîner en longueur.
    Elle comprenait énormément d'obstacles, tant politiques qu'économiques, à contourner, certes, mais le jeune homme n'avait pas pensé qu'ils inquièteraient tant les gouvernants de Falias. Selden n'avait pas imaginé qu'il lui faudrait autant de temps pour acheter quelques fourrures, et cela commençait à l'agacer. Il fallait conclure au plus vite, quitte à reprendre les négociations le lendemain. La nuit porte conseil, et il avait besoin de reconsidérer quelques éléments de ses manigances pour parvenir à ses fins maintenant que la chevalière avait compliqué les choses.

    L'instauration d'une durée minimale à leur accord ne faisait pas partie de ces complications. Ce n'était qu'un détail, une broutille qui ne gênerait en rien la bonne conduite des affaires en questions, ni celle de tout ce qui graviterait autour.
    C'était le fait que la chevalière désire surveiller les convois de marchandises qui chagrinait le plus le marchand. Mais comment refuser ? Il était totalement justifié qu'elle souhaite s'assurer du bon fonctionnement de cette aubaine financière. Elle assurait être discrète, tout comme lui devrait l'être, mais savoir qu'un regard serait toujours tourné rivé sur ses transactions lui ôterait la liberté d'action sur laquelle il comptait pour agir en douce et exporter toujours plus de drogue vers Idye. Il lui fallait réfléchir à un autre moyen pour ce faire. Cela demanderait du temps et de l'intelligence, mais il trouverait une solution pour retirer cette épine de son pied. Quitte à patienter un long moment qu'une confiance mutuelle se soit installée entre les deux parties, laissant penser qu'aucune surveillance ne serait plus nécessaire. Oui, c'était l'une des options envisageables, même s'il devait en exister d'autres, bien plus rapides, et donc bien moins coûteuses. Mais il aurait tout le loisir d'y réfléchir plus tard.
    Dans l'immédiat, c'était la question de l'entrepôt qui l'intéressait. Cela le mettait quelque peu en danger, mais il saurait se tirer de ce mauvais pas. C'était un moindre mal pour un grand bien car son allusion aux entrepôts avait poussé la chevalière à commettre une erreur, et pas des moindres. Il lui fallait maintenant paraître déstabilisé, sembler hésiter dans sa justification, avant d'achever son interlocutrice avec une conclusion qui ne manquerait pas de faire mouche.

    - Je suis un marchand qui est né et a grandi en Idye. J'y ai construit ma fortune. Croyez-vous que je n'ai jamais croisé un seul contrebandier durant ma carrière ? Les éviter relève de l'impossible, même pour moi. C'est un secret de polichinelle que l'existence de cet entrepôt. Tout le monde dans le milieu du commerce est au courant, et tout le monde le tait pourtant. Une chance pour vous, d'ailleurs.
    Si nous voulons que Falias se défasse des liens qu'elle a avec le marché noir, il me semble évident qu'il faille recourir au même moyens que ceux dont il se sert pour prospérer. Mais si vous voyez un inconvénient à gêner les bandits qui y sévissent, je peux investir pour construire un nouvel entrepôt en aval du fleuve. Je ne voudrais pas nuire à vos connivences bien mal cachées. N'y a-t-il pas quelque village sur les berges qui pourrait vouloir se développer ? Devenir une place forte du commerce que nous allons mettre en place les y aiderait grandement.
    Mais je commence à douter au sujet de mes investissement à venir. Vous n'êtes peut-être pas aussi fiable que je ne le pensais. Imaginez un seul instant que je vous ai dupée ? Que je sois en fait un marchand au service de Majoris, venu ici en qualité d'espion pour tenter d'obtenir une preuve dans l'enquête menée à l'encontre de Falias ? Vous viendriez alors de tout perdre en m'avouant connaitre la localisation de la plaque tournante du marché illégal. Et si celle-ci existe encore, c'est  bien parce que vous n'avez jusqu'à présent nullement cherché à faire cesser les échanges qui s'y déroulent. Peut-être même en tirez-vous de grands avantages, qui sait ?
    Je ne suis bien sûr pas un espion. Je suis venu vous rencontrer dans l'espoir de remettre Javieri à sa place, de me tirer vers le haut et de redorer mon image, mais après tout je puis peut-être le faire ailleurs. Je connais des tas de personnes dans l'Est qui seraient prêtes à m'aider, et dont je connais la fiabilité. En vous prévenant de cela, la sincérité exigée de votre part est honorée. Vous n'êtes pas la seule à pouvoir menacer d'aller voir ailleurs.
    Vais-je risquer ma fortune ici, auprès de gens qui risquent de commettre une telle erreur d’inattention ? Il vous faudra faire preuve de bien plus de prudence à l'avenir si vous voulez que nous trouvions un terrain d'entente.
    Pour ma part, je tairais ce que je viens d'entendre. Cela pourra être inscrit sur le contrat si vous voulez en être assurée. En contrepartie, nous pourrions ajouter à ce paragraphe qui si cette information venait par mégarde à arriver aux oreilles des dirigeants à Majoris, je pourrais me retirer de notre accord sans préavis.
    Mais de telles extrémités peuvent être évitées. Contentons-nous d'établir une confiance mutuelle, ci cela vous sied. Pour ce faire, je consent à la mise en place d'une période d'essai au terme de laquelle vous pourrez vous rétracter si d'aventure les bénéfices n'étaient pas tels qu'espérés. Je propose de fixer cette durée à une année. Cela me semble suffisamment court tout en permettant d'entrevoir au terme de cette période les perspectives qui se présenteront à vous.
    J'accepte également que vous escortiez les marchandises qui me seront destinées jusqu'à l'entrepôt. Vous êtes tout à fait en droit de garder un œil attentif sur le déroulement de vos exportations.
    Nous revenons donc à cet entrepôt. Dois-je investir mes deux cent mille Caeli dans celui qui existe déjà, ou dois-je augmenter le montant de cet apport à trois cent cinquante mille pour en construire un nouveau ?


