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« Il y a bien longtemps avant même que les gens n'habitent dans le ciel. Une guerre terrible éclata entre les hommes et une Déesse malfaisante. Après des combats sanglants, nos ancêtres aidés de Dieu scellèrent le pouvoir de cette Calamité. Puis quittèrent la terre souillée et stérile pour construire leur avenir dans le Ciel. »
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{ Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden]
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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 21/3/2018, 20:12 ►


Les raisons du commerce sont toujours les plus fortes. Selden & Thæ
Ils avançaient silencieusement à travers les bois, leurs pas crissant sur la neige récemment durcie. Il était temps pour Thæ d’enseigner à son nouvel « allié »  – même si elle n’osait l’appeler ainsi en son for intérieur – les méthodes de production de la fourrure, puisque leur accord au sujet de ce commerce était maintenant conclu. Il s’agissait maintenant pour la jeune femme de s’accorder avec Selden Vestrit, le rusé marchand qui avait proposé à Falias une offre de choix, sur les derniers détails de leurs transactions. Les transports de toute manière rares à cause des intempéries et des fréquentes chutes de neige, le pauvre commerçant se devait bien de jeter un coup d’œil à la production des fourrures qui allaient peut-être participer à sa fortune, et, par-là, à celle de Falias.

Malgré la signature du contrat, sous l’œil assuré de Deyris, la chevalière se sentait absolument incapable d’accorder sa confiance au marchand. Premièrement, parce sa profession obligeait à se méfier de lui, et, deuxièmement, parce que sa réputation le précédait. Et avec un curriculum vitae comme le sien, on ne se fait généralement pas d’ami – au mieux, des alliés. Thæ se demandait encore si elle avait fait le bon choix en acceptant le marché avec son hôte. Deyris avait paru satisfaite, mais la jeune femme avait parfaitement conscience qu’il y avait indéniablement baleine sous caillou. Et elle n’appréciait pas être dans le flou, et encore moins être trompée.

Pour Falias comme Vestrit, ce marché semblait une aubaine, assurant les deux parties d’un profit rapide et durable. Néanmoins, Thæ devait se faire violence pour ne pas suivre elle-même les faits et gestes du marchand, ses informateurs étant visiblement incapables de mener à bien cette simple mission. Sauf qu’il aurait pu utiliser ce simple agissement pour faire vaciller le contrat, et Falias avec. Elle se devait d’oublier ses pensées pour le bien de la région. Et s’en mordait les doigts.

Elle jeta un regard en biais au marchand, qui masquait beaucoup trop bien ses intentions aux yeux de la chevalière, qui aurait bien voulu lui faire ravaler son arrogance, mais cela aurait été mal venu, puisqu’elle était présente en tant que représentante de Falias et de sa dirigeante. Elle reporta son attention sur le chemin de terre. Les élevages étaient situés en dehors de la ville de Sedna, dans le bois de Maheo. Les seules espèces potentiellement intéressantes pour ce commerce que nous devions chasser étaient les ours et les lynx – Falias avait également des loups domestiqués.

Thæ s’éclaircit la voix :

— Monsieur Vestrit, que savez-vous de la conservation des fourrures, au juste ? Avez-vous étudié la question au préalable ?

Elle se doutait de la réponse de son interlocuteur, mais ne manquerai pas de lui faire une piqûre de rappel.

Ils arrivèrent devant un grand bâtiment de pierre, situé au beau milieu de rien. Des éclats de voix provenait de l’intérieur, la grande porte de bois étant entrouverte pour laisser entrer l’air frais. A l’extérieur, derrière une clôture, des chairs animales étaient suspendues, salées et tendues sur des cadres. Le reste de l’opération se réalisait à l’intérieur. Ouvrant en grand la porte, La chevalière fit signe au marchand de la suivre.

Une fois à l’intérieur, elle salua chaleureusement les fourreurs. La fourrure noire de sa cape venait d’ici, comme celle de tous les gardes et les habitants de Falias. Il y avait d’autres ateliers de tannage, bien sûr, et il faudrait sûrement envisager d’en mettre en place de nouveaux, mais celui-ci était de loin le plus imposant. Les fabriques de vêtements, quant à elles, étaient pour la plupart en ville, mais ce n’était que la fin de la chaine de production.

Les ouvriers textiles interrompirent leur travail pour venir saluer la petite troupe que formaient Thæ, Selden Vestrit et deux gardes – par mesure de sécurité.

— Le bâtiment s’organise en plusieurs étages, ici, dans les courants d’air, s’effectue le décharnage des restes de chair sur le cuir, et dans la salle au fond, le trempage de la peau, puis le dégraissage. Au premier étage, c’est le tannage et sa préparation, avec la procédure de pickelage, puis le tannage de la peau à proprement parler. Elle marqua une pause, laissant le marchand enregistrer et analyser les informations qu’elle lui donnait à mesure qu’ils avançaient dans l’atelier, avant de continuer : le tannage se fait de manière naturelle, avec un  mélange de graisses animales et d’huiles issues de plantes et d’arbres de la forêt.

Elle le guida jusqu’à l’étage suivant.

— L’étape suivante prépare la couture des peaux. C’est à l’étage au-dessus. Il est ouvert la majeure partie du temps mais peut s’isoler en cas de trop grande humidité, pour préserver la qualité des peaux. D’abord, les peaux sont raccommodées en cas de défauts, puis l’on applique de la graisse pour les assouplir et pour pouvoir les conserver plus longtemps. Avant qu’elle ne sèche, on l’assouplit et on l’étire, avant de la laisser sécher.

Ils arrivèrent au troisième étage. Le toit ouvert en grandes fenêtres laissait passer un vent mordant. Thæ resserra sa cape contre son corps.

— Si vous voulez vous arrêter sur un détail en particulier dans cet atelier, c’est le moment, s’enquit-elle auprès du marchand, qu’elle ne laissait pas en paix avec ses explications. Le reste se fait dans une dépendance, et la confection en ville, il nous faudra donc redescendre et sortir.

Elle attendit la réponse du marchand. Du peu qu’elle connaissait déjà de lui, la chevalière s’attendait à devoir répondre à de multiples questions, et à entendre, certainement, des conseils qu’il jugerait avisé. La jeune femme soupira intérieurement – il était parfois beaucoup plus facile d’obtenir des réponses par les armes, et elle en mourrait d’envie. Aussi, elle se contenta de toiser le blondinet prétentieux avec hauteur, attendant ses réflexions.

©️ Justayne
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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 24/3/2018, 19:17 ►
Deyris Keruto n'avait pas trouvé grand chose à redire lors de la signature du contrat. Cela avait réduit l'acte à une simple formalité. Pourtant Thae Helvall avait peu ou prou affirmé le contraire lors des négociations. Avait-ce été une stratégie visant à réfréner les ardeurs du marchand ? Si tel était le cas, il s'agissait d'un échec. Selden avait obtenu tout ce qu'il désirait, et même plus encore.
    S'il avait été par la suite surveillé, il n'en avait rien vu, ce qui pouvait signifier deux choses : soit les espions de Falias étaient très doués, soit la surveillance attendue n'avait pas été mise en place. Si cette dernière ne l'était effectivement pas, ce pouvait être un bon signe. Comme un mauvais d'ailleurs, qui cacherait alors encore autre chose. Un piège tendu en attendant que Selden perde sa vigilance ? Mais le marchand n'était pas assez idiot pour relâcher son attention. Et il comptait bien la maintenir au plus haut niveau pendant les mois à venir.
    Ses petites paires d'yeux et d'oreilles seraient bien utiles pour ce faire. Elles se montraient déjà très efficace, l'argent y étant certainement pour beaucoup. Mais ces sommes n'étaient rien que broutilles pour le riche homme du Nord. C'était payer bien peu, mais cela suffisait. Ses espions étaient d'une discrétion à toute épreuve, fondus dans la masse, et prompts à venir rapporter la moindre bribe d'information.
    Restait la chevalière. Elle garderait en permanence un œil sur toutes les transactions qui auraient lieu. Il faudrait trouver une solution à ce problème, mais Selden en aurait tout le loisir dans les semaines à venir.

    Rassuré, et soulagé d'avoir enfin apposé sa signature au bas du contrat, c'est armé d'une excellente humeur qu'il avait retrouvé Thae Helvall pour la visite des sites de productions des fourrures. Ils avaient du quitter la ville à pied pour s'y rendre. Selden avait senti la tannerie bien avant de l'apercevoir. L'odeur y était épouvantable, comme dans toutes les tanneries de l'île, et il n'avait d'autre choix que de faire avec, et ce pour un bon bout de temps.
    Car il voulait à tout prix prendre son temps. La bonne humeur qu'il afficherait durant toute cette journée n'était pas anodine. Couplée à une lenteur calculée, elle avait pour but d'irriter, ou tout au moins de tenter d'irriter, la chevalière. Il voulait voir jusqu'où sa patience pourrait tenir pour ainsi savoir encore un peu plus à qui il avait à faire. Et puis il voulait aussi en profiter pour s'amuser un peu. C'était en quelque sorte une petite revanche après les petites difficultés qu'elle avait suscité quelques jours plus tôt, lors des négociations.
    Alors que l'odeur terrible se faisait de plus en plus forte, il aperçurent enfin la bâtisse de pierre. La jeune femme entra alors dans le vif du sujet, interrogeant celui qui était devenu son associé à propos de l'industrie qui les avait réunis.
    - Je me suis bien évidemment renseigné autant que possible à propos de tout ce qui touche à la tannerie. Je ne suis pas du genre à me lancer dans une affaire sans en apprendre un maximum à son sujet auparavant, comme vous vous en doutez certainement. Mais j'imagine que rien ne vaut un examen minutieux directement sur le site de production. J'espère bien apprendre quelques nouveaux éléments en entrant ici.

    Selden n'avait pas pensé que l'air pourrait empester plus encore une fois à l'intérieur de la tannerie. Il parvint de justesse à réfréner un haut le cœur et pénétrant dans le bâtiment.
    Il y suivit de près la chevalière, qui prit en ce lieu le rôle de guide. Il écouta avec attention toutes les explications qui se succédèrent au fil des étages, au fil des étapes de transformation, se contentant d'opiner du chef à chaque nouvelle leçon.
    Avant de redescendre, la chevalière laissa à Selden la possibilité de poser les questions qui lui seraient venues. Affichant un large sourire, il dit :
    - Toutes vos explications sont on ne peut plus claires et complètes. Je vais donc me contenter d'examiner plus précisément chaque étage en redescendant. Je tiens à n'omettre aucun détail, et, si tout me semble parfait ici, je préfères m'en assurer pour m'éviter de mauvaises surprises par la suite.
    Et de mettre en œuvre toute la méticulosité dont il était capable alors qu'ils redescendaient vers la sortie de la tannerie. Et il n'omit effectivement aucun détail, observant les moindres recoins de chacune des pièces qu'ils traversaient à nouveau.
    Il leur fallut bien une heure avant de trouver l'air libre, quoique encore emplit de cette horrible et persistante odeur.

    - Tout me semble parfait ! Allons donc visiter cette dépendance, il me tarde de la découvrir !
    Et d'afficher encore une fois un sourire rayonnant, presque provocant tant il pouvait paraître surjoué. Décidément, cette journée suscitait chez le marchand une euphorie rarement ressentie...
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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 26/3/2018, 23:46 ►


Les raisons du commerce sont toujours les plus fortes. Selden & Thæ La bonne humeur du marchand étonnait Thæ. Cette dernière avait l’impression de guider un enfant lors d’une sortie pédagogique. Alors que l’odeur atroce de la tannerie aurait dû le faire fuir dès les premiers instants, il prenait un malin plaisir à examiner la fabrique sous tous ses angles. D’après lui, il s’était suffisamment renseigné au préalable pour comprendre le système de fabrication de la fourrure sans trop d’explications de la part de son hôte, mais n’était pas contre quelques piqûres de rappel.

Néanmoins, la jeune femme ricana intérieurement lorsqu’elle vit l’attitude de son nouvel associé changer à leur entrée dans la tannerie. Se passant de question jusqu’à leur arrivée sur le toit, elle l’écouta avec une attention qu’elle ne lui connaissait pas. Depuis leur rencontre, il lui avait semblé être un monsieur je-sais-tout qui sautait sur la moindre occasion pour se mettre en valeur, et elle appréciait à sa juste valeur son silence. Néanmoins, la chevalière avait appris à toujours se méfier de l’ours qui dort.

Lorsqu’ils arrivèrent à l’extérieur, le marchand comme la jeune femme apprécièrent leur sortie. Même si Thæ avait fini par s’habituer à l’odeur épouvantable de la tannerie, rien ne faisait plus de bien qu’une bouffée d’air frais après une telle visite, d’autant plus qu’elle l’avait volontairement fait trainé en longueurs. Finalements, tous les deux étaient frustrés d’une façon ou d’une autre par leur précédente négociation, et se vengeait à leur façon.

C’est d’ailleurs certainement dans ce but que malgré l’environnement nauséabond que le blondinet parvenait à lui sourire avec une provocation en partie dissimulée. L’envie de lui planter son épée dans le pieds ne faisait qu’augmenter au fil des heures. Finalement, même si son devoir lui intimait de garder un oeil ferme sur le marchand, son esprit ne rêvait que d’une chose : l’expédier à bord du premier train loin de Falias. Cependant, malgré un for intérieur sanguinaire et belliqueux, elle parvenait à maintenir une patience à toute épreuve. Et ce depuis qu’elle s’était retrouvée confrontée à la glace de Sedna, et ainsi, aux réalités de la vie, dans cette région hostile.

La chevalière garda un visage de marbre, ne daignant même pas sourire au jeune homme, avec le désir de lui montrer qu’elle non plus, ne se laisserait pas faire, et qu’il ne lui décrocherait certainement pas un sourire, à moins qu’il ne soit dédaigneux - or ceci était impossible puisque cela nuirait aux affaires de Falias.

