Tu es dit Armel E. Shearazad (E pour Emma mais tu n’aimes pas le féminin), tu as la peau noble et les gestes droits, la peau bien coiffée par vingt-sept années d’existence mais pas encore tout à fait ridée ;
Tu es né comme un déchet, carbone jetable, et t’es peu à peu transformé en joyau sans jamais oublier que tu descends de Calcifier, puisque ton père t’a donné à ta famille d’accueil un 17 juin marqué de parfum estivaux – l’un des jours les plus chauds de l’année, t’as-t-on dit une fois.
Depuis que tu as rejoint Majoris – tu avais 21 ans – tu es un peu devenu comme un prince, mais sans ses manières royales ; au contraire il subsiste en toi quelque chose de plus brut, de plus précipité, lorsque que tu es devenu protecteur du sud.
(On dit, se murmure parfois lorsque les ragots se font encore plus inintéressants à l’ordinaire, que tu aimes surtout les femmes.)
Ils sont seuls.Dans ce même mouvement, ce même souffle de l’âme, chaque bougie une à une allumée – lucioles sur l’horizon. Des esprits qui s’éveillent et s’essoufflent en écho sur les flancs de la montagne, roulent sur les hameaux et les relient doucement, en petites touches de lumières vives ;
Ils sont seuls.Tout au plus marchent-ils dans votre foyer, près de leur époux ou de leurs enfants, tout au plus se réfugient-ils, le soir venu, dans la courbe d’un sein ou dans la rondeur d’une hanche ; mais leur âme reste solitaire. Nimbée de rien alors qu’ils marchent de pas aériens sur le sol, enfermés dans cette valse constante d’idées de rêves de désirs ;
Ils sont faillibles.
Egoïstes. Affables. Prétentieux. Ils ne sont qu’un bout de rien, une chair en putréfaction, un chrysanthème aux odeurs de cimetière, l’amarante qui fleurit par touches sur les poignets, l’œillet qui survit dans les jardins ; ils sont trésors, ils sont des milliers de richesses cachées sous le creux du sourire, dans les affres de la peau ;
Ils sont fragiles. Secrets.
Intangibles.
Ils sont poussières sur ton cœur.Un minuscule grain de sable, tracé à la lisière entre la mer et l’écume, entre le sourire et la paupière. Un pinceau devenu estampe. Quelque chose de périssable, d’égoïste, d’infâme, de morbide, d’avide – une intangible beauté ;
Tu les aimes.
Tu les protèges –
ne les estime pas moins que toi-même.
Tu les fais muses – emprunte leur substance –, les immortalise lorsqu’ils périssent pour mieux les comprendre ; les regarde pourrir, avec cette impression étrange d’un instant figé qui s’accélère soudainement, d’une poitrine qui bat autour d’un cœur mort, d’un songe ;
Ils sont gravés.
Imprimés.
Figés.
Et ils avaient toujours été ainsi. Tu étais néant, ils t’avaient rempli
T’avaient donné un souffle, une destinée –
protéger.
Pour un monde auquel tu ne crois plus toi-même ;
Pour la folie d’un idéal qui n’est que fumée.
Oh, tu es sobre Armel quand tu te présentes à eux, rarement souriant mais jamais trop peu, les yeux pas tout à fait noirs mais pas tout à fait onyx non plus, les mains gravées de valeurs que tu n’avoueras jamais qu’à demi-voix – loyauté, dignité, volonté. Chérubin inflexible et droit, si sérieux avec ses lèvres fermées qu’on en gouterait le tremblant, toujours présenté dans une tenue de combat avec des parures de cuir, tu es modéré Armel, ne se révèle pas même extravagant dans le choix de ces armes que tu maitrise toutes ; au faste des rubis et des joyaux royaux, tu préfères le cuir éreinté par les années et le glissement de son pouce sur un bon acier ;
Tu es écueil. Te condamne toujours à rester à la lisière de l’humanité sans jamais s’exprimer. Guerrier affable dont le cœur se fait chantant lorsque tu gardes pour toi, au creux de ta lame, d’étranges idées et secrets dont le timbre pourrait réguler l’ordre du monde, tu fais bien moins fi des jeux politiques et des alliances que de la chaleur d’un corps vivant entre tes bras ; qu’importe leurs opinions, tant qu’ils sourient. Qu’importe leurs actions, tant qu’ils vivent ;
– et n’empêchent nul autre de vivre à leur tour.
C’est le fer qui devient acier, l’argent qui devient grenat, la peau qui devient carmin ;
Tu es arme, tu es soldat ;
Et tu ne seras jamais toi-même. Parce que tu es celui qui avait décidé de protéger autrui sans jamais s’accorder une seule partition pour lui-même ; altruisme poussé jusqu’à l’extrémité de la démence depuis que s’oublier est considéré comme une folie, tu ressens au bout des lèvres, Armel, ce désir ardent de ne pas exister pour toi-même. Alors tu choisis des décisions que d’autres refusent de prendre, ôtes la vie lorsque les regards se détournent et se renient ; ignores les conventions et ne souffre jamais de la mort, sauf lorsque l’on retire un corps aimé d’entre tes mains ;
Il y a un continent, leur diras-tu.
Un continent entre toi et l’humanité,
Un pont infranchissable,
Un portrait inimitable.
Il n’y a dans ton âme ni perfidie ni myosotis à fleurir, tu es comme un enfant Armel, un enfant à l’odeur de sel et de cendre – mais de cendres fraiches, comme si la mer avait été brûlée. Chérubin au regard déchiré et aux doigts noués d’avoir défait trop de cordages pour atteindre l’horizon, tes souvenirs te bercent d’amours oubliés et de visages effacés, d’une grande honte qui fleurit parfois par touches sur tes poignets ;
Celle d’avoir abandonné, une fois,
Et de ne jamais s’être pardonné.
Et parfois,
Quand vient le soir et que la lune n’est plus qu’un astre ;
Quand la nuit ne distingue plus le chant des grenats et de l’acier,
Quand ses souvenirs se tarissent et deviennent silence ;
Tu te retrouves.Alors tu acceptes les souvenirs de son passé, Armel, esquisse quelques sourires diaphanes, te prétends perdu alors que tu t’es égaré depuis longtemps ; et tes jambes se plient, et tes mains s’arrondissent ; et tes pensées deviennent témoin d’un monde que tu es désormais seul à faire survivre.
Alors tu s’assois sur le rebord de ta fenêtre et pose ta tête sur l’épaule de ta gardienne, puis ajoute dans le ciel quelques constellations au-dessus de ta belle endormie ;
Un astre pour chaque être que tu avais oublié,
Un baiser sur la joue de ceux que tu avais aimé.
(Acharné – Adroit – Aimant – Altruiste – Apaisant – Autoritaire – Brutal – Calme – Captivant – Combattif – Courageux – Débrouillard – Dévoué – Désabusé – Diplomate – Digne – Émotif (parfois) Énigmatique – Excessif – Exigeant (envers lui-même) – Ferme – Guerrier – Humble – Impatient – Impulsif en cas de danger – Loyal – Mélancolique – Misanthrope – Mystérieux – Ne pense jamais à lui-même – Philanthrope – Pragmatique – Protecteur – Protecteur encore – Protecteur toujours – Prudent – Observateur – Opaque – Réservé – Sang-vif – Sans pitié – Sérieux – Sobre – Silencieux – Solitaire – Taciturne – Tendre – Têtu – Violent)