    Parler d'argent fit le plus grand bien à Selden. Il aimait par dessus tout exposer sa richesse, si durement gagnée, au grand jour. Après les menaces qu'il venait d'exposer et l'attaque qu'il avait faite à l'encontre des dirigeants de Falias, il espérait que le montant astronomique qu'il venait d'annoncer suffirait à clore les débats pour ce soir. Mais il avait apprit à se méfier de Thae Helvall. Telle qu'il la connaissait, elle serait capable de trouver à redire malgré la fortune qu'il venait de proposer pour développer Falias.
    Il croisa les bras, montrant ainsi symboliquement que, pour lui, le débat était clos. Restait à voir si la chevalière en penserait autant...
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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 19/3/2018, 00:44 ►
En descendant du train
“Price is what you pay.
Value is what you get.”
Thæ se raidit en entendant la réponse, cinglante mais juste, du marchand. Elle crispa légèrement les doigts sur son accoudoir. Malgré elle, la chevalière avait décidé de faire confiance à l’homme debout devant elle, décidant à partir de ses simples paroles qu’il n’était pas un espion. Elle garda cependant son sang-froid, même si elle se sentait quelque peu insultée, se contentant de crisper légèrement ses doigts sur ses accoudoirs. Néanmoins, le commerçant semblait croire que la contrebande de stupéfiant était le grand secret de Falias. La jeune femme savait pourtant pertinemment que tout le monde était au courant, et ce n’allait pas être la parole d’une simple chevalière qui allait pouvoir précipiter la chute d’une dirigeante de la trempe de Deyris Keruto. Le marchand oubliait visiblement qu’il ne se trouvait pas encore en territoire conquis. Et que la gouverneure de l’Ouest trempait directement dans le marché noir.

Pour elle, et par extension pour Thæ, il était hors de question de le laisser s’interrompre, fut-ce pour donner aux habitants de Falias de l’argent propre. Mais elle pouvait bien le laisser penser ce qu’il voulait, à ce sujet. Elle ne se risquerait pas à commettre une nouvelle incartade, et encore moins à révéler les plans de Deyris pour Falias. Cette attitude lui permettrait également de faire croire à son hôte qu’il était dans une position de supériorité, ce qu’il semblait à chaque fois tenter d’atteindre dans cette négociation – et souvent avec succès.

Le fait est que Selden Vestrit, peu importe ce qu’il pouvait prétendre, était loin d’être aussi innocent qu’il voulait le faire croire. Lorsqu’il s’agissait d’intuition, la jeune femme était rarement à côté de la plaque. La défense du marchand lui avait semblée lourde, il aurait pu nier les choses en bloque, mais avait détourné le sujet pour le reporter sur la faute commise par Thæ en lui faisant confiance. Elle décida de jouer à son jeu, et laissa une certaine confusion poindre sur son visage. Il était nécessaire qu’elle l’ait à l’œil, et pour ce faire, elle devait avoir une bonne raison de se rendre dans ses endroits d’opération. Il faudrait aussi qu’elle tente d’acheter ou d’infiltrer des sbires dans les rouages des opérations du marchand.