Elle tendit une main vers la dépendance, située une dizaine de mètres devant eux.

— Je suis ravie que vous appréciez la visite, mentit-elle. Par ici, je vous prie.

Dans la bouche de la chevalière, la “prière” sonnait plus comme un ordre, et, même s’il pouvait s’agir d’un ton habituel, il était cette fois-ci volontaire. Elle ne voulait pas que le marchand se prenne pour un conquistador et agisse en maître des lieux sur les terres de Falias. Elle souhaitait qu’il garde à l’esprit que si lui pouvait leur tourner le dos, Deyris et les siens pouvaient faire de même.

Un fourreur ouvrir la porte du chalet en pierre où se travaillait la fourrure pour la dernière étape de la préparation de la fourrure, avant la confection. L’odeur était encore lourde, mais bien plus tolérable que dans l’autre bâtiment.

— Cette dépendance est isolée pour que la peau ne conserve pas l’odeur de la chair, commença Thæ, les artisans y réalisent les dernières finitions.

Avec des mouvements de tête, elle pointa du menton les différents atteliers présents dans l’habitacle de bois, dont l’isolation n’avait rien à envier à celle des grandes maisons de Sedna.

— Il s’agit donc notamment du ponçage, de l’égalisation, et du graissage des peaux. C’est d’ailleurs l’odeur de l’huile de pied de bœuf que vous pouvez actuellement sentir, monsieur Vestrit.

La chevalière laissa son associé observer minutieusement les installations, avant de l’inviter à se diriger à l’extérieur de la bâtisse. Elle en profita pour demander aux travailleurs de l’informer immédiatement si le marchand venait à se présenter seul aux fabriques, lui ou n’importe quelle personne qui n’était pas elle.

Elle ne laissait pas transparaître sa méfiance, dans ses gestes, mais ne parvenait pas à considérer Selden Vestrit comme un allié. Un associé, à la rigueur, mais elle ne pouvait lui faire confiance, et doutait que cela changerait. Appelez cela l’instinct.

— Désirez-vous visiter les ateliers de confections ? lui demanda Thæ.

La jeune femme leva les yeux vers le ciel, où le soleil peinait à traverser les nuages. Les oiseaux s’agitaient autour d’eux, signe annonciateur de mauvais temps. Ils devaient rentrer à Sedna rapidement, s’ils ne voulaient subir la pluie féroce de Falias, qui pouvait à tout moment se transformer en une furieuse tempête de neige. Reportant son attention sur son invité, elle ajouta :

— Si vous désirez faire une pause après notre retour à Sedna, ce serait le moment opportun. Une goutte tomba sur son gant de fourrure. L’hiver n’est jamais loin, murmura-t-elle avec sérieux.

En effet, même les habitants de Falias ne se risquaient pas dans les rues lorsque la neige se déchaînait. D’un autre côté, la jeune femme n’aurait aucun remord à abandonner l’arrogant marchand à l’extérieur, au beau milieu d’une tempête. Mais la région glacée passait avant tout pour elle, hélas.

©️ Justayne
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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 31/3/2018, 15:00 ►
En entrant dans la dépendance, Selden eut immédiatement la confirmation de ce qu'il pressentait depuis qu'il avait entreprit d'ouvrir ce nouveau commerce : il avait fait le bon choix. Et même plus, ce choix était certainement l'un des meilleurs qu'il n'ait jamais fait. Il était satisfait, son sourire toujours affiché le montrait bien. Mais c'était un moyen bien insuffisant pour exprimer l'entièreté de son contentement. Intérieurement, il bouillonnait, ne cessant de se féliciter lui-même, et jubilait par avance en imaginant la tête de ses concurrents lorsqu'ils verraient à quel point ce marché sorti du néant se révèlerait fructueux.
    En sentant sous ses doigts la qualité des quelques fourrures prêtes à l'emploi soigneusement entassées sur une table, dans un coin de la petite bâtisse, il ne put que constater la qualité du travail effectué pour arriver à un tel résultat. Ces fourrures étaient parfaites, prêtes à rapporter gros à celui qui avait daigné s'intéresser à elles. Prêtes à faire de lui le leader du commerce de l'Ouest, celui dont la région ne pourrait bientôt plus se passer tant il lui aurait permit de s'enrichir avec lui. Celui qui pourrait bientôt agir ici à sa guise, sans risques de représailles, parce qu'il serait alors l'unique pourvoyeur de richesse dont Falias pourrait s'enorgueillir.
     De par l'accord commercial qu'il avait signé, il était devenu celui qui offrait une réputation à Falias. La région allait pouvoir redorer son image, et lui profiterait de ce nouvel éclat en y participant, d'une part, et en agissant dans son ombre, d'une autre. Qui refuserait alors de recourir à ses services, lui qui serait parvenu à enrichir toute une région ? Qui oserait encore se servir de sa basse extraction pour refuser de faire affaire avec lui ? Une fois qu'il aurait montré son talent et sa maîtrise des finances aux yeux de tous, les grands de ce monde n'auraient d'autre choix que de l'adouber, enterrant par la même occasion ses concurrents, Javieri en tête.
    Et quand cette ultime étape serait franchie, il pourrait se défaire des ses affaires frauduleuses, de ses liens avec le commerce illicite. Blanc comme neige, il n'aurait plus rien à craindre. Il avait prit soin de masquer à la perfection de tels liens, d'abord pour éviter toute accusation, ensuite pour pouvoir les délaisser plus aisément le moment venu.

    Combien de temps s'était-il perdu dans ses pensées ? Combien de temps avait-il passé à tâter ces fourrures comme on plongerait ses mains dans un monceau de pièces d'or ? Il n'aurait su le dire.
    Sortant de son absence passagère, il tourna son regard vers la chevalière, répondant enfin à sa dernière réplique.
    - Je suis ébloui par la finesse du travail réalisé ici. Et j'ai hâte de découvrir ces ateliers. J'espère que les artisans y font honneur à la matière première qui leur est offerte !

    Il reprirent donc le sentier par lequel ils étaient arrivés, rebroussant chemin en direction de la ville. La pluie semblait vouloir les accompagner durant leur retour. Les gouttes, fines et éparses dans un premier temps, ne tardèrent pas à gagner en volume et en nombre. Selden espéra qu'il ne s'agirait que d'une averse passagère, mais en levant les yeux au ciel, ses espoirs furent rapidement éteints. Le ciel était empli de nuages d'un gris presque noir. Et la pluie gagna encore en intensité, véritable cascade venue du ciel, où se mêlaient peu à peu quelques grêlons malvenus.
    Ils durent accélérer leurs pas, non dans l'espoir d'être moins mouillés – ils étaient déjà trempés – mais plutôt dans celui d'arriver en ville avant que les intempéries ne les obligent à trouver un abri de fortune, perdu dans ces bois sombres où le marchand n'avait aucun repère.
    Il espérait que ceux qui l'accompagnaient, la chevalière en tête, savaient où ils se trouvaient, eux, et qu'ils seraient à même de le guider en lieu sûr avant que la lumière du jour ne soit éteinte...
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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 4/4/2018, 21:39 ►


Les raisons du commerce sont toujours les plus fortes. Selden & Thæ Le marchand avait l’air satisfait, s’attardant sur le moindre détail, touchant à tout. Cela satisfaisait Thæ, qui se disait que cela n’avait pas été un si mauvaise décision, après tout, que de s’embarquer dans un tel échange. Cependant, elle savait les marchands xyloglottes et manipulateurs. Aussi, lorsqu’elle entendit Selden complimenter l’ouvrage des artisans fourreurs, elle éprouva un mélange de satisfaction et de méfiance. Il avait déjà tenté de passer par la flatterie pour arriver à ses fins quelques temps auparavant, et la jeune femme n’était pas naïve au point de croire qu’il ne recommencerait pas, et qu’ils deviendraient les meilleurs amis du monde.

Au contraire. Elle accueillit donc la remarque enjouée du marchand avec un vague signe de la main, comme pour dissiper les doutes du marchand.

— N’ayez crainte, je vous assure que vous ne serez pas déçu.

Il ne rechigna pas pour repartir, mais ne devait pas s’attendre à voir le temps changer à une vitesse aussi imprévisible. Ils avançaient rapidement, dans un climat encore plus tendu qu’à l’accoutumée. De gros nuages noirs percèrent l’horizon, devant eux. Il leur fallait retourner en ville avant que la tempête ne s’y abatte. La neige n’était pas au rendez-vous, et des trombes d’eau s’abattaient sur eux. Exaspérée, la chevalière retira sa cape, tout en avançant, et la porta, pliée sous son bras. Imbibée d’eau, cela pourrait se révéler dangereux de marcher avec. Les oiseaux quittaient l’abri des arbres en criant, présage d’un très mauvais temps. Ils accélérèrent encore. S’ils étaient bloqués dans les bois, un abri de fortune ne les aiderait en rien. Sans aucun mage parmi eux, et avec le bois humide, ils ne pourraient se faire de feu, et ne passeraient pas la nuit.

Transie de froid, la chevalière gardait son calme, et avançait avec peine, mais détermination. Le petit groupe arriva une bonne vingtaine de minute plus tard devant Sedna. Il ne restait plus qu’à s’engouffrer dans le premier bâtiment venu. Vu le temps, les ateliers devaient être déserts, pour que les artisans, des hommes et des femmes de Falias, puissent s’assurer de la sécurité de leur famille. Vivre dans une région comme celle de l’ouest comporte des risques, et les modes de vies s’y adaptent, les employeurs ne gardant leurs salariés que si toute sortie comporte un réel danger.

Ainsi, tout s’arrête, à Sedna. Le temps semble figé, une impression seulement trahie par le martèlement de la pluie sur l’ardoise des toits, et les bourrasques de vent qui glacent le sens de ceux qui s’aventurent à l’extérieur des habitats. Je guide mon invité à travers le dédale de rues méconnaissables pour ceux qui ne connaissent pas la ville. Rapidement, nous arrivons devant les ateliers de confection. Sedna n’est pas bien grand, mais la petite troupe de malchanceux était entièrement trempée jusqu’aux os.

— Il faut toujours se fier à la véracité des propos des gens de l'Ouest, en matière de sale temps, railla-t-elle plus pour elle-même que pour son partenaire d'infortune.

Réfléchissant un instant, Thæ alluma les lampes qui couvraient les murs de la pièce. Une lumière tamisée éclaira des mannequins de bois, recouverts de pièces de fourrure et de peau parfois achevés, et parfois en pleine confection. La douce matière première était étalée sur des tables ou les couturiers et couturières les découpaient selon leurs envies.

— Je vous laisse visiter, je vais allumer un feu dans l’arrière-salle.

Plantant là son invité, la chevalière étendit sa propre cape sur un présentoir, et fila vers la pièce où les artisans prenaient leurs repas et leur pause. Aménagée comme une pièce à vie de maison, à cause des fréquentes intempéries, une grande cheminée trônait contre un mur, et du bois  se trouvait à côté. Notant dans un coin de son esprit qu’elle devrait le rembourser, elle alluma un peu, qui finit par prendre, et retourna voir son associé après en avoir quelque peu profité.

— Venez-donc par ici, vous devez être frigorifié.

Mais Thæ ne perdait pas le nord, ni les raisons qui l’avaient poussées à conduire l’homme en ces lieux. Ainsi, elle ajouta :

— Êtes-vous toujours aussi satisfait, monsieur Vestrit ? Des remarques à formuler ?

Elle lui jeta un regard impassible, mais n’attendait pas grand-chose de sa réponse. A vrai dire, elle se doutait que comme tout bon marchand qui se respecte, il n’éprouverait aucun regret à faire de grands bénéfices sur le dos de leur accord. Mais si Falias pouvait en ressortir grandie, la chevalière n’avait aucune critique à formuler. Elle s’assurait simplement que le blondinet respecterait sa part du contrat, sans pour autant renoncer à se méfier de lui comme de la peste.
©️ Justayne

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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 8/4/2018, 12:31 ►
Etre trempé jusqu'aux os... Selden comprenait l'origine de cette expression. Il n'avait pas fallut longtemps au petit groupe pour rejoindre la ville puis pour trouver les ateliers et s'y réfugier, mais les trombes d'eau qui les avaient accompagné sur le chemin du retour avaient suffi à transformer leurs vêtements en véritables éponges. Le vent avait également joué son rôle, ajoutant un ressenti glacial difficilement supportable. Aussi, lorsqu'ils pénétrèrent dans la bâtisse de pierre, le marchand fut-il grandement soulagé d'être enfin abrité des colères du ciel.
    La chevalière avait allumé quelques lampes pour éclairer la pièce. Il n'était pas tard, mais les nuages étaient si épais qu'ils masquaient presque entièrement la lumière du jour. Dans cette ambiance crépusculaire, Selden répondit d'un hochement de tête à l'invitation de sa guide. Il se délesta de son épais manteau alourdi par les intempéries, et commença à inspecter les ateliers. L'homme peinait à se réchauffer dans ces lieux où aucun feu n'avait dû brûler depuis le début de la journée, mais ce qu'il avait sous les yeux lui permit d'oublier le froid qui le poignait. Ses vêtements semblaient vouloir adhérer à la moindre parcelle de sa peau, mais cet inconfort n'était que passager. Ce qu'il voyait en ce lieu en revanche occuperait le premier plan de ses pensées pendant très longtemps.

    Il s'était imaginé devoir faire venir quelqu'un pour enseigner à ces couturiers de nouveaux modèles susceptibles de plaire aux habitants de Majoris. Mais cela ne serait pas nécessaires. Les artisans avaient-ils anticipé ses désirs quand ils avaient appris où iraient désormais le fruit de leur travail ? Ou avaient-ils toujours confectionné de tels chefs-d’œuvre ?
    Selden avait pensé voir là des manteaux et des capes brutes, purement pratiques, voire mal dégrossies, s'accordant ainsi avec les Faliens destinés à les porter. Jamais il n'aurait pensé admirer ici un travail d'une telle qualité. La chevalière n'avait pas menti : la transformation finale était à la hauteur de la matière première. Elle lui faisait honneur, la sublimait même, et parvint à élargir encore un peu le sourire du marchand qui très bientôt les revendrait.
    Dans sa tête il comptait. Il pourrait sans difficulté revendre ces pièces de haute couture le double de leur prix d'achat, à la capitale. Sinon le triple. Et les marins d'Idye s'arracheraient eux aussi des vêtements de cuir si ces derniers s'avéraient être aussi bien confectionnés. Oui, là-bas, au fond de la pièce, un pourpoint de cuir idéal pour n'importe quel matelot : léger mais protecteur, épargnant à celui qui le porterait de subir la bise perpétuelle, sans pour autant tenir trop chaud, ni entraver les mouvements. Tout était parfait et Selden devait afficher un visage d'enfant ravi d'avoir enfin ce qu'il voulait lorsque Thae Helvall l'invita à venir se réchauffer auprès du feu qu'elle avait allumé dans  la pièce voisine.
    La chaleur qui s'en dégageait ne tarda pas à soulager le marchand. Un frisson le fit tressaillir alors que son corps se réjouissait de retrouver une température normale. Il balaya la pièce du regard, et fut surprit par ce qu'il y vit. Était-ce un lieu de travail ou un lieu de vie ? La frontière était ici bien mince entre les deux, et cela en disait beaucoup sur le mode de vie des habitants de la région, décidément bien différent de celui du reste de Caelum.

    Était-il satisfait ? Avait-il des remarques à faire au sujet de ce qu'il avait vu aujourd'hui ? Selden hésita quelque peu avant de répondre. Il ne voulait pas paraitre trop comblé, cela pourrait passer comme étant une faille, mais il ne pouvait pas cependant se montrer trop morne. Comme le pourrait-il alors qu'il sentait en lui une telle jubilation ?
    Jubilation : le terme était parfait. En venant à Falias, il avait déjoué tous les pronostics de ses concurrents. La plupart  d'entre eux avaient vu là une folie passagère, celle d'un homme aux abois qui tentait le tout pour le tout, quitte à risquer la ruine totale. Or, Selden se réjouissait désormais de la tournure que prenait  les choses. Il avait remporté son pari fou, et ses gains seraient même bien plus élevés que ce qu'il avait imaginé.
    - Madame, je n'ai rien à redire. Ce que vous m'avez montré aujourd'hui frôle la perfection. Je dois bien avouer que c'est pour moi une véritable surprise. Une très bonne surprise, cependant.
    Et je comprend mieux désormais pourquoi vous avez été si dure en affaire il y a quelque jours. Ce que Falias a à me vendre est un trésor et vous l'avez défendu comme  il se doit. Mais vous avez fait le bon choix en décidant de me confier la tâche de faire fructifier ce trésor. Il était plus que temps pour vous d'en tirer bénéfice, et je ne puis que me réjouir d'être de la partie !
    Notre partenariat sera un franc succès, je puis vous l'assurer. Je ferai honneur aux marchandises que vous me procurerez. Ainsi Falias s'ouvrira enfin au reste de l'île et peut-être pourra-t-elle très bientôt dire adieu au côté obscur de ses finances ?
    Croyez-moi, je suis sincère en vous disant que c'est un honneur pour moi d'être celui qui participera au renouveau de la région. Que dis-je : à sa renaissance !
    Lors de notre rencontre, j'ai refusé le verre que vous m'aviez proposé. Aujourd'hui, ce serait un plaisir pour moi que d'en lever un pour célébrer le début de notre succès commun. Ce plaisir est il partagé ?
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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 11/4/2018, 21:04 ►


Les raisons du commerce sont toujours les plus fortes. Selden & Thæ Thæ avait écouté le marchand aller et venir dans l’atelier de confection, et sa minutie ne pouvait dire qu’une chose : soit tout était parfait à ses yeux, soit l’intégralité du processus était à reprendre. Mais elle avait foi en la dextérité des artisans de Falias, et le marchand risquait de tomber des nues : il n’avait vu, pour le moment, que les capes de soldats, loin d’être prévues pour la parade ou la mode. La jeune femme ne se souvenait pas d’avoir vu Deyris porter une tenue sortie des ateliers de Sedna, et se dit que c’était peut-être mieux ainsi, puisque leur hôte aurait la surprise de découvrir le travail d’orfèvre des couturiers de la ville. A vrai dire, elle espérait secrètement lui clouer le bec, en le faisant venir ici. Elle l’avait d’ailleurs laissé seul pour qu’il puisse apprécier par lui-même, sans filtre, le travail réalisé dans cet endroit. Enfin, si cela lui convenait – il ne faut jamais attendre quoi que ce soit d’un marchand. Il était vrai qu’elle avait insisté pour que soient exposées les plus belles pièces actuellement sur le marché, mais si leur petit commerce fonctionnait, ce genre de création occuperait une plus grande partie de l’atelier. La jeune femme songea à proposer à Deyris de faire agrandir la fabrique, au bout de la période probatoire. Certes, inonder Majoris de vêtements de fourrures serait un très mauvais plan, mais il ne fallait pas que l’usage quotidien de cet artisanat se laisse engloutir par la demande. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils avaient précisé dans leur contrat que la majeure partie des fourrures iraient à la capitale, pour ensuite être transformées.

Lorsque Thæ croisa le regard du marchand, elle se régala de sa mine réjouie. Il avait le visage de quelqu’un amplement satisfait par ce qu’on lui proposait. Elle était donc en position de rafler quelques petits ajouts à leur affaire. Cependant, elle ne laissa rien poindre sur son visage.

Tous les deux trempés, ils s’installèrent devant le feu qui commençait à brûler furieusement dans l’âtre. La jeune femme vit son hôte balayer la pièce du regard avec étonnement, mais le laissa baigner dans ses réflexions, refusant d’interrompre le fil de ses pensées, même si elle attendait de lui une réponse à sa question. Etant un marchand doublé d’une avidité presque obsessionnelle, selon certains, il devait être en train de calculer, puisqu’il ne parlait pas. Finalement, il fit entendre sa voix, avec un aplomb sûrement revigoré par les flammes et ses découvertes.

La première phrase du marchand aurait pu faire grincer Thæ des dents, si elle ne se maîtrisait pas. Elle avait appris à haïr les compliments, qu’ils lui soient adressés ou non, et détestait par-dessus tous les flatteries. Mais que pouvait-elle dire ? Son partenaire commercial appréciait sa visite, et n’en était pas déçu, bien au contraire. Elle prêta une oreille attentive au reste des paroles du marchand – un véritable flot, comme d’habitude – en se massant les mains dans son dos, près du feu.

Elle non plus ne doutait pas de la réussite de leurs affaires, mais n’en était pas au point de déclamer sa flamme aux fourrures sur un ton aussi théâtral que celui du marchand. Pourtant, elle devrait certainement s’y faire, puisqu’ils seraient amenés à se côtoyer fréquemment. D’un côté, c’était elle qui avait insisté pour être au plus proche des marchandises, pour avoir son petit marchand à l’œil, de l’autre, Thæ savait que ce monsieur Vestrit avait plus d’une carte dans sa manche, et détestait cette idée. Elle devrait juste prendre son mal en patience, et attendre le moindre faux pas de la part de son allié. D’ici là, elle espérait pouvoir se considérer comme son égale, dans cette transaction. Il en profita également pour se jeter des fleurs, gonflants ses propres chevilles d’une estime déjà pleine à ras bord, et se présenta comme le garant, et le protecteur, de leur petite affaire.

Néanmoins, la satisfaction du marchand était contagieuse, et Thæ en aurait presque fait fonctionner les muscles de ses joues, si elle ne s’était pas tenue devant un allié de Falias. Elle ne voulait pas laisser tomber le masque, plus jamais. Cependant, elle était soulagée que leur alliance commence sur de bonnes bases – du moins, en apparence –, et espérait que cela continue ainsi.

Lorsqu’il lui proposa de fêter le début de leur partenariat en y portant un toast, elle le regarda sans réagit, stupéfaite. Premièrement, parce qu’il se souvenait d’avoir refusé un verre, sûrement par stratégie, alors qu’il s’agissait juste d’eau, proposée par compassion pour son voyage. Deuxièmement, parce qu’il venait juste de lui proposer de lever leurs verres à leur futur succès.

La chevalière resta interdite un moment, ne sachant pas comment réagir, partagée entre faire plaisir au marchand, et considérer qu’elle était toujours en train d’accomplir son devoir. Or, on ne consomme pas d’alcool lorsqu’on est en plein travail. Elle résista du mieux qu’elle put, avant de lâcher dans un souffle, comme par peur de regretter ses paroles, un air sérieux sur le visage :

— Bien sûr.

Elle s’éloigna à regret de la chaleur du foyer, s’éclaircissant la gorge, et jeta un coup d’œil à l’extérieur de l’atelier. La pluie torrentielle était entrecoupée de pluie de grêle. Ils seraient bloqués ici un moment. Et puis, Thæ ne résistait jamais longtemps à l’appel de la boisson, surtout lorsqu’un certain marchand l’épuisait mentalement. Elle demanda à son compagnon d’infortune de chercher deux verres, s’il voulait pouvoir fêter cela dignement – pas question qu’elle fasse la servante de monsieur et qu’elle lui prépare sagement la table.

Toutefois, elle n’était pas certaine de trouver de quoi correspondre à l’idée qu’il avait émise dans les placards communs de la pièce où ils se trouvaient. En effet, il n’était pas vraiment recommander d’allier travail et boisson. Néanmoins, un habitant de Falias n’en était pas un s’il n’avait pas de quoi se réchauffer le cœur coincé au fond d’un abri ou d’une maison en pleine tempête, et la jeune femme tomba rapidement sur ce qu’elle cherchait. De l’hydromel. Local, en plus, pile ce dont elle avait besoin pour appâter le marchand, pour qu’il se dévoue corps et âme à la cause de Falias, à travers ce partenariat. A côté, de la bière, locale elle aussi. Elle hésita, mais laissa finalement l’hydromel à sa place, refusant de le soustraire à ses propriétaires.

La chevalière s’approcha de la table sans s’assoir, et remplit les verres. La bière de Falias, et en particulier de Sedna, était faite pour réchauffer les cœurs et les corps, et n’était donc pas des moins fortes.

Pendant ce temps, elle revint rapidement sur les mots de Selden.

— Au vu de votre satisfaction, Sedna pourrait-elle se réserver une partie de la confection des vêtements ? Les couturiers de Majoris pourraient bien sûr venir enseigner leurs modèles, mais je pense que ce serait un avantage pour Falias de participer à la production jusqu’au bout, du moins, à une partie de celle-ci.

Elle attendit que le marchand la rejoigne, pour lever son verre vers lui.

— A notre partenariat, dans ce cas ? lui demanda-t-elle, guettant malicieusement le moment où son nouvel allié porterait son verre à ses lèvres.

D’habitude, elle avait tendance à boire en compagnie des autres membres de la garde de Sedna, et cela ne se passait pas vraiment comme ça – ils donnaient plus l’air d’un groupe de sauvages fanatiques beuglant « pour Falias » à tue-têtes, les jours les plus tristes. Mais jamais elle ne se comporterait comme ça devant le marchand. Néanmoins, cette occasion lui permettrait peut-être de soutirer des informations au marchand, et elle ne manquerait cela pour rien au monde.
©️ Justayne
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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 12/4/2018, 19:50 ►
Bon sang ! Mais de quelle pierre est fait ton coeur, Helvall ?
    La question était légitime d'un certain point de vue, et seulement si elle restait cloitrée dans l'esprit du marchand. Après avoir tenté de pousser la chevalière à exprimer de l'impatience, lors de la visite de la tannerie, il tentait désormais de lui arracher un sourire, en espérant que le sien fut communicatif, ou que ses propos suscitent en elle ne serait-ce qu'une once d'engouement ou de joie vis-à-vis de l'avenir qui se profilait pour la région qu'elle défendait.
    Mais il n'en fut rien. Elle restait de marbre, laissant sont associé seul pour savourer son plaisir. Plaisir qui, bien que sincère, n'aurait en temps normal pas suscité autant de liesse chez lui, et en tout cas n'aurait pas donné lieu à une telle démonstration de sa satisfaction.
    Non, décidément, cette femme là n'était pas du genre à se laisser aller. Constamment bien campée dans son rôle de négociatrice, elle semblait juguler ses émotions d'une main de fer, se contentant de faire son travail, gardant tout son sérieux, n'oubliant aucun des soupçons qu'elle nourrissait sans doute aucun à l'égard du marchand, et sans jamais cacher l'aversion que ce dernier avait fait naître en elle.
    De tout  cela Selden était certain. Il n'était pas dupe et avait senti depuis les premiers instants suivants leur rencontre qu'elle serait intransigeante, aussi froide que Falias, aussi froide qu'un chien rechignant à partager son os, dont personne d'autre ne voulait pourtant.

    Face à un tel mur, la seule solution immédiate qui soit venue à l'esprit de Selden avait été de la faire boire. Bien entendu il se doutait fortement qu'une chevalière telle qu'elle serait rompue à cet exercice à force de beuveries entre membres de la garde, mais il voulut tout de même tenter sa chance, et ce pour deux raisons.
    La première était qu'il avait toujours froid. Le feu ronflait avec force dans la cheminée sise à quelques coudées de lui seulement, mais cela ne le réchauffait qu'en surface. Il lui fallait agir par l'intérieur pour  recouvrer un semblant de tiédeur en son sein, et seul l'alcool pourrait y parvenir suffisamment rapidement.
    La seconde était qu'avec un peu de chance, connaissant la rusticité des boissons de la région, un verre ou deux suffiraient à fêler un tant soit peu le carcan granitique qui enserrait les émotions de la chevalière.
    Au pire, Selden se sentirai mieux, au mieux, il pourrait en plus parvenir à sonder plus avant la personnalité de sa nouvelle associée. Il n'avait donc rien à y perdre. Tout était calculé.