Ainsi, il fit des « aveux » de la jeune femme un motif supplémentaire de négociation, et elle ne chercha pas à l’en dissuader. S’il la pensait faible, s’il pensait Falias faible, c’était à ses risques et périls. Il pourrait tomber de bien haut, un jour ou l’autre, et Thæ se garderait bien de l’en prévenir, s’il continuait son double jeu.

La chevalière le regarda croiser les bras, et compris le message implicite. Elle s’éclaircit la gorge avant de lui répondre.

— Entendu, monsieur Vestrit, commença-t-elle d’une voix blanche, vous avez été bien aimable de m’avertir des dangers de telles négociations, et nous pourrons, effectivement, faire apparaître sur le papier une clause de confidentialité quant à ce sujet délicat. De plus, votre demande de droit de rétractation me semble justifiée par la situation de tension entre Falias et Majoris, de même que celui de Falais, au terme de cette année d’essai, qui me semble, effectivement, une période qui nous laisserait examiner les bénéfices tirés de ce commerce, et envisager nos actions futures.

La jeune femme marqua une pause, posant ses mains sur le bureau.

— Nous serons donc amenés à nous côtoyer durant ces transactions, j’espère donc que d’ici-là, nous pourrons établir la confiance mutuelle à laquelle vous faites allusion. Quant au point d’échange, gardez votre surplus de Caeli, ne vous en faites pas, cet entrepôt suffira amplement.

Si le marchand mettait la main dans des affaires peu scrupuleuses, elle serait ainsi au courant, d’une manière ou d’une autre. Le port de commerce qui se trouvait à cet endroit étant amplement couvert par le réseau de Deyris, Thæ n’avait aucun doute de pouvoir percer à jour cet homme, qui avait pourtant l’air de savoir masquer ses traces. En effet, alors qu’elle avait enquêté sur lui, personne n’avait pu relier son nom au marché noir, ce qui ne pouvait signifier que deux choses : qu’elle l’accusait à tort – ce dont elle doutait, ou qu’il était bien plus malin que le commun des marchands. En même temps, elle se devait de garder à l’esprit qui elle avait devant elle.

Elle ne parut pas le moins du monde impressionné par la fortune du marchand. La chevalière le savait avare et fier de cette dernière, aussi elle choisit de ne pas lui faire le plaisir de baver devant une telle somme, quoique colossale, et lui répondit froidement. Pourtant, elle savait cette somme nécessaire au bon développement de Falias. De même qu’elle devait faire des sacrifices dans ce même but. Ses valeurs l’exhortaient à mettre un couteau sous la gorge du marchand, mais Thæ avait parfaitement conscience d’être présente en tant que négociatrice et intermédiaire, et non en tant que guerrière, et ne pouvait se permettre de déshonorer Deyris, qui avait placé sa confiance en son jugement, et Falias, qui comptait sur elle. C’est donc à regret qu’elle abandonna l’idée de tirer l’épingle de la vérité de la botte de foin humaine qu’était l’épineux Selden Vestrit.

Elle reporta son attention sur lui. Les bras croisé, il cherchait manifestement à lui faire comprendre que les négociations étaient jouées, et bien sûr, que c’était lui qui décidait de leur fin. Avec un sourire, la jeune femme ne chercha pas à contrecarrer les plans du marchand, elle savait battre en retraite lorsque c’était nécessaire, sans considérer cela pour autant comme une défaite.

La chevalière se releva et resta derrière la table de marbre.

— Bien, monsieur Vestrit, je suppose que nous pouvons clore notre discussion, au moins pour aujourd’hui. Je vous propose de rédiger ensemble le contrat demain, que nous soumettrons au regard de dame Keruto le plus vite possible. Je ne doute pas qu’elle saura se libérer pour l’occasion.

Tendant une main amicale au marchand, elle ajouta :

— J’espère que nous pourrons, à l’avenir, nous entendre plus facilement sur les termes de nos échanges, mais c’est un plaisir de faire affaire avec un commerçant tel que vous. Je souhaite que notre accord nous permettre d’atteindre nos objectifs mutuels.

Se dirigeant ensuite vers la porte de son bureau, Thae invita le marchand à prendre congé, savourant au passage la bouffée d’air frais venue de l’extérieur.