    Elle répondit favorablement à la proposition de l'Idyen, bien que son ton n'affirme le contraire. Peut-être était-elle simplement résolue. Ils resteraient enfermés ici pour un bon bout de temps, et il n'y avait pas grand chose d'autre à faire pour tuer le temps. Elle partit donc en quête de quelque boisson, après avoir missionné Selden pour trouver deux verres. Ce dernier se mit à la tâche sans rechigner. Si elle espérait le rabaisser en lui ôtant le plaisir d'être servi par quelqu'un d''autre, c'était raté.
    Il ne se fit pas d'illusion, et savait qu'il n'avait aucune chance de trouver des verres à pied de cristal dont il avait l'habitude, mais il fut surprit en trouvant, au fin fond d'un placard aussi rustique que le reste du mobilier de la pièce, deux coupes finement ciselées. Il crut d'abord qu'elles étaient en argent, mais sa surprise eut à peine le temps de naître qu'elle fut aussitôt réduite à néant. C'était du fer, aussi simple que le reste de ce qui l'entourait, mais néanmoins poli avec soin et décoré avec goût de motifs floraux. Cela ferait l'affaire.

    Une fois de retour à sa place, il posa les verres sur la table avant que la chevalière ne les remplisse. Qui n'avait jamais bu de bière de Falias ne se serait pas douté qu'il s'agisse effectivement de houblon fermenté, aussi Selden prit-il le temps de regarder, de sentir et de regarder encore ce que contenait son verre pour feindre l'ignorance. A chaque fois qu'il était venu dans l'ouest, ses associés véreux lui avaient offert de boire un verre de ce qu'ils appelaient de la bière. Leur breuvage était le plus souvent immonde, presque noir, comme de la boue devenue par miracle effervescente et alcoolisée. Ce que Thae Helvall venait de servir semblait être de meilleure qualité, quoique qualité soit encore un bien grand mot pour qualifier cette piquette.
    Alors qu'il prenait soin de jouer au néophyte de l'alcool Falien, la chevalière tentait d'affiner les perspectives de leur accord commercial. Décidément, elle ne perdait jamais le nord, et même ce moment qui se voulait agréable et détendu ne parvenait pas à la faire dévier d'un iota de son objectif. Elle était toute à sa mission et conservait le sérieux qui allait de paire avec ses fonctions. Selden était lui aussi entièrement dévoué à sa tâche, seulement il en profitait pour jouer un peu, joignant l'utile à l'agréable. Leurs caractères étaient aussi éloignés que possible et, l'espace d'un instant, Selden se demanda comment ils avaient put parvenir à un accord malgré leurs différences.

     - Je crains fort que cela ne soit pas possible. Il prit soin d'observer la réaction de son interlocutrice avant de reprendre. Dans un premier temps en tout cas. Si nous voulons que notre entreprise soit pérenne, il nous faut agir par étapes. Tout d'abord, nous apportons aux couturiers de Majoris de quoi relever leurs créations habituelles d'un soupçon de rusticité exotique. Puis, une fois ce nouvel aspect bien ancré dans les habitudes de la haute société, nous pourront faire venir ces couturiers à Falias pour ajouter un nouvel élément capable d'attirer les convoitises : "Cousu main à Falias." Croyez moi, cela fera fureur ! Ce n'est qu'une fois cet étape franchie que nous pourrons envisager d'aller plus loin en ajoutant encore une touche d'originalité. Le style des ouvrages que j'ai put voir ici fera mouche à la capitale, mais il faut d'abord y aller en douceur.
    Et alors que les riches gens de Majoris s'arracheront les créations venues de l'ouest, ce sera au tour des citoyens lambda de se vêtir de vêtements de coupes habituelles, rehaussés de fourrure, et ainsi de suite. En agissant de la sorte, nous pourrons créer un effet boule de neige qui ne cessera de s'accroître des années durant. C'est à cela que nous trinquons aujourd'hui : à l'avenir !


     Son monologue achevé, il fit tinter son verre contre celui de la chevalière avant de boire son contenu d'un seul trait. Il ne broncha pas quand ses papilles constatèrent à quel point la bière était forte, très alcoolisée et d'une amertume sans égale. Il avait bu bien pire dans sa prime jeunesse, alors qu'il travaillait pour la pègre de Bara, et bien pire encore alors qu'il commençait à écumer les salles de jeux de bas étages.
     En reposant son verre devant lui, il jeta un regard à la chevalière. Serait-elle surprise qu'il puisse boire un tel breuvage malgré ses airs raffinés ? Avait-elle choisi ce dernier en pensant pouvoir se moquer de lui et de son estomac qu'elle ne pensait pas si bien accroché ? Si tel était le cas, elle serait déçue, à n'en pas douter. Mais cela se lirait-il sur ses traits ?
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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 15/4/2018, 17:40 ►


Les raisons du commerce sont toujours les plus fortes. Selden & Thæ La main fermement serrée autour de du verre en fer, Thæ observait le marchand avec une certaine curiosité, alors qu’il scrutait avec intensité le breuvage au fond de sa propre coupe. Elle s’attendait à le voir au moins froncer le nez, crachoter peut-être, vu ce qu’elle lui avait servi. Ce n’était peut-être pas la meilleure bière de Falias, loin de là, mais elle s’approchait déjà plus de ce que la jeune femme avait pu goûter au cours de ses voyages dans les autres régions que les autres boissons de Falias. Là seule véritablement bonne était l’hydromel, mais elle ne pouvait se résoudre à ouvrir la bouteille qu’elle avait aperçu, d’autant plus que cela causerait certainement sa perte. Sans être alcoolique, Thæ avait un goût prononcé pour l’hydromel de Sedna, et ne manquait pas, à quelques occasions, d’en abuser. Aussi, elle espérait pouvoir voir le visage de son irritant allié se décomposer quelque peu. Elle avait l’impression, avec du recul, d’être un chien face à un chat, l’un comme l’autre cherchant en permanence à garder le dessus, et à désarçonner l’autre. Elle n’était pas dupe et se doutait qu’il ne lui avait pas proposé de boire sans une raison derrière la tête. Cependant, la jeune femme était presque sûre de remporter ce nouveau duel, si l’alcool en était l’arme.

Le marchand répondit à sa question, et elle apprécia qu’il ne se perdre pas dans ses visions de succès, pour continuer d’aborder le sujet avec raison. Elle fronça légèrement les sourcils en écoutant le jeune homme. Il connaissait son métier comme sa poche, il fallait lui reconnaitre ça.

— Vous avez tout à fait raison, répondit-elle d’un ton mesuré, je ne m’attendais pas mettre cela en place de suite, bien entendu. Je ne voudrais simplement pas que Majoris s’accapare nos us et coutumes, pour ensuite être victime de son propre succès. Mais comme vous venez de le présenter, je n’ai aucune objection à formuler, et je suis certaine que si nous menons à la perfection notre barque, vos prévisions se réaliseront.

Thæ ne releva pas l’insulte polie du marchand, mais serra intérieurement les dents. « Rusticité exotique », elle croyait rêver, malgré le fait que ce soit quelque part vrai que les vêtements de Falias n’étaient clairement pas conçus pour les grands princes de Majoris.

Ce qui suivit décontenança la chevalière. Elle qui attendait de voir le marchand rendre sa boisson, elle venait de le voir l’avaler d’un coup, sans signe extérieur de surprise. Elle était déçue, et se contenta de rendre son regard à son nouvel allié. Il l’irritait décidément beaucoup trop pour qu’elle puisse considérer cette pause dans leurs affaires comme une petite partie de plaisir, incapable de voir Selden comme un ami avec lequel elle pourrait trinquer. Comme pour lui demander ce qu’il attendait, au juste, à la fixer, elle haussa légèrement un sourcil, avant de l’imiter et de vider son verre, avec un « à l’avenir » tout de suite moins convainquant et moins théâtral que celui qui avait résonné dans la bouche du marchand. Autant, elle était capable de se laisser aller et de prendre du plaisir à siroter de l’alcool pendant toute une soirée, autant, face au marchand, elle ressentait le besoin permanent d’être sur ses gardes.

Le regard de l’homme lui indiquait néanmoins qu’ils jouaient au même jeu : cherchant à piéger l’autre, à le surprendre, pour mieux jauger ses réaction, percer le masque qu’il portait. C’est bien ce qu’ils faisaient, l’un comme l’autre : porter un masque. Et la chevalière s’employait à tenter de déterminer les contours de celui du marchand, qui lui semblait beaucoup trop insaisissable à son goût. Et, même si elle s’estimmait capable de pouvoir surmonter n’importe quel défit, celui que représentait son compagnon ne faisait qu’attiser l’agacement de la jeune femme. Ils étaient comme chien et chat, vraiment, chacun défendant ses positions sans vouloir céder de terrain.

Thæ abattit son verre sur la table avec une fermeté contrôlée, juste de quoi exprimer qu’elle ne se laisserait pas faire.

— Eh bien, monsieur Vestrit, vous êtes l’un des rares invités de Falias à supporter ainsi la bière de l’Ouest, vous m’en voyez surprise, je vous l’avoue. Je m’attendais à ce que vous soyez plus habitué au doux cidre d’Idye ou au fin vin de Majoris, et non à la bière rustique, quoique peut être exotique selon vous, de Falias.

Elle marqua une pause, se resservant et proposant au marchand de le servir à nouveau. Ce n’était pas le genre de breuvage dont on se délectait, aussi elle ne s’attendait pas à ce qu’il en reprenne. Quant à elle, elle connaissait ses limites, et en était encore bien loin. Entre une vie de travail dans une auberge spécialisée dans l’accueil de voyageurs, et le reste de cette vie à se faire une place parmi les hommes de Falias, elle était assurée de ne pas s’écrouler sur la table avant un bon nombre de verres encore.

— Mais j’en suis rassurée, quelque part, ajouta-t-elle. Je n’aurais pas aimé devoir vous raccompagner à votre auberge parce que vous n’auriez pas été en état de marché.

En réalité, elle aurait éprouvé du plaisir à l’abandonner ivre mort dans les rue de Sedna, mais ce n’était pas le genre de chose que l’on avouait à un partenaire commercial. Mais ce qui la froissait le plus, c’était qu’elle devrait certainement attendre un bon moment avant d’espérer pouvoir soutirer des informations au marchand.

Mais elle tiendrait bon, et ne s’avouerait pas vaincu avant de l’avoir percé à jour. En se disant que c’était pour le bien de Falias, Thæ en faisait une affaire personnelle, et n’arrêterait pas avant d’être certaine qu’il ne représentait aucun danger pour la région et pour Deyris, ou qu’il se laisse prendre alors qu’il exerce quelque activité frauduleuse.

La chevalière fixa le marchand, sirotant avec cette fois plus de modération la forte bière. Il lui faudrait encore beaucoup de verres avant qu’elle ne s’avoue vaincue. Mais il faudrait tout de même qu’elle fasse attention à ne pas se laisser emporter par son goût pour la boisson, et à mesurer ses paroles en présence de son allié – un bien grand mot, à ses yeux. Loin d’apprécier sa présence, elle souhaitait de tout son cœur que la tempête passe au plus vite. Se savant d’un mutisme impénétrable, la jeune femme ne s’attendait pas à ce que son nouveau compagnon de désarroi ne lui fasse la conversation, et cette soirée s’annonçait ainsi des plus palpitantes.

Si au moins lui pouvait se laisser aller, laisser l’alcool embrumer son esprit, révéler ses faiblesses et ses craintes, ce serait déjà plus amusant. Mais, au vu de la manière dont il avait bu son premier verre, Thæ commençait à craindre que le marchand ne soit pas à ce point manipulable, et cela la décevait presque, puisque c’était là la seule chose qui pouvait la consoler d’être ainsi cloitrée en sa présence.

L’alcool et le feu réchauffant ses os, elle posa de côté son épée – jugeant préférable de ne pas risquer d’égorger le marchand. Puis, se levant avec son verre, elle rajouta une bûche dans le foyer, et y resta debout, pour mieux considérer l’homme. Refusant de se comporter avec lui comme avec quelqu’un d’étranger à son travail, elle demeura silencieuse, se contentant de liver sa coupe vers lui avant de l’achever.

« L’avenir », avait-il dit. La jeune femme se demandait ce que réservait le futur à Falias, et doutait encore de la sincérité du marchand.
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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 17/4/2018, 19:43 ►
Cet erzatz de bière n'en avait ni l'aspect, ni le goût, tous deux étant ici affreux, mais au moins avait-il le mérite de remplir sa fonction première, surtout dans une région aussi froide : elle réchauffait les corps et les coeurs. Selden fut étonnament soulagé d'en sentir l'effet presque immédiatement après avoir vidé son verre. Le goût était infect, mais passable quand on sait à quoi s'attendre. Passé ce premier désagrément, le marchand eut du mal à réprimer la sensation bien être qui commença à le parcourir. Enfin il n'avait plus froid, du moins plus autant. Il ne devait cependant rien laisser parraître. L'heure était venue de jouer le jeu de son adversaire et d'afficher lui aussi un visage froid, distant, respectueux par obligation.