— Je ne vais pas vous retenir plus longtemps, du moins pour aujourd’hui. Profitez de votre soirée à Sedna, les nuits y sont longues et animées. Elle réfléchit un instant, dirigeant son regard vers la fenêtre, où l’on voyait clairement le soir tomber, et lui lança, avec une infime pointe d’amusement : désirez-vous que l’on vous escorte jusqu’à votre lieu de séjour, ou serez-vous en mesure de vous y retrouver dans ce dédale nocturne ?

Loin de s’opposer à l’idée de savoir le marchand perdu dans Sedna, la jeune femme ne pouvait cependant pas se permettre de voir son hôte enlevé ou subir n’importe quel autre sort, la nuit éveillant les plus sombres instincts.

Thæ avisa ensuite sa cape de fourrure, restée sur sa chaise, puis détailla l’homme de haut en bas. Elle songea avec amusement que le marchand n’arriverait pas à destination sans avoir attrapé froid, avec son accoutrement certes coloré, mais loin d’être adapté à de telles températures.

Peut-être serait-il le premier client de leur surprenant commerce.

© ASHLING POUR EPICODE
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[Terminé] En descendant du train [PV Thae], par Invité ► 19/3/2018, 10:34 ►
Et voilà, ils y étaient. La fin des négociations était là, ou du moins la fin de leur introduction. Car Selden savait par expérience qu'il y aurait encore de nombreux détails à régler tant que le contrat ne serait pas signé. Il survenait toujours des imprévus dans ce genre de situation et, si la plupart du temps ils étaient faciles à surmonter ou à contourner, le marchand avait le pressentiment que rien ne serait aussi simple, ici à Falias. Avec la chevalière constamment sur son dos à le surveiller, il lui faudrait redoubler de ruse pour parvenir à ses fins.
    Un an. Il avait un an pour mettre ses plans à exécution. Cela lui paraissait bien long, mais avait-il le choix ? En proposant une telle durée, il avait joué la sécurité. S'il avait annoncé six mois, cela aurait pu paraître trop court, et la négociation sur ce point aurait pu se terminer au désavantage de Selden. Aussi avait-il choisi la voie de la raison. Une année, certes c'était un peu long pour lui, mais ça l'était suffisamment pour contenter la négociatrice acharnée qu'il avait en face de lui.
    Il avait, en prime, décroché la clause de confidentialité et le droit de rétractation. Il n'en demandait pas tant, et n'y avait pas vraiment crut en le proposant. Mais cela montrait bien le désir de discrétion qui sous tendait toute cette affaire, et cela convenait parfaitement à l'Idyen. Si tout cela devait mal tourner à un moment ou un autre, il pourrait toujours trahir Falias sans risquer d'être lui même inquiété. Tout était calculé : non, vraiment, ce prochain investissement ne comportait aucun risque.

    Quant à la confiance mutuelle à venir, lui doutait qu'elle visse jamais le jour. Selden avait une réputation trop sulfureuse pour que quelqu'un comme Helvall puisse jamais lui accorder une telle chose. Et elle avait été bien trop dure en affaire pour une simple histoire de fourrures. Cela cachait forcément des choses, beaucoup même, et en tout cas Selden savait que, bien que ses informations soient fiables, elles ne devaient certainement pas être complètes.
    En son for intérieur, le marchand jubilait. Niantu seul pouvait savoir à quel point il aimait ce genre de situation ! Et il n'aurait de cesse que de remporter la partie, de doubler ses adversaires comme ses associés, d'arriver au sommet, premier sur la ligne d'arrivée.
    Leurs au-revoir furent loin d'être chaleureux, mais Selden s'efforça d'afficher un visage amical alors qu'il écoutait la chevalière débiter ses formules de politesse. "Tout ira vite... C'est un plaisir..." Il doutait que c'eut été un plaisir pour elle. Elle avait cédé bien trop de terrain au cours de cet après-midi. Et puis lui n'était heureux que quand les autres ne l'étaient pas. Or, lui avait effectivement prit un plaisir immense au cours de leur échange. Il était parvenu à ses fins, ce qui signifiait forcément qu'il lèserait bientôt la chevalière, sinon tout Falias, et il savait qu'elle s'en doutait. Comment pouvait-elle en ressentir du plaisir alors ?
    En se dirigeant à sa suite vers la porte du bureau, le marchand ne put s'empêcher d'esquisser un sourire mi-courtois, mi-narquois. Il refusa poliment l'escorte proposée, y voyant plus un moyen d'être surveillé pour la soirée.
    - Comme je vous l'ai dit, j'ai grandit dans la rue, aussi n'ai-je pas peur de rentrer seul, même de nuit dans une ville qui m'est inconnue. Je trouverai bien quelqu'un à qui demander mon chemin, ne vous inquiétez pas pour moi.
    Même s'il doutait qu'elle s'inquiète un tant soit peu pour lui.
    Il salua comme il se devait Thae Helvall, après avoir ôté son chapeau, d'une poignée de main vigoureuse, de celle qui conclut une affaire. Puis, couvrant de nouveau sa tignasse blonde de son couvre-chef,  il tourna les talons, en mettant dans sa démarche toute l'assurance possible.