     En fait d'adversaire, elle n'en était pas vraiment une, du moins pas aux yeux de Selden. Elle avait certainement un tout autre point de vue à son sujet, mais lui persistait à voir en elle une associée et non, par conséquent, quelqu'un qui lui veuille du mal.
    Oui, elle serait toujours là pour le surveiller. Elle ne cachait pas son mépris à son encontre, ni ses doutes quant à sa fiabilité. Peut-être même voyait-elle clair dans son jeu et, sans preuve évidente à fournir, ne pouvant pas appuyer ses soupçons sur quelque fondement que ce soit, attendait-elle le premier faux pas du marchand avant de se jeter sur lui et de le déchiqueter.
    Mais cela n'arriverait pas. Il connaissait trop bien son métier pour commettre une telle erreur. Il avait même les coudées franches, contrairement à ce que la chevalière pensait peut-être. Il avait des espions, de l'argent, une couverture à toute épreuve, et sa signature ornait le pied-de-page d'un accord commercial qu'il était parvenu à orienter selon ses désirs. Légalement elle ne pouvait rien contre lui. Et lui ne ferai pas d'erreur – en avait-il jamais fait ? - qui puisse le permettre.
    Il avait eut un autre objectif en revanche. Il avait voulu se simplifier la vie et mettant Thae Helvall dans sa poche. Il avait voulu la désarçonner, la pousser à bout – à l'erreur – la forcer à montrer qui elle était vraiment. En la connaissant un peu mieux, il aurait eut en sa possession les outils nécessaires pour la diriger un peu plus comme il le voulait. Il aurait su sur quel bouton appuyer pour déclencher telle ou telle réaction, voulue par avance.
    Or, en ce domaine, il avait échoué. Elle s'était montrée tenace, d'une volonté de fer, d'une patience à toute épreuve. Même l'alcool n'y faisait rien, aussi Selden se rendit-il à l'évidence. Il lui faudrait composer avec cet être froid et aussi émotif qu'un mur. Il lui faudrait être le mur d'en face. Plus épais, plus haut peut-être, mais un mur quand même. Associant leur forces pour soutenir le même toit, mais sans aucune brique commune. Associés ils le seraient par la force des choses, tout autant qu'ils seraient à jamais opposés l'un à l'autre.

    Mais, contre toute attente, alors qu'il venait de se résoudre à rendre les armes, la chevalière, après avoir elle aussi avalé son verre d'un seul trait, ouvrit une nouvelle brèche qui raviva les espoirs du marchand. Elle était bien mince, mais s'il parvenait à s'y engouffrer, il pourrait peut-être finalement atteindre son objectif.
    Il n'hésita pas un seul instant. L'occasion était trop belle. Thae Helvall venait, sans s'en rendre compte, de lui tendre la perche qu'il cherchait à saisir depuis si longtemps :  une simple discussion entre deux compagnons de boisson. Le temps de quelques phrases, elle avait mit au placard les considérations commerciales pour parler de lui. En buvant sans broncher l'affreux breuvage, il avait suscité en elle un soupçon de curiosité. Elle ne s'était pas attendue à ce qu'il accomplisse cela avec autant de facilité. Peut-être même s'était-elle essayée à l'humour en parlant de le ramener à son hôtel ivre mort.
    Non, réfrènes tes ardeurs Selden. Ne baisses pas ta garde et contentes toi pour l'instant de prendre la température...

    Alors que la jeune femme se levait, il répondit à sa petite pique :
    - Je suis désolé de vous décevoir, mais je ne suis peut-être pas aussi raffiné que vous ne le pensiez. J'avais froid, aussi n'ai-je pas hésité à boire pour me réchauffer. Je dois avouer que le goût m'a surprit, mais j'ai déjà bu bien pire par le passé. Bien sûr, je bois plus souvent du bon vin et des eaux de vies de qualité. Mais avant d'y prendre goût, mon foi s'est forgé à coups de piquettes et d'alcools frôlâtes.
    Je vous ai déjà dit que je viens de la rue, et pas d'une riche famille. Que croyez-vous qu'un adolescent vivant dans les caniveaux de Bara puisse s'offrir alors qu'il en est arrivé à vouloir goûter aux plaisirs d'une première cuite en bonne et due forme ?

    La chevalière, toujours debout, venait de siffler son deuxième verre. Après y avoir seulement trempé les lèvres à plusieurs reprises, elle semblait s'être résignée à répondre à l'appel qu'un verre rempli clame haut et fort. L'appel qui pousse certains à le vider sans réfléchir.
    Était-ce là l'un de ses points faibles ? Ou bien était-elle en train de surenchérir pour prouver qu'elle aussi savait boire de la piquette à outrance ? Selden préféra penser que ce dernier geste était une petite provocation visant à voir jusqu’où lui-même pourrait aller. Soit. Si elle pensait le battre à plate couture dans ce domaine, elle se méprenait totalement. Mais peut-être pourrait-il en jouer. Il avala lui aussi son deuxième verre sans cérémonie avant de se saisir de la bouteille pour s'en servir un autre. Ce faisant, il ne jeta pas un seul coup d’œil à sa collaboratrice
    - Cette bière n'est pas plaisante de prime abord, mais on y prend goût finalement. Boirez-vous un troisième verre avec moi ?
    Sans la regarder encore en face, il tendit la bouteille dans sa direction, l'invitant à approcher son verre pour qu'il le lui remplisse à nouveau.
    - Je dois dire que je m'attendais à pire. Falias n'est pas réputée pour la qualité de ses alcools locaux... Mais peut-être pourrions-nous signer un nouvel accord visant à développer cela ? Je pourrais trouver facilement quelques brasseurs pour venir ici enseigner leurs savoirs. Et de rire avec légèreté à sa petite blague. Mais les on-dits sont souvent trompeurs et il me semble avoir déjà entendu parler d'un hydromel sans pareil venant tout droit de votre région. S'il existe, je me dois d'y goûter ! Savez-vous où je pourrais me procurer une bouteille de bon cru ?
    Enfin il daigna croiser son regard, reprenant quelque peu son sérieux, mais sans effacer totalement son sourire, celui d'un homme détendu. La partie n'était pas terminée, mais il sentait venir le commencement de dernière manche.
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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 23/4/2018, 23:52 ►


Les raisons du commerce sont toujours les plus fortes. Selden & Thæ L’avantage de grandir au milieu d’hommes en tous genres, aux idées et aux aventures variées, c’est que l’on comprend rapidement leur fonctionnement. Et leurs clichés. Sans faire de généralités, Thæ savait pertinemment comment user de son image. Habile diplomate lorsqu’elle le voulait bien, elle avait beau être réticente à exercer ses zygomatiques en la présence d’autre personnes, elle n’hésitait pas à donner l’impression d’être faible. Les hommes sont bien tous les mêmes, à ses yeux, et il n’est pas difficile de leur faire croire à une ouverture. L’alcool servant de véritable illusion. Comme si un peu de piquette pouvait suffire à briser l’épaisse couche de glace qui recouvrait la coquille de la chevalière. S’intéresser à eux, ou du moins leur faire croire, jouer les éméchées, et ça y est, un mythe ce brise à leurs yeux et ils baissent leur garde, tandis qu’elle jubile. La jeune femme ignorait combien de temps cela prendrait, mais elle était patiente. Très patiente. Le marchand n’aurait certainement aucun sourire de sa part, mais les quelques fausses pistes qu’elle laisserait, faisant croire à une ivresse illusoire, suffiraient – d’autant plus qu’au vu de sa vocation, il noterait immédiatement un quelconque sur-jeu de la part de Thæ. Il lui fallait être prudente.

Alors le commerçant lui parla de lui. Légèrement, mais juste assez pour qu’elle comprenne qu’il avait l’intention de rentrer dans son jeu. Ou du moins qu’il y avait cru. Elle sourit intérieurement, attendant la suite. Il s’étendait. Non pas que ce soit rare, au contraire, mais il parla longuement de lui-même, sûrement ravi d’être sous le feu des projecteurs.

— Je me doute bien. Néanmoins le goût de l’alcool se perd, et l’endurance aussi. Aussi je pensais que vos papilles désormais trop habituées aux mets et boissons raffinés pour résister à celles de ce genre-ci.

Un autre verre. Pas comme si c’était difficile. La chevalière tenait encore parfaitement debout, et le feu lui réchauffait les os, augmentant sa volonté. Elle réprima un rire lorsque le marchand finit d’une traite le reste de sa coupe rustique. Rira bien qui rira le dernier. Thæ se contentait de l’observer sans mot dire, ne cherchant pas à entamer de conversation. Elle avançait à pas de loup, petit à petit, mais avait conscience qu’elle pouvait prendre le dessus, et retourner la situation.

Le marchand l’invita à prendre un troisième verre. Haussant les épaules, la chevalière accepta – au nom du devoir, bien sûr – et ne rechigna pas. Le contenu de la bouteille ne tarderait pas à en être absent, à ce rythme-là, et ce serait au premier qui roulerait sous la table. Or la jeune femme ne comptait pas s’effondrer ici, et encore moins devant son associé. Cependant, elle tiqua. Il ne daignait pas la regarder, fixant elle ne savait quoi. Elle demeurait interdite, ne comprenant pas quel message cela pouvait signifier.

En matière de relations humaines, Thæ était loin d’être calée. Elle ignorait presque tout ce qu’il n’avait aucun rapport direct avec les mensonges et apparences nécessaires à la politique et à la diplomatie. Sans surprise, puisqu’elle refusait de s’attacher aux personnes qui croisaient son chemin. Elle n'était même pas irritée par l’attitude de son interlocuteur, loin de vouloir s’en faire un ami. Juste surprise, car un tel changement pouvait par contre signifier que le marchand allait changer de tactique, et se refermer comme une huitre. Or, malgré sa détermination pour en savoir plus, la jeune femme ne comptait pas s’acharner sur lui outre-mesure.

Elle se contenta de glisser un léger « merci » après qu’il l’eut servie, et repris sa place près du feu. N’étant pas de Falias à l’origine, elle continuait à préférer la chaleur – comme n’importe quel être humain normal, à vrai dire – même si elle avait appris à résister aux températures, tout comme les autres habitants de Sedna.

Thæ écouta d’une oreille distraite les propos du marchand, essayant de deviner quand la tempête se terminerait en écoutant le bruit du vent. Un coup de tonnerre se fit entendre au loin, comme pour la pousser à abandonner tout espoir de finir sa soirée loin de son associé. Elle fixa à nouveau le marchand, qui riait à une blague dont elle avait du mal à comprendre le sens. Non pas qu’elle soit bête, mais l’humour ne faisait clairement pas partie des cordes qu’elle avait à son arc.

Puis il fit une remarque qui mit la puce à l’oreille de la chevalière. Elle fronça les sourcils, croisant finalement son regard. Elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer que son hôte avait toujours une intention cachée derrière la tête. Mais elle était incapable de savoir laquelle ou de le prouver. Elle le darda d’un regard hautain.

— Décidément, monsieur Vestrit, il vous en faut toujours plus. Une vraie diva.

Elle porta son verre à ses lèvres, avant de jouer un peu avec son contenu, fixant l’alcool de mauvaise qualité refléter son visage blanc.

— Je crains que les termes « sans pareille » soient un peu exagéré au vu de ce que vous avez déjà pu goûter auparavant, cependant.

La bière n’allant pas tarder à manquer, elle n’aurait bientôt plus de moyen de tirer avantages de la situation. D’un geste résigné, elle indiqua à bout de bras l’emplacement de l’hydromel qu’elle avait aperçu plus tôt.

— Ne m’en voulez pas, je n’ai pas envie de quitter la chaleur du foyer. Je vous laisse vous servir, j’espère que vous ne serez pas déçu par ce « cru ».

Elle accentua le dernier mot avec ironie, en espérant que cette bouteille-ci serait la bonne, et qu’elle parviendrait à ses fins avec l’hydromel des artisans. Avec un léger et factice sourire en coin – elle était prête à faire des concessions –, elle ajouta sur un ton volontairement railleur :

— Vous me direz s’il s’agit cette fois d’un breuvage à la hauteur de vos espérances, et s’il serait bon d’en faire le commerce.

La chevalière en doutait fortement, mais préférait faire mine d’avoir compris le trait d’humour qu’il avait fait plus tôt, pour se donner un peu de contenance.  Elle suivit du regard le moindre de ses gestes, cherchant à déceler le moindre défaut d’équilibre, le moindre geste superflu, dans l’espoir d’y voir une faiblesse, une ouverture. Priant presque pour assister à une chute grotesque.

Cependant, Thæ était irritée de la résistance de son hôte. Elle avait conscience que ni l’un ni l’autre ne pourrait tenir éternellement, et qu’ils finiraient si ça se trouve par s’endormir sur place, ou se révéler leurs plus grands secrets pour mieux les oublier le lendemain, en se réveillant avec un mal de crâne atroce. Mais elle voulait absolument tenter le coup, essayer d’approcher de ses mains la carapace du marchand pour la palper, et, à tâtons, y découvrir une faille. Elle voulait qu’il se dévoile.

Mais la jeune femme savait qu’elle n’était pas au bout de ses peines.
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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 15/5/2018, 21:26 ►
Il ne put pas s'empêcher de rire. Bien entendu il ne s'était pas esclaffé et avait simplement pouffé en s'entendant qualifié de diva par la chevalière. S'essayait-elle à la légèreté ? La tactique de Selden était-elle en train de porter ses fruits ? Il était trop tôt pour le savoir et il faudrait persévérer, continuer dans la même direction, pour finir par en avoir le cœur net.
    Mais cette réflexion laissa bientôt place à une autre, bien moins réconfortante. En temps normal, il aurait contenu son rire, attendant de lire dans le regard de son interlocutrice un signe qui lui dise qu'il pouvait se permettre de laisser échapper ce petit gloussement. Ce constat le déstabilisa quelque peu bien que, cette fois-ci, il parvint parfaitement à ne rien laisser transparaître. Était-il en train de perdre le contrôle ? Thae Helvall avait-elle finalement réussit à l'épuiser au point qu'il ne parvienne plus à garder son sérieux et son sang-froid ? Ou l'alcool commençait-il à faire effet sur lui, l'empêchant de maintenir le contrôle qu'il avait jusque là de lui-même et de la situation ?
    Rien n'était moins sûr, mais cette révélation lui fit l'effet d'un coup de fouet. Il fallait se ressaisir, retrouver la prudence qui était de mise dans une telle situation. Cela ne serait pas compliqué. Il n'avait fait qu'un tout petit écart qui ne choquerait certainement pas étant donné qu'il collait parfaitement au rôle qu'il avait décidé de jouer quelques secondes auparavant en décidant de parler de lui, de sembler plus à l'aise et naturel.
    Pas de panique donc, mais un petit rappel à l'ordre tout de même.