    En sortant du bâtiment de pierre, Selden fut violemment mordu par le froid. Il fallait qu'il rentre vite s'il ne voulait pas perdre de doigts, mais il ne pouvait pas non plus se rendre directement à l'hôtel. Il n'était pas censé connaître le chemin, et il savait que la chevalière ne manquerait pas de le surveiller de près malgré le fait qu'il ait refusé l'escorte. Il prit donc grand soin de déambuler dans les rues à la manière d'un étranger en terre inconnue, demandant par deux fois sa route à des passants.
    Alors qu'il passait dans une rue plus étroite et plus sombre que les autres, il aperçut au loin un homme et un enfant qui semblaient en pleine transaction. Étant donné l'heure et le lieu, Selden sut instantanément de quel type de commerce il s'agissait. Cela lui rappela son adolescence. Quel chemin il avait parcouru depuis !
    Quand il arriva à hauteur de l'enfant, l'homme était parti depuis assez longtemps pour ne pas pouvoir les entendre.
    - Petit, si tu veux gagner de l'argent, je connais un bien meilleur moyen.
    L'enfant, loin d'être effrayé, lui accorda immédiatement toute son attention.
    - Je vais très bientôt avoir besoin d'yeux et d'oreilles discrets dans cette ville. Tu n'auras qu'à transmettre tout ce que tu verras et entendras à qui je t'indiquerais. Pour chaque information valable, tu seras payé bien plus cher que tout ce que tu as gagné jusque là en revendant tes herbes à fumer. Qu'en dis-tu ?
    Le jeune Falien opina du chef. Bien, Selden tenait le premier maillon de son nouveau réseau.
    - Parfait, dans ce cas, retrouves-moi demain soir, ici même, et nous en discuterons plus en détails. Et tant que j'y suis, amène avec toi tes frères, tes, sœurs, tes amis, et qui sais-je encore ! Je vais vraiment avoir besoin de beaucoup, beaucoup d'yeux et d'oreilles ici.
    Et de lui lancer sa bourse pleine de Caeli avant de reprendre sa route, heureux d'aider cet enfant, à qui il avait tant ressemblé au même âge, tout en servant ses propres intérêts.

    Après une marche bien trop longue à son goût, il parvint enfin à l'hôtel. Ses instructions avaient été bien entendues et respectées, et personne ne sembla le reconnaître, bien qu'il soit un habitué de ces lieux. Il craignait, ici autant que dans les rues peu avant, que Falias ne le surveille de très près, et nul ne devait savoir qu'il connaissait bien mieux cette région qu'il ne l'avait laissé croire à Thae Helvall. Mais pour l'instant ses pièces d'or avaient suffit à faire taire les indiscrets.
    Une fois parvenu à sa chambre, il s'empressa de s'approcher du feu pour se réchauffer. Il sortit alors les lettres qui étaient restées jusque là dans sa poche, puis hésita à les brûler avant de se raviser. Elles lui avaient très bien servi et pourraient encore lui être plus qu'utiles.
    Malgré la somme astronomique qu'il avait dû reverser à Rincors, il prenait conscience à présent qu'un traitre tel que lui était bien mieux à ses côtés qu'à ceux de ses adversaires. Et la lettre qu'il avait rédigée pour lui avait été plus que convaincante.
    Il en allait de même pour celle de Javieri. Il faudrait qu'il pense à remercier comme il se devait le faussaire qui l'avait écrite. Son travail était vraiment d'une qualité exceptionnelle, pour le sceau comme pour l'écriture. Même la signature était plus vraie que nature. Si Selden ne l'avait su lui-même, il aurait juré avoir entre les mains une lettre originale de son meilleur ennemi.
    Pauvre Javieri, tu ne t'imagines pas à quel point tu peux m'être utile...

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