    Il avait pensé à tout cela en suivant la direction indiquée pour trouver l'hydromel demandé. Il n'avait pas pensé en trouver ici, et sa question avait plutôt visé à dénicher une bonne adresse pour qu'il s'en procurer plus tard, mais soit, s'il fallait en boire aujourd'hui il le ferait.
    Mais un détail fit mouche dans l'esprit du commerçant. Helvall ne semblait pas hésiter à vider les stocks de la manufacture. Il semblait évident que la bouteille d'hydromel, la dernière se trouvant dans le placard, ne lui appartenait pas. Et Selden savait combien pouvait coûter une telle bouteille – trop cher pour de simples couturiers. Il n'en avait jamais acheté, mais savoir le prix des choses était son métier.
    Cette attitude chez la chevalière – qu'il n'imaginait ni voleuse, ni peu respectueuse des petites gens - pouvait révéler deux choses : soit elle voulait faire boire Selden à tout prix pour qu'il baisse sa garde, soit elle avait elle-même envie de boire, auquel cas cela pouvait constituer une faille dans son épaisse carapace de femme d'arme venue de l'ouest.
    L'occasion était trop belle, bien que le risque soit énorme. Il pourrait perdre tous ses moyens – il ne savait pas quel effet l'hydromel aurait sur lui – mais si cela lui permettait de mieux connaître sa compagne de beuverie, cela en vaudrait la peine. Et puis il avait déjà feint l'ivresse plus d'une fois pour déstabiliser ses adversaires, notamment alors qu'il brillait par ses victoires aux jeux d'argent. Il savait donc quel jeu jouer et était presque certain de rafler la mise s'il parvenait à garder tous ses moyens.

    Regagnant la table, sa chaise et son verre, la bouteille à la main, il s'assit avant d'entreprendre de la déboucher. Encore une fois, il ne croisa pas le regard de son hôte, d'une part parce qu'il était trop concentré sur l'extraction de ce bouchon qui ne semblait pas vouloir sortir, d'autre part parce qu'il venait de relever la référence faite par la jeune femme à sa petite blague au sujet du commerce de l'alcool Fallien.
    S'essayait-elle à l'humour ? Sans doute pas. En revanche, elle semblait enfin prompte à discuter avec Selden d'autre chose que de leur accord commercial. La tactique de l'Idyen était peut-être bel et bien en train de porter ses fruits et il profita de tirer un bon coup sur le bouchon pour faire passer le petit sourire qui lui vint alors pour un rictus dû à l'effort.
    Le bouchon était sorti, enfin. Il se servit sans même proposer un verre à celle qui lui offrait ce breuvage, petite provocation qui répondait à celle dont il avait fait les frais. Elle avait voulu qu'il se serve par lui-même. Elle devrait faire de même si elle voulait siffler un autre verre.

    Selden prit beaucoup plus de précautions pour apprécier l'hydromel. Il connaissait la réputation de cet alcool et voulait être certain d'en profiter pleinement. Il prit donc soin d'observer les reflets du liquide doré, malgré l'opacité de son verre, puis prit le temps d'en sentir toutes les fragrances après avoir fait tourner son gobelet. Enfin il en prit une gorgée, toute petite, qu'il fit rouler sous son palet afin d'en ressentir le moindre arôme.
    Et il fut médusé.
    Cela dépassait toute ses attentes : c'était un pur délice, une explosion de saveurs fruitées, boisées, presque forestières, qui emplissait sa bouche. L'alcool était bien présent, mais la richesse aromatique de cet hydromel en masquait la brûlure.
    C'était un piège. Cette boisson était dangereuse pour qui n'en avait pas l'habitude, et – Selden en était certain – Helvall le savait. Elle avait réussit son coup, sa proie ne pouvant plus faire demi tour. La bouteille était ouverte, ils étaient coincés ici tous les deux, sans rien d'autre à faire que de boire pour oublier leurs déboires et la compagnie de l'autre, que chacun trouvait peu plaisante.
    Le marchand avait commit une erreur, la première depuis bien longtemps, et elle pourrait lui être fatale. Cependant il en avait conscience ce qui minimiserait peut-être les conséquences de la stratégie de la chevalière. Une fois encore – cela semblait être le mot d'ordre du jour- il faudrait être patient, attendre de voir et rester sur le qui vive. Et puis...
    Et puis jouer le jeu. C'était la seule option immédiatement accessible pour se sortir de cette impasse. Laisser croire qu'il était bel et bien coincé, prit au piège, et prier secrètement pour résister un tant soit peu aux effets inconnus de l'hydromel.
    Il reprit donc la parole :
    - Eh bien ! On ne m'avait pas menti ! Cette hydromel est  une pure merveille, et je persiste sur mon offre : si l'envie vous en prend, si vous voulez enrichir encore un peu plus votre Région, je suis votre homme et me ferait un plaisir d'exporter ce délice aussi loin que possible !

    Puis un silence, plutôt long, pesant car bien pesé, et accentué par un regard, fixe, dans le blanc des yeux de celle qui l'écoutait. De ces regards qu'ont les hommes dont l'esprit s'égare de par l'effet de la boisson, qui fixent un point invisible des autres pendant de longues secondes.
    Selden n'était pas ivre. Il feignait de l'être et, parlant à nouveau, il continua sur sa lancée avec une franchise jouée à la perfection : celle de celui qui a un peu trop bu.
    - Savez-vous ce que j'aime dans mon métier ? Nouvelle petite gorgée d'hydromel. Deux choses principalement.
    La première est l'imprévu. Qui aurait imaginé que l'on finisse là, à boire cet excellent hydromel comme deux vieux meilleurs ennemis qui n'ont pas grand chose à se dire, en priant pour que la tempête cesse là dehors ?
    La seconde, c'est le challenge, la difficulté ! Et je dois avouer que sur ce second point vous surpassez bon nombre de mes associés. Vous êtes faite pour votre métier. Deyris Keruto vous a bien choisie...


    Puis de retomber dans le mutisme et de retrouver un regard vague, fixant nul ne savait quoi sur la table devant lui.
    La réponse de la chevalière serait déterminante. Elle dirait peut-être si Selden était bel et bien prit au piège, ou s'il était parvenu à trouver une porte de sortie, là-bas, tout au fond de l'impasse, à peine entrouverte.


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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 10/6/2018, 03:20 ►


Les raisons du commerce sont toujours les plus fortes. Selden & Thæ Thæ commençait à se perdre dans la brume alcoolisée de ses pensées. Elle essayait de maintenir un état lucide, mais commençait à maudire la tempête, l’hydromel et finalement tout Sedna. Mais le fait que le marchand, son adversaire du soir, se mette à pouffer à sa remarque la revigora. Tout n’était peut-être pas perdu. Ni joué, d’ailleurs. A l’origine, elle voulait plutôt l’insulter, et non tenter un fébrile trait d’humour, mais il valait peut-être mieux qu’il le prenne au second degré, histoire de ne pas créer d’incident diplomatique. Ou alors Selden Vestrit était de ceux que l’on ne parvient que très difficilement à faire sortir de leurs gonds. Elle le fixa sans mot dire, étonnée par la réaction de son hôte. Il allait sans dire que les deux compères malgré eux n’en pouvaient plus. De plus, Tahe commençait à s’inquiéter pour sa santé : la différence de température entre l’extérieur et l’intérieur de l’atelier était énorme, et l’abus d’alcool n’aidant pas à évaluer ce qui les entourait, il était tout à fait possible – voir probable – qu’elle finisse enchifrenée avant l’arrivée de l’aube. Quant au marchand, qui était arrivé trempé jusqu’aux os, elle ne donnait pas cher de sa gorge, et lui souhaitait de cracher ses poumons le lendemain matin. Thæ, une aimable chevalière ? C’est ce qu’elle donne à croire, mais l’alcool et l’imprévisibilité du marchand n’aidant pas, elle mourrait d’envie de le jeter hors de leur abri, dans le froid. Diplomatiquement parlant, cependant, son geste n’aurait certainement pas été bien accueilli, alors elle se contentait d’afficher une mine impénétrable, en espérant déceler les arrières pensés de celui qu’elle considérait comme un adversaire. C’est donc en croisant les doigts qu’elle tentait de se persuader que ce gloussement échappé de la bouche de ladite diva était une preuve du début d’une légère ivresse.

Il parut surpris de l’entendre indiquer l’emplacement de la bouteille d’hydromel. Quoi de plus normal ? Thæ n’était pas chez elle et proposait de ce précieux breuvage à un marchand étranger. La scène avait de quoi faire rire, et elle-même ne savait pas vraiment pourquoi cette invitation lui avait échappé. Elle maugréa en silence. S’était-elle laissée emportée par l’alcool qui embrasait sa gorge ? Sûrement. Ses phalanges blanchirent légèrement lorsqu’elle serra les poings dans son dos. Pas question de perdre contre cet arriviste d’Idye. Pourtant, l’hydromel de Falias n’était pas réputé pour sa douceur et son petit taux d’alcool. Intérieurement, elle se maudit, presque certaine maintenant d’avoir creusé sa tombe. Peut-être pourrait-elle cependant entrainer le marchand dans sa chute, avant de lui révéler quelque secret trop précieux.

Il prit un moment pour déboucher la bouteille, et, puisqu’il ne la regardait pas, Thæ en profita pour afficher un rictus moqueur, qu’elle masqua en détournant le regard lorsqu’il fut servi. Elle arqua un sourcil circonspect. Il ne la servirait donc pas ? Bien. Vexée par le manque de galanterie du marchand – enfin, c’était quand ça l’arrangeait, à vrai dire, puisqu’elle détestait qu’on la prenne pour une demoiselle en détresse – elle s’assit brutalement à la table, et ne se servit pas, préférant de loin que le marchand prenne de l’avance. Verre après verre. Peut-être elle-même l’avait-elle vexé, puisque la politesse aurait exigé qu’elle s’occupe de son invité. Elle leva discrètement les yeux au ciel et appuya son menton dans ses mains, les coudes ancrés sur la table.

La chevalière avait espéré voir le marchand s’enfiler son nouveau verre aussi rapidement que les précédents, mais il n’en fit rien. A la manière d’un grand œnologue, il observa le contenu de sa coupe – qu’au vu de la qualité on aurait mieux fait de qualifier de gobelet – et prit son temps avant de la porter à ses lèvres. Dans une taverne, avec ses collègues, Thæ aurait certainement poussé la main de l’homme avec une maturité douteuse, afin qu’il finisse rapidement l’hydromel de son verre. Elle se mordit la langue en se rappelant à l’ordre. Seule sa patience à toute épreuve lui permettrait de vaincre son hôte sur ce terrain dangereux. Elle observa calmement la réaction de ce dernier, sa détermination lui brûlant les yeux. L’aveuglant peut-être, cela dit.

Indéniablement, il en fallait maintenant peu pour que l’un ou l’autre cède du terrain à son adversaire. Et c’est avec cet objectif en tête que la jeune femme se jura de ne pas toucher à une seule goutte de cet hydromel, qu’elle savait pourtant délicieux. Leur joute s’annonçait encore plus difficile, et surtout interminable.

Elle se redressa lorsque le marchand reprit la parole, d’un air qu’elle trouva gaillard. Peut-être l’alcool faisait-il son chemin dans l’esprit de l’homme. Thæ, elle, croisa ses doigts pour mieux y reposer sa tête, qui lui semblait déjà lourde, pour écouter les tirades de son interlocuteur.

Ses commissures se retroussèrent légèrement en écoutant le discours de Selden. Non, elle ne tomberait pas dans le panneau comme une débutante, hors de question. Elle préférait tout miser sur l’habile mais dangereux talent rhétorique du marchand pour parvenir à ses fins et s’en méfier à tous prix. Quitte à se faire un ennemi outré par son comportement. Peu lui importait, elle ne pouvait se permettre de baisser sa garde, même s’il feignait l’ivresse. Qu’il le soit vraiment l’arrangerait bien, cela dit, mais elle devrait attendre encore un peu avant de statuer sur cette affirmation.

— Ah oui ? N’exagérons rien, ce n’est qu’un alcool rustique, se contenta-t-elle de répondre en s’étirant sur place.

Elle se redressa ensuite pour écouter la suite des paroles du marchand, qui avait l’air hagard. La chevalière plissa les yeux. Elle était incapable de démêler le vrai du faux, mais n’abandonnait pas pour autant sa méfiance. Néanmoins, elle laissa échapper, certainement à cause de la boisson, un léger sourire lorsqu’il les compara à deux « vieux meilleurs ennemis ». Il avait raison. Cependant, lorsqu’il se mit à faire des flatterie, Thæ ne pu s’empêcher de douter de la sincérité des propos du marchand. Elle n’aimait pas que l’on s’amuser à la brosser dans le sens du poil, et encore moins lorsque cela venait de lui. Le voir reprendre une gorgée d’hydromel la ravit, peut-être un peu trop, puisque c’est avec un air de défi, certainement dû à l’alcool, qu’elle rétorqua :

— Vous êtes fort d’exagération, tout à coup, monsieur Vestrit. Un peu plus et je vous croirais presque, ironisa-t-elle.

Puis son visage redevint de marbre, et elle détourna le regard vers les flammes.

— Qu’importe, continua-t-elle, c’est bien là la preuve que vous, vous êtes fait pour votre métier. Je comprends petit à petit comment vous vous êtes hissé à la tête de votre empire. Et ce malgré votre jeune âge et vos origines. Si vous aimez le challenge et l’imprévu, je crois comprendre que vous en avez fait vos forces.

Elle le toisa ensuite, appuyant ses propos de son regard d’acier, tandis que le marchand avait laissé le silence s’installer. Thæ n’était pas certaine de l’attitude à adopter, mais espérait qu’en faisant la conversation à son « vieil ennemi », elle lui ferait baisser sa garde, et le verrait plus souvent boire de nouvelles gorgées d’hydromel. Il voulait jouer, se batte avec ses propres armes, elle ne baisserait pas les bras avant d’avoir essayé. Force brute mais fin stratège, la chevalière tentait au mieux d’équilibrer ses compétences dans ce duel dénué de sens. Lui maîtrisait avec brio l’éloquence, elle s’acharnerait jusqu’au bout pour percer ne serait-ce qu’une faille dans sa défense, pourtant si parfaite en apparence.

Elle joua d’un air distrait avec son verre, et attendit que le marchand réagisse. Chacun était comme un joueur, abattant tour à tour une nouvelle carte sur la table de leur étrange joute, et ce malgré l’alcool qui se frayait petit à petit un chemin vers leur esprit, les fatiguant et les affaiblissant au fur et à mesure que le temps s’écoulait. Chacun, pourtant, demeurait à l’affut de la moindre faute de l’adversaire, interprétant et rebondissant sur chaque geste ou parole en brandissant l’épée qu’étaient leurs mots.

Toutefois, la chevalière était fatiguée. Mais si elle aurait préféré mettre une dague sous la gorge du marchand pour en tirer quelques vérités, elle devait se contenter de jouer à son jeu, avec les moyens du bord.

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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 12/6/2018, 19:24 ►

Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden] Depositphotos_38225917-Hand-drawing-interior-design-for

Le commerce est l'école de la tromperie

    Selden commençait à regretter d'avoir un jour eut l'idée de venir à Fallias. Il n'aimait déjà pas le froid, la pluie ou le manque de lumière auparavant, mais désormais il les haïssait. Il était épuisé, grelottant, presque enchifrené malgré la chaleur du feu combinée à celle de l'hydromel, et sa patience arrivait à bout. En temps normal il adorait le genre de jeu auquel lui et Helvall s'étaient adonnés aujourd'hui. Mais maintenant qu'il était là, enfermé dans cette pièce surchauffée qui ne le réchauffait pas, emprisonné par les trombes d'eau qui tombaient là dehors, il ne pouvait que constater qu'il n'en pouvait plus.
     Jamais il n'avait eut à batailler aussi longtemps sans parvenir au moindre progrès. La chevalière restait impassible, inatteignable, et le marchand fut même prit de l'envie d'abandonner, de boire jusqu'à s'endormir avant de se réveiller, le crâne menaçant d'exploser, mais ravi de voir un rayon de soleil percer entre quelques nuages restés à la traine. Après tout, n'avait-il pas signé l'accord qu'il était venu chercher ici ? Ne pouvait-il pas se permettre de laisser couler, d'attendre le lendemain pour regagner son Idye chérie, y oublier le personnage froid et inflexible avec qui il avait traité, et profiter des bénéfices de sa nouvelle opération commerciale ?
    Non, il ne le pouvait pas. Il fallait au moins maintenir le status quo entre eux deux pour ne pas perdre la main si leurs transactions venaient à évoluer. Il se résolut donc à continuer, malgré la fatigue, et resta dans le rôle qu'il s'était donné peu avant : celui de l'homme saoul devenu trop franc.

    Mais pas assez sincère, visiblement. Thae Helvall venait d'avouer ne pas croire au compliment qu'il venait de lui faire. C'était pourtant l'une des premières phrases totalement véridique qu'il lui adressait à son sujet. Elle était donc méfiante. Ça n'était pas nouveau, mais cela prouvait qu'ils auraient encore un long chemin à faire ensemble avant de se faire un tant soit peu confiance. Et ils n'auraient pas d'autre choix que d'y arriver s'ils voulaient voir fructifier leur contrat fraîchement signé. Et le plus tôt serait le mieux. Il restait donc à convaincre son associée. Cela permettrait peut-être de sortir du piège dans lequel elle l'avait fourré, voire même d'adoucir la relation qu'ils venaient de tisser, avec un fil bien trop rêche au goût du marchand.
    Selden quitta son air hagard et son regard vide pour fixer son interlocutrice avec, dans ses yeux, autant de franchise que possible. L'heure n'était plus aux faux-semblants, ni aux tactiques de déstabilisation. Le temps était venu pour notre homme d'abattre sa dernière carte, celle qu'il avait oubliée depuis de longues années, et qu'il venait de retrouver, bien cachée au fond de sa manche : il allait être lui même – ou tenter de l'être – vrai, franc, direct, sincère.
    Cette perspective lui fit un drôle d'effet. Ou était-ce l'alcool qui en venait soudain à le faire frémir ? Toujours est-il qu'il prit le temps d'avaler une belle gorgée d'hydromel avant de se lancer.

    - Votre prudence vous honore, mais je vous assure que je vous dis la vérité. Vous êtes une vraie battante, comme toute bonne chevalière se doit de l'être, et c'est peut-être grâce à cela que vous surpassez mes autres associés. Eux ne se battent que pour leur propres intérêts – tout comme moi d'ailleurs – alors que vous, vous vous battez pour défendre vos semblables.
    Voilà ! Je comprend enfin ce que je n'arrivais pas à saisir jusqu'à maintenant. Nous n'avons pas les mêmes motivations et c'est de là que vient la défiance que nous avons l'un pour l'autre.
    Oh, inutile de le cacher : vous ne m'appréciez pas, je ne vous porte pas non plus dans mon cœur, et pourtant, il faudra se supporter encore longtemps. Quelques heures, déjà, avant de sortir d'ici, et quelques années encore, à chacune de nos rencontres.
    Alors pourquoi ne pas commencer à jouer franc-jeu ? Voyez, tout ce que je vient de dire, les constats que je viens de faire à votre sujet, je les aurait gardés pour moi il y a encore quelques minutes à peine. Mais c'en est assez. J'ose espérer que cette fois-ce vous serez convaincue par ma franchise.


    Il prit une nouvelle gorgée, plus grande encore que la précédente, prenant par la même occasion le temps de réaliser tout ce qu'il venait de dire. Puis il tendit la bouteille en direction de la chevalière.
    - A votre tour maintenant ! Buvez-donc une gorgée, ou deux, ou tout un verre, à vous de voir – peu me chaut ! - puis dites-moi ce que vous pensez de moi et du petit jeu auquel nous jouons depuis trop longtemps déjà. N'en avez-vous pas assez, tout comme moi ?



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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 22/6/2018, 01:09 ►


Les raisons du commerce sont toujours les plus fortes. Selden & Thæ Thæ sentit un frisson lui parcourir l’échine, elle plissa les yeux une fraction de seconde, pour essayer de déterminer l’origine de cette sensation désagréable. Ils étaient pourtant au chaud, à l’abri de la tempête au-dehors. Peut-être était-ce là un présage annonciateur de la suite de la soirée. Méfiance était mère de sûreté, aux yeux de la jeune femme, qui avait appris à ne pas se contenter d’une simple prudence. D’autant plus face à des ennemis de la trempe de son adversaire actuel. Elle ne voulait pas se laisser entraîner par ce dernier dans les méandres de l’alcool, alors qu’en temps général, elle s’y serait volontiers plongée, jusqu’à s’endormir ou rouler sous la table. Il lui fallait rassembler toutes ses forces pour combattre dans cette étrange ambiance.

Pourtant, déjà, la volonté comme l’esprit de la jeune femme commençait à s’effriter. Quelqu’un qui connaissait Thæ assurerait qu’elle ne tenait à présent plus que par son ardent désir de victoire. Elle ne se laisserait pas faire face au marchand comme elle avait pu le faire auparavant. Quitte à ce ne soit qu’une misérable petite victoire.

Le fait est que le temps était bien plus puissant que tout ce que l’on pouvait penser, et plus il leur échappait entre les doigts, plus leur esprit en était fragilisé. Tout du moins, la résistance de la chevalière était mise à rude épreuve par cet échange. Elle ne devait, ne pouvait, faire aucune faute, aucune incartade, mesurer chaque verre d’alcool - ce qu’elle n’avait pas pensé à faire au début de leur soirée. Elle avait beau essayer de s’amuser de la situation, c’était bien plus difficile sur le plan pratique. La tête lui tournait, douloureuse, et ses yeux lui piquaient, certainement à cause du temps qu’elle avait passé près des bûches brûlantes du foyer. Pour le coup, le marchand avait été plus malin qu’elle, et ne s’en était que raisonnablement approché.

Thæ pestait contre elle-même lorsque son compagnon d’infortune repris la parole. Elle le regarda prendre une nouvelle gorgée d’hydromel, et s’en félicita. La suite lui plut moins, cela dit. Elle sourit intérieurement en entendant dans la bouche du marchand les mots “prudence” et “vérité”. Quel comble ! Un marchand qui prétendait dire la vérité ? Elle n’avait jamais entendu ça - et les tenais de longue date tout en bas de son estime. Pour ce qui était de la prudence, il était bien poli d’appeler le comportement de la chevalière ainsi, au vu de leur mutuelle altercation muette. Elle l’écouta cependant attentivement, son regard gris fixant son interlocuteur, sans aucun mouvement. Virent ensuite les compliments. Elle en aurait recraché son verre si elle avait bu de l’alcool jusqu’avant, mais elle se contenta d’arquer légèrement un sourcil interrogateur, tic hélas presque trop voyant. Elle aurait volontiers levé les yeux au ciel, mais s’en garda bien. Elle s’interrogeait cependant sur l’attitude soudaine du marchand : était-il ivre ? Ou au moins trop alcoolisé pour maintenir leur joute verbale sans sens ? Elle n’en savait rien, mais ouvrait grand ses oreilles. Elle manqua de pouffer en l’entendant parler de “ses semblables” : était-elle la représentante des humains des neiges, à ses yeux ? Elle détourna le regard pour cligner des yeux, pour se remettre les idées en place. Alcool et chaleur ne faisaient pas bon ménage, et elle devrait le savoir. Son inattention portait ses fruits, et elle s’en mordait les joues, littéralement, tout en maintenant un visage de marbre. Puis le marchand énonça une évidence à laquelle la chevalière ne voulait pas vraiment penser : elle avait dit vouloir être présente d’un bout à l’autre de leur échange commercial, ce qui signifiait, comme il l’avait dit, bon nombre de rencontres. Il était vrai qu’au vu de ce début de relation, cela serait rapidement un véritable calvaire de mener à bien ces transactions. Un vrai plaisir.

Thæ se demanda même s’il n’avait pas raison, ce qui l’affola plus qu’autre chose. “Il essaie de t’endormir”, se répétait-elle en son for intérieur. Ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Dans le cas présent, elle ne pouvait pas faire confiance au marchand avant d’être absolument certaine de l’état dans lequel il prétendait être - alcoolisé et sincère. Il se prétendait franc, elle en doutait. Mais que pouvait-elle faire ? Ne pas lui répondre ? Laisser la soirée s’éterniser dans un silence plus que gênant et ennuyant.

Elle déglutit en voyant le marchand lui tendre la bouteille. Elle ne pouvait hélas refuser, ou ce serait admettre sa défaite, d’une part, et montrer sa perpétuelle méfiance, ce qui ne pourrait pas jouer en sa faveur. Soupirant légèrement, elle rentra donc dans son jeu en attrapant l’hydromel pour s’en resservir. Elle joua un instant avec le liquide dans son verre, cherchant ses mots, avant de déclarer sur un ton presque identique à celui du marchand, quoiqu’adouci :

— Eh bien, si ma prudence m’honore, c’est votre ruse qui m’impressionne, commença-t-elle. Effectivement, nous n’avons pas les mêmes motivations : comme vous l’avez dit, vous agissez pour votre propre intérêt, comme si vous nourrissiez une insatiable ambition, ce que je ne comprends pas d’ailleurs : n’êtes-vous jamais satisfait ? Elle marqua une pause pour boire une gorgée d’alcool. D’ailleurs, je crois que vous parvenez sans mal à accomplir vos désirs, sur un plan commercial et politique, ce qui est admirable, au vu de vos origines.

Elle laissa le silence s’installer, hésitant sur la démarche à suivre, mais l’alcool délia sa langue - plus facilement qu’elle ne l’aurait voulu, d’ailleurs.

— Bien sûr, ce “petit jeu” est éreintant, mais vous maniez trop adroitement les mots pour que vous laisse la moindre ouverture, alors ne comptez pas sur moi pour vous croire sincère, je le crains. Je vous sait bien trop malin.

L’une des commissures de ses lèvres se retroussa imperceptiblement et elle s’étira comme un chat. Elle était cependant d’accord avec lui quant au fait de jouer franc-jeu, et de discuter d’autre chose que leurs arrangements.

— S’il faut jouer cartes sur table, je vais vous dire ce que je pense, lança-t-elle en le dardant d’un regard où brillait une lueur calculée d'ivresse. Je pense que vous essayez de m’endormir. Au-delà de nos motivations, je pense que nos méthodes nous opposent également.

Elle se retint juste à temps de rire, et referma ses traits en constatant cela. Petit à petit, la chevalière baissait sa garde, et cela ne la rassurait pas, au vu de l’adversaire adroit qui lui faisait face. Elle appuya son menton sur ses mains croisées, les coudes ancrés sur la table, et attendit la réaction du marchand face à la sincérité que lui-même lui avait demandé d’exprimer. La soirée s’annonçait peut-être plus intéressante que prévu.


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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 21/7/2018, 12:29 ►

Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden] Depositphotos_38225917-Hand-drawing-interior-design-for

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    En voyant la chevalière prendre la bouteille d'hydromel, Selden faillit crier victoire. Il s'en garda bien, conservant son calme et  son sang froid. En une fraction de seconde il revint à la réalité. Ce n'était pas une victoire. Un petit pas en avant, tout au plus. Lui avait-il forcé la main, ou avait-elle attrapé la bouteille de son propre chef ? Difficile à dire. Si la première option était la bonne, c'était bel et bien une victoire pour le marchand, qui serait enfin parvenu à faire fléchir son adversaire. S'il s'agissait de la seconde, en revanche, on pouvait voir là qu'elle ne lâchait toujours pas le morceau, faisant preuve à nouveau d'une volonté à toute épreuve.
    En la voyant se resservir, puis en boire quelques gorgées au fil de sa réponse, le magnat voulut croire qu'il avait réussit son coup. Il l'écouta attentivement, examinant le moindre de ses mots, la moindre expression apparaissant sur son visage pour y déceler un signe au moins qui lui permette de définir laquelle des deux options était la bonne. Il essaya de le faire sans en avoir l'air, mais l'alcool commençait réellement à faire effet sur lui, et la lutte qu'il devait mener pour vaincre les faiblesses de l'ivresse était devenue si intense qu'il avait du mal à masquer son regard scrutateur et son écoute bien trop attentive.
    S'il y parvint un tant soit peu, ce ne fut en revanche pas le cas du rire qui, à nouveau, s'échappa de sa bouche alors que la Fallienne l'interrogeait. N'était-il jamais satisfait ? Cette interrogation le surprit tellement qu'il perdit un moment tout contrôle de lui même. Il rit à gorge déployée avant de retrouver peu à peu son calme et son attention. Il mourrait d'envie de lui répondre immédiatement, mais préféra attendre que sa compagne d'infortune termine son discours. Il y aurait là trop d'informations à glaner pour se permettre d'y couper court.

    Il la tenait enfin. Pas fermement, certes, mais il avait là la possibilité de resserrer son emprise sur elle. Elle buvait, gorgée après gorgée, et elle répondait à sa demande. La vérité sortait enfin de sa bouche. La franchise était là, dernier outil disponible pour le marchand. Il s'agissait désormais d'en user convenablement pour éviter que cette stratégie de la dernière chance ne se retourne contre lui.
    Alors qu'elle terminait de parler, Selden laissa le silence s'installer. Il but une gorgée d'hydromel, puis une autre, et une autre encore. Cela lui permettait de ne pas la fixer en préparant sa réponse. Quand enfin il se sentit prêt, il planta son regard dans celui de son adversaire, affichant un large sourire de satisfaction.
    - Je vous remercie de votre franchise. A vrai dire, je ne m'attendais pas à ce que vous acceptiez. Vous me surprenez toujours à peu plus, Helvall.
    Tout d'abord je vous remercie pour vos compliments. C'est la première fois que j'entends quelqu'un louer ma ruse qui, vous vous en doutez certainement, est un talent auquel je travaille tous les jours, et dont je suis on ne peut plus fier quand je vois les fruits qu'il donne.
    Mais trêve de louanges. Vous m'avez posé une question et je me dois d'y répondre. Ne suis-je jamais satisfait ? Je le suis constamment, en fait, et ce depuis le jour ou j'ai réussi à vendre ma première cargaison de laine. Vous n'imaginez pas la joie qui fut la mienne ce jour là. Ma satisfaction fut telle que je suis aussitôt reparti en acheter une deuxième. En la revendant elle aussi, et en voyant les bénéfices réalisés, je me suis rendu compte d'une chose capitale qui devait par la suite motiver toutes mes entreprises : la satisfaction n'a pas de limite. On peut toujours en avoir plus, tout comme l'argent d'ailleurs. C'est là mon moteur, ce qui me pousse à continuer, sans cesse, sans pause : bien plus que l'argent, c'est la satisfaction qui me pousse à continuer.
    Vous dites que nos motivations diffèrent. Cela est vrai, mais il me faut nuancer. Vous aussi vous cherchez à être satisfaite. Nous n'utilisons pas les mêmes moyens pour parvenir au même but, mais en accomplissant votre devoir, vos missions, en prenant soin du peuple de Fallias, sans vous en rendre compte peut-être, vous obtenez la satisfaction de savoir que vous avez fait de bonnes choses et de la bonne façon. N'ai-je pas raison ?


    Après cette longue tirade, Selden reprit son souffle, en même temps qu'une nouvelle lampée d'hydromel. Puis il se leva en reprenant la parole, se dirigeant vers la fenêtre.
    - Vous avez tort sur un point en revanche. Certes, j'essaye de vous endormir, là vous avez vu juste. Mais vous agissez de même, me semble-t-il, et en utilisant les mêmes méthodes que les miennes. Nous somme peut-être moins différents qu'il n'y paraît.
    N'avez vous pas menti, vous aussi, plus d'une fois, depuis notre rencontre et plus encore durant notre échange de ce soir ? N'avez-vous pas caché vos émotions, scruté mes réactions, analysé mes propos ? J'ai agit de même et voyez le résultat : nous sommes là, tous les deux, las, presque ivres, à lutter l'un contre l'autre autant que contre l'alcool et la fatigue et à chercher sans relâche le moyen de prendre le dessus sur un adversaire qui joue en fait à armes égales.
    Je commence à croire que ce combat ne finira jamais. Vous avez dit que j'étais bien trop malin, mais il en va de même pour vous. Vous maniez les mots aussi bien que les armes tout comme je manie les mots aussi bien que les millions. Et je commence à croire que jamais nous ne cesserons cette lutte. A chacune de nos rencontres, cela reprendra de plus belle. A moins que...


    Un nouveau silence, plus long, le temps de scruter ce qu'il se passait de l'autre côté de la fenêtre. Puis une dernière phrase, pour clôturer cette longue tirade qui, il l'espérait, serait la dernière.
    - A moins que ne nous ne nous mettions d'accord. Plus de mensonges, plus de faux semblants. Rien d'autre que la vérité, et plus d'autre sujet de conversation que ce qui nous relie : l'accord commercial que nous avons signé. Cela mettra un terme à notre joute éreintante, j'ose l'espérer. Et je pense que c'est ce que vous désirez également. Aucun de nous ne peut l'emporter sur l'autre. C'est un fait incontestable. Alors arrêtons-nous là. Je rend les armes. Restons-en sur cette égalité parfaite. Qu'en dites-vous ?
    Et répondez vite : je crois que ça se calme là dehors. Nous serons peut-être très bientôt séparés l'un de l'autre, enfin !


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Le commerce est l’école de la tromperie [Ft. Selden], par Invité ► 22/8/2018, 16:26 ►


Les raisons du commerce sont toujours les plus fortes. Selden & Thæ Quand le marchand se mit à rire alors qu’elle n’avait strictement rien dit de risible, la chevalière fronça les sourcils, mais ne s’arrêta pas pour autant de parler. Chacun leur tour, ils s’embarquaient dans d’inlassables monologues que l’ébriété n’arrangeait absolument pas. Au contraire. Thæ craignait de se livrer davantage que prévu en parlant de la sorte au marchand, mais l’alcool qui lui embrumait le cerveau ne lui permettait pas de poser les bonnes barrières. Elle eut presque envie de se joindre au rire du marchand, presque inarrêtable, mais se rappela qu’elle était en train de parler et que s’interrompre ne lui permettrait pas de terminer d’affirmer ses pensées. Aussi, elle ne pipa mot, se contentant de plisser les yeux et de froncer le nez avec une moue vaguement offensée.

Et elle regrettait déjà chaque mot, sans pour autant pouvoir arrêter la machine infernale qu’étaient devenues ses pensées. Le voyant retrouver son calme, la jeune femme se demanda s’il ne s’agissait pas là d’une menace silencieuse, car il semblait plus attentif et avait retrouvé l’air calculateur qu’elle lui connaissait jusqu’alors. Elle acheva son léger monologue avec une pointe d’anxiété, parfaitement consciente de se livrer au pire ennemi possible.

Le silence du marchand, uniquement interrompu par le bruit de la boisson, la mit plus que mal à l’aise, après ce déploiement de franchise. Même si elle était habituée à parler sans détour, au grand dam des politiques, la chevalière n’était pas certaine que c’était là la meilleure des stratégies face à un individu de la trempe du marchand.

Quand il la regarda enfin, Thæ ne put s’empêcher de frissonner, sentant que le pire était à venir et qu’elle était loin d’avoir abattu une bonne carte sur la table de leurs négociations permanentes. Elle ne pouvait s’empêcher de prier pour que l’alcool ne lui ait aussi égaré l’esprit, mais ne quittait pas le commerçant des yeux. Son sourire n’augurait rien de bon. Absolument rien. Un frisson glacé parcourra l’échine de la jeune femme lorsqu’il prit la parole avec son air de carnivore affamé.

Elle plissa d’abord les yeux : ne jamais croire qu’un marchand remercie sans idée derrière la tête, mais ses traits se détendirent lorsqu’il avoua ne jamais s’être fait complimenté pour sa ruse. Il faut dire que l’on n’admet que rarement les qualités de ses ennemis. Comble de la faiblesse, elle lâcha un ricanement lorsqu’elle l’entendit dire qu’il travaillait ce trait comme n’importe quel art.

Mais la chevalière déchanta rapidement et retrouva son air de statue de glace très vite. S’il avait voulu prétendre en finir avec les compliments, tout ce qui suivit cet arrêt factice n’était que pur éloge. Elle l’écouta attentivement s’étalé sur sa satisfaction non sans retenir un bâillement - qu’elle excusa -, la fatigue commençant à se faire sentir. Lorsqu’il affirma que sa satisfaction était infinie, Thæ ricana à nouveau, grommelant un « Oui, j’avais remarqué » à peine audible. En tous cas, force était de constater que si la satisfaction du marchand était sa plus grande motivation, il ne manquerait pas d’être complètement démuni face au premier échec venu : il ne vivait que pour la réussite, le succès et la grandeur, visant l’expansion et l’avidité avant la prospérité.

La jeune femme se fendit d’un sourire dénué de toute joie, espérant se retrouver aux premières loges lorsque l’empire du marchand s’effondrerait. Car toutes les bonnes choses ont une fin, hélas.

L’entendant prétendre qu’ils se ressemblaient par leurs motivations et leurs buts, la chevalière cru qu’elle allait recracher la gorgée d’alcool qu’elle venait de se resservir et manqua de s’étouffer. Elle fronça d’autant plus les sourcils, pas le moins du monde d’accord avec le marchand.

— Ma motivation est uniquement de servir ma région et ma dirigeante, souffla-t-elle, les joues rougies. Si je suis satisfaite d’une action, il se peut que les gens au-dessus de moi ne soient pas de cet avis. Ce qui nous distingue, outre les moyens, c’est aussi les personnes qui bénéficient de nos agitations : vous agissez pour vous-même, j’agis pour le bien du peuple de Falias et pour cette région.

Elle l’observa ensuite se diriger vers la fenêtre, en silence. Lorsqu’il reprit la parole, elle haussa un sourcil circonspect. Il admettait lui-même vouloir l’endormir pour mieux la rouler dans la farine, mais était assez lucide pour lui retourner la remarque. Les commissures de ses lèvres s’étirèrent en un sourire en coin. Le marchand marquait un point, comme toujours.

Et le reste de sa tirade ne manquait pas de vrai. Elle s’était comportée contrairement à ses habitudes, tout simplement parce qu’il s’agissait d’une affaire commerciale et politique plus qu’originale, en présence d’un personnage haut en couleur.

Il se tut à nouveau et Thæ leva les yeux au ciel. Son baratin devenait une habitude pour elle et elle s’avait d’avance qu’il ne manquerait pas de reprendre rapidement la parole. Néanmoins, la tirade du commerçant décocha un rictus amusé sur le visage de la chevalière.

— Certes, nous en venons tous les deux d’utiliser moult stratagèmes pour mieux nous servir l’un de l’autre, mais d’après ce que j’ai cru comprendre, vous êtes plutôt habitué à ce genre d’échanges, la plupart de vos négociations passant plus pour un duel que pour un échange pacifique aux yeux de certains, railla-t-elle. J’avoue être fatiguée de ce petit jeu, de lutter contre vous, mais… je ne peux vous faire complètement confiance : vous restez vous-même avant d’être un partenaire commercial. Vous m’avez contrainte à user de vos stratagèmes à la minute même où vous avez mis les pieds dans mon bureau, à votre arrivée.

Glissant implicitement qu’elle savait que le marchand ne faisait jamais affaire que pour lui-même et son propre profit, elle espérait qu’il prendrait également ça comme un avertissement quant à leurs prochains échanges : elle ne se laisserait pas faire et ne le laisserait pas faire ce qu’il voulait des cargaisons de fourrure de Falias ou des richesses obscures qui faisaient fleurir le commerce de la région.

— Je suis consciente de ne pas avoir votre talent ou votre expérience pour la ruse et les stratégies louches, mais cette joute verbale, si tant est que l’on peut appeler cette journée ainsi, a été des plus enrichissantes. Je penserai à l’avenir à votre proposition de « sincérité » et j’aimerais vraiment que nous puissions y parvenir. Mais je doute que ce soit aujourd’hui ou même prochainement. Toutefois j’avoue que je vois aussi peu à peu le bout de cette journée en votre compagnie avec grand plaisir, sans vouloir vous insulter.

A son tour, elle s’amusa à marquer une pause et se leva pour constater l’amélioration du temps à l’extérieur.

— Néanmoins, si vous « rendez les armes » c’est que j’ai gagné, monsieur Vestrit. Comptez sur moi pour respecter ma part de l’accord, mais pour ce qui est du reste, nous verrons cela avec le temps. En attendant, comme vous l’avez dit : arrêtons-nous là, mais certainement pas sur une égalité : vous vous rendez, soit, pas moi.

A ces mots, la chevalière se détacha de la fenêtre et se dirigea vers l’entrée de l’atelier, où elle récupéra son manteau de fourrure en silence avant de planter le marchand là pour s’engouffrer à l’extérieur de la mansarde. Le froid et la lumière lui piquèrent les yeux mais elle ne s’abrita pas à nouveau à l’intérieur, pour ne pas laisser au marchand le dernier mot de leur petit affrontement.

Oscillant légèrement en marchant, elle entreprit de rejoindre - quoique difficilement - son office, espérant avoir apporté une satisfaction nouvelle au commerçant en l’ayant laissé seul sur le ring chaleureux et alcoolisé de l’atelier.

Pour la première fois depuis longtemps, elle esquissa un sourire amusé.

©️ Justayne